4. L’approche de la structure sociale en termes de classes sociales fait débat.

Les distances intra-classes et inter-classes évoluent, les identifications à un groupe social sont inégales, les facteurs d’individualisation sont multiples et les rapports sociaux de genre complexifient les analyses.
L’idée, dans cette dernière partie, est de se demander si l’analyse de la structure sociale en termes de classes sociales, au sens de Marx est en déclin ou si elle connaît un renouveau. De nombreux travaux de recherche récents de sociologues mobilisent à nouveau le concept de classes sociales et notamment concernant les mondes ouvriers et de la haute bourgeoisie.Le débat sur la pertinence de l’approche de la structure en termes de classes sociales existe sur le plan théorique (débat d’idées entre sociologues) et sur le plan statistique (que montre les enquêtes quantitatives ? Les données statistiques permettent-elles de mettre en évidence l’existence de classes sociales ?).Le débat n’est pas tranché et, pour Olivier Schwartz, sociologue français contemporain, la société française est encore une société de classes mais moins sur certains aspects et plus sur d’autres : « Je pense, comme bien d’autres, que la société française d’aujourd’hui demeure une société de classes. Ou plus exactement, il me semble que l’on peut dire qu’elle l’est à la fois moins et plus qu’elle ne l’était à la fin des 1970. Elle est certainement moins structurée en classes qu’il y a une trentaine ou une quarantaine d’années (...) Et en même temps, sur d’autres plans, on peut aussi dire que le caractère de classe de cette société s’est à certains égards accentué. Non seulement les grandes inégalités sociales se sont pour l’essentiel maintenues en se déplaçant, mais il n’est pas exagéré de dire que certaines se sont durcies. »[1] Olivier SCHWARTZ, « Vivons-nous encore dans une société de classes ? Trois remarques sur la société française contemporaine », laviedesidees.fr, le 22 septembre 2009 / https://laviedesidees.fr/Vivons-nous-encore-dans-une.html

L’idée, dans cette dernière partie, est de se demander si l’analyse de la structure sociale en termes de classes sociales, au sens de Marx est en déclin ou si elle connaît un renouveau. De nombreux travaux de recherche récents de sociologues mobilisent à nouveau le concept de classes sociales et notamment concernant les mondes ouvriers et de la haute bourgeoisie.

Le débat sur la pertinence de l’approche de la structure en termes de classes sociales existe sur le plan théorique (débat d’idées entre sociologues) et sur le plan statistique (que montre les enquêtes quantitatives ? Les données statistiques permettent-elles de mettre en évidence l’existence de classes sociales ?).

Le débat n’est pas tranché et, pour Olivier Schwartz, sociologue français contemporain, la société française est encore une société de classes mais moins sur certains aspects et plus sur d’autres : « Je pense, comme bien d’autres, que la société française d’aujourd’hui demeure une société de classes. Ou plus exactement, il me semble que l’on peut dire qu’elle l’est à la fois moins et plus qu’elle ne l’était à la fin des 1970. Elle est certainement moins structurée en classes qu’il y a une trentaine ou une quarantaine d’années (...) Et en même temps, sur d’autres plans, on peut aussi dire que le caractère de classe de cette société s’est à certains égards accentué. Non seulement les grandes inégalités sociales se sont pour l’essentiel maintenues en se déplaçant, mais il n’est pas exagéré de dire que certaines se sont durcies. »

[1] Olivier SCHWARTZ, « Vivons-nous encore dans une société de classes ? Trois remarques sur la société française contemporaine », laviedesidees.fr, le 22 septembre 2009 / https://laviedesidees.fr/Vivons-nous-encore-dans-une.html

4.1. L’évolution des distances inter- et intra-classes.

Une première réponse à apporter à ce débat consiste à mobiliser les concepts de distance inter-classes et de distance intra-classe. Si l’on positionne les groupes sociaux dans l’espace social, la distance inter-classes correspond à la distance entre ces groupes au sein de cet espace social. Plus ils sont éloignés et plus la distance inter-classe sera forte. Cette distance peut se traduire par des modes de vie différents, par des visions du monde différentes mais aussi par la présence d’importantes inégalités entre les individus appartenant aux différentes classes sociales. La distance intra-classe correspond à la distance entre les individus placés dans cet espace social et formant un groupe social. Une forte distance intra-classe entre les individus appartenant au même groupe social peut se traduire par des modes de vie différents, des visions du monde différentes ou encore par la présence d’importantes inégalités entre les individus appartenant à cette même classe sociale. La notion de distance intra-classe permet de mettre en évidence l’hétérogénéité de certains groupes sociaux classiquement étudiés par les sociologues tels que les PCS ouvriers et employés. Ainsi, l’approche en termes de classes sociales pour analyser la structure sociale peut être pertinente si les classes sociales regroupent des individus à la fois socialement éloignés des membres des autres classes sociales (forte distance inter-classes) et socialement proches des membres de leur propre classe sociale (faible distance intra-classe). Les inégalités économiques et sociales entre les classes sociales seront alors fortes et celles à l’intérieur des classes sociales faibles.

Une première réponse à apporter à ce débat consiste à mobiliser les concepts de distance inter-classes et de distance intra-classe.

Si l’on positionne les groupes sociaux dans l’espace social,la distance inter-classes correspond à la distance entre ces groupes au sein de cet espace social. Plus ils sont éloignés et plus la distance inter-classe sera forte. Cette distance peut se traduire par des modes de vie différents, par des visions du monde différentes mais aussi par la présence d’importantes inégalités entre les individus appartenant aux différentes classes sociales.

La distance intra-classe correspond à la distance entre les individus placés dans cet espace social et formant un groupe social. Une forte distance intra-classe entre les individus appartenant au même groupe social peut se traduire par des modes de vie différents, des visions du monde différentes ou encore par la présence d’importantes inégalités entre les individus appartenant à cette même classe sociale. La notion de distance intra-classe permet de mettre en évidence l’hétérogénéité de certains groupes sociaux classiquement étudiés par les sociologues tels que les PCS ouvriers et employés.

Ainsi, l’approche en termes de classes sociales pour analyser la structure sociale peut être pertinente si les classes sociales regroupent des individus à la fois socialement éloignés des membres des autres classes sociales (forte distance inter-classes) et socialement proches des membres de leur propre classe sociale (faible distance intra-classe). Les inégalités économiques et sociales entre les classes sociales seront alors fortes et celles à l’intérieur des classes sociales faibles.

4.1.1. Existe-t-il une forte distance inter-classes entre les groupes sociaux au sein de la société française actuelle ?

Nous pouvons répondre à la fois oui et à la fois non à cette question.

D’un côté, entre 1950 et 1980, la société française a connu un processus de moyennisation au cours duquel les inégalités (en particulier les inégalités économiques) ont diminué (baisse de la distance inter-classes) grâce à une croissance forte et au développement de la protection sociale. En effet, la hausse du revenu disponible via la hausse des revenus d’activité et celle des revenus de transfert, a permis notamment aux catégories populaires de voir leurs revenus se rapprocher de celui des « classes moyennes. Durant cette période, les modes de vie se sont rapprochés (standardisation des biens de consommation, consommation de masse, développement des loisirs, etc.). La mobilité sociale ascendante augmente grâce notamment à la création d’emplois qualifiés comme nous l’avons vu dans la partie 2 (hausse notamment de la part des cadres et des professions intermédiaires au sein de la population active) et grâce aussi à la démocratisation scolaire et particulièrement de l’enseignement supérieur qui a permis une hausse du niveau de qualification de la société française. Les enfants d’ouvriers et d’employés ont ainsi pu connaître une ascension sociale, en tout cas pour certains d’entre eux. (cf. partie 2 et les chapitres sur l’école et sur la mobilité sociale).

D’un autre côté, depuis les années 1980, de nombreux sociologues et économistes mettent en évidence la persistance voire le renouveau des inégalités économiques et sociales ce qui éloigne certains groupes sociaux les uns des autres et notamment les plus riches du reste de la population à savoir la « grande bourgeoisie » ou encore le « top 1% » (1% des Français les plus riches), qui ont vu leurs revenus fortement augmenter ces derniers temps. En effet, d’après l’INSEE, la part des revenus détenus par le top 1 % passe de 7 % en 1983 à 11 % en 2014, soit une hausse de plus de 50 % ; à partir de 1983, les très hauts revenus augmentent à un rythme de 2.2 % par an contre moins de 1 % pour le reste de la population. De même, il semble que la mobilité ascendante ne progresse plus pour les enfants d’employé et d’ouvrier (voir chapitre 8).

4.1.2. Existe-t-il une faible distance intra-classe au sein des groupes sociaux qui structurent la société française actuelle ?

Pour répondre à cette question, analysons la situation au sein des groupes sociaux « traditionnels ».

Au bas de l’échelle sociale, l’arrivée du chômage de masse (qui n’a plus quitté la France depuis les années 1980) et la dualisation progressive du marché du travail conduisent à la constitution d’un « précariat », contraction du mot « précarisation » faisant référence à la précarisation du marché du travail et du mot « prolétariat », notion développée par Marx. Ainsi, la dualisation du marché du travail et le chômage de masse feraient apparaître une nouvelle classe sociale (en soi), composée de salariés précaires dont les conditions d’existence pourraient être comparées à celles du prolétariat. De plus, si la classe ouvrière, au sens marxiste du terme, a bel et bien disparu (et notamment la classe pour soi, du fait de la disparition de la lutte des classes de nature révolutionnaire et du déclin de la conscience de classe), les « mondes ouvriers » existent encore et se rapprochent de la catégorie « employé » des PCS, partageant des niveaux et des modes de vie similaires. La distinction entre ouvriers et employés n’est pas toujours évidente aujourd’hui : par exemple, un magasinier est classé comme ouvrier s’il travaille dans un atelier et comme employé s’il travaille dans une grande surface commerciale. On parle alors de « classes populaires ». Pour autant, cela ne signifie pas que la classe « ouvriers + employés » constituerait une classe en soi car le groupe socioprofessionnel ouvriers et celui des employés sont traversés par des lignes de fracture importantes et donc présentent une distance intra-classe qui peut être forte. En effet, il est nécessaire de distinguer, au sein de ces groupe socioprofessionnel, les ouvriers et les employés qui appartiennent au marché du travail primaire (emplois stables, diplômés) de ceux qui appartiennent au marché du travail secondaire (intérim, CDD, peu ou pas qualifiés). Certains sociologues notent d’ailleurs une volonté de ces ouvriers « stables » de se démarquer, de se distinguer des « précaires », des « perdus », de ceux qui « n’ont pas d’avenir » et qui sont associés à la précarité, au chômage et à l’assistance. « Il y a « eux » et il y a « nous » » disent les ouvriers « stables », et pourtant, ils font partis du même groupe socioprofessionnel. Les groupes socioprofessionnels « ouvriers » et « employés » sont donc relativement hétérogènes et, pour les étudier, il conviendrait alors de distinguer les ouvriers qualifiés des ouvriers non qualifiés et les employés qualifiés des employés non qualifiés et de les regrouper en 2 groupes : une classe populaire qualifiée (ouvriers et employés qualifiés) et une classe populaire non qualifiée (ouvriers et employés non qualifiés). En créant ces nouveaux groupes statistiques, on crée des groupes sociaux plus homogènes socialement (même niveau de revenu, mêmes conditions de travail, mêmes pratiques sociales). Par exemple, on constate que le risque de chômage est inégalement réparti entre les ouvriers qualifiés (9,6 % en 2018) et les ouvriers non qualifiés (17,8 % en 2018 soit le double !). Les classes sociales traditionnelles telles que la classe ouvrière semblent donc se défaire avec l’augmentation de la distance intra-classe et se recomposer entre « stables » et « précaires ». La distance intra-classe a donc augmenté au sein du groupe socioprofessionnel ouvriers et au sein du groupe socioprofessionnel employés mais est faible au sein du groupe ouvriers + employés non qualifiés et au sein du groupe ouvriers + employés qualifiés.

De l’autre côté de la hiérarchie sociale, la grande bourgeoisie française peut être considérée comme une classe en soi. La forte progression des revenus des 1 % des ménages ayant les revenus les plus élevés provenant notamment de la forte hausse des revenus du patrimoine montre leur position sociale privilégiée. De plus, la grande bourgeoisie française détient une grande partie du patrimoine : en France, début 2018, d’après l’INSEE, les 10 % de ménages les mieux dotés en patrimoine détiennent 46 % de la masse totale de patrimoine brut ; la grande bourgeoisie partage également un même mode de vie à travers, par exemple, des pratiques culturelles communes telles que le théâtre ou l’art contemporain, des codes vestimentaires spécifiques comme les mocassins à une certaine époque ou encore les carrés de soie Hermès ainsi que des réseaux d’interconnaissance). Elle peut être aussi considérée comme une classe pour soi via la défense d’intérêts communs telle que celle de la défense des beaux quartiers qu’ils occupent par l’organisation d’actions contestataires pour empêcher la construction de logements sociaux ou encore à destination des réfugiés par exemple. De plus, la préservation d’un entre-soi est recherchée que ce soit par l’inscription des enfants dans des écoles fermées socialement ou par l’organisation d’une sociabilité spécifique au groupe à travers par exemple les rallyes. Toutes ces actions favorisent le goût pour les personnes de son groupe, de son milieu social et une forme d’homogamie et de reproduction sociales.

4.1.3. Conclusion

Ainsi, si l’on s’intéresse aux distances intra-classe et inter-classes, il semble difficile de répondre uniquement par oui ou par non à la question de la pertinence de l’approche en termes de classes sociales pour analyser la structure sociale française contemporaine. Certaines évolutions vont dans le sens du « oui » (faible distance intra-classe au sein de certains groupes sociaux tels que la grande bourgeoisie, augmentation à court-terme de la distance inter-classes entre les plus riches et reste de la population, entre les plus riches et le « précariat », arrêt du processus de moyennisation) quand d’autres vont dans le sens du « non » (forte distance intra-classe au sein de différents groupes socioprofessionnels GSP qui ne présentent donc plus une réelle homogénéité sociale, diminution sur le long-terme de la distance inter-classes entre les groupes sociaux les plus favorisés et classes populaires à travers le processus de moyennisation).

Par ailleurs, quand bien même la classe ouvrière a toujours présenté une certaine hétérogénéité en son sein (même à son apogée, dans les années 1950-1960), elle a pu constituer une classe sociale en tant que telle car une grande partie du groupe se reconnaissait dans l’appellation « ouvrier » et partageait des intérêts et des combats communs notamment du fait d’une forte syndicalisation et d’un poids important des syndicats. Ainsi, pour savoir si l’approche en termes de classes sociales est pertinente pour analyser la structure sociale en France aujourd’hui, il convient de s’intéresser à ce qui crée ce « nous » à savoir aux identifications subjectives à un groupe social mais aussi à ce qui défait ce « nous » à savoir, notamment, les multiples facteurs d’individualisation.

4.2. Les identifications subjectives à un groupe social sont inégales.

L’analyse en termes de classes sociales suppose donc également l’identification subjective à un groupe social (classe pour soi). Cette identification subjective peut ne pas correspondre à la position objective dans l’espace social qu’un sociologue pourrait évaluer. Par exemple, les individus appartenant aux classes populaires ont parfois tendance à se positionner dans la classe moyenne. Pour analyser les identifications subjectives, on peut s’intéresser aux enquêtes par questionnaire (sondages) réalisées régulièrement sur le sentiment d’appartenance à une classe sociale. Ces enquêtes montrent que le sentiment d’appartenance à une classe sociale n’a pas disparu mais qu’il concerne davantage les milieux les plus favorisés et notamment les cadres et professions intellectuelles supérieures. Cela rejoint ainsi l’analyse des classes supérieures ou de la grande bourgeoisie comme véritable classe sociale, à la fois classe en soi et classe pour soi. Par ailleurs, des enquêtes sociologiques de terrain montrent que certains ouvriers ne s’identifient pas comme ouvriers à cause du stigmate auquel cette classification renvoie (faible niveau d’éducation, faible niveau de revenu, bas de l’échelle sociale, précarité). Il y a, pour certains, comme une honte à appartenir à ce monde ouvrier parce qu’ils ne veulent pas être associés aux travailleurs précaires, aux personnes en difficulté. On retrouve ici la distance intra-classe, la ligne de fracture, présente entre les ouvriers qualifiés et les ouvriers non qualifiés. Ainsi, à l’hétérogénéité objective mesurée par la distance intra-classe, s’ajoute une hétérogénéité subjective liée à une volonté de certains ouvriers de ne pas s’identifier ou à ne pas être identifié comme ouvrier. Le travail reste la principale source d’identification en France mais d’autres sources d’identification peuvent être mobilisées comme les loisirs, la pratique religieuse ou encore la vie de couple ou la vie de famille, notamment au sein des classes populaires car ces sources d’identification sont alors considérées comme plus valorisantes.

L’analyse en termes de classes sociales suppose donc également l’identification subjective à un groupe social (classe pour soi). Cette identification subjective peut ne pas correspondre à la position objective dans l’espace social qu’un sociologue pourrait évaluer. Par exemple, les individus appartenant aux classes populaires ont parfois tendance à se positionner dans la classe moyenne.

Pour analyser les identifications subjectives, on peut s’intéresser aux enquêtes par questionnaire (sondages) réalisées régulièrement sur le sentiment d’appartenance à une classe sociale. Ces enquêtes montrent que le sentiment d’appartenance à une classe sociale n’a pas disparu mais qu’il concerne davantage les milieux les plus favorisés et notamment les cadres et professions intellectuelles supérieures. Cela rejoint ainsi l’analyse des classes supérieures ou de la grande bourgeoisie comme véritable classe sociale, à la fois classe en soi et classe pour soi.

Par ailleurs, des enquêtes sociologiques de terrain montrent que certains ouvriers ne s’identifient pas comme ouvriers à cause du stigmate auquel cette classification renvoie (faible niveau d’éducation, faible niveau de revenu, bas de l’échelle sociale, précarité). Il y a, pour certains, comme une honte à appartenir à ce monde ouvrier parce qu’ils ne veulent pas être associés aux travailleurs précaires, aux personnes en difficulté. On retrouve ici la distance intra-classe, la ligne de fracture, présente entre les ouvriers qualifiés et les ouvriers non qualifiés. Ainsi, à l’hétérogénéité objective mesurée par la distance intra-classe, s’ajoute une hétérogénéité subjective liée à une volonté de certains ouvriers de ne pas s’identifier ou à ne pas être identifié comme ouvrier.

Le travail reste la principale source d’identification en France mais d’autres sources d’identification peuvent être mobilisées comme les loisirs, la pratique religieuse ou encore la vie de couple ou la vie de famille, notamment au sein des classes populaires car ces sources d’identification sont alors considérées comme plus valorisantes.

4.3. La multiplication des facteurs d’individualisation réduit le sentiment d’appartenance de classe.

Une autre façon de réfléchir sur les classes sociales consiste à s’intéresser au processus d’individualisation. Cette individualisation se traduit par moins de « nous », moins de collectif et plus de « je ». Les sociétés modernes se caractérisent ainsi par un processus d’individualisation : les individus revendiquent leur autonomie, leur indépendance vis-à-vis des groupes sociaux traditionnels. Ce processus peut menacer le sentiment d’appartenance à une classe sociale. Les collectifs de travail, par exemple, sont moins intégrés du fait des évolutions récentes du monde du travail, notamment dans les milieux ouvriers. Les unités de production sont plus petites ce qui conduit à une moindre présence syndicale et donc à moins de collectif. Les transformations de l’organisation du travail conduisent à une plus grande individualisation des parcours professionnels : primes individuelles, contrôle du travail par l’évaluation individuelle et non collective, faible promotion interne et donc changements fréquents d’entreprises pour pouvoir évoluer, embauches en contrats temporaires et non en CDI ... La désyndicalisation (particulièrement marquée à partir des années 1980) a également considérablement affaibli les collectifs de travail. Au sein du monde ouvrier, cette perte de collectif dans le monde du travail s’associe à un repli sur la vie familiale et amicale. Les ouvriers se définissent désormais par la famille et non plus par le travail. On devient plus « je » que « nous » et ce d’autant plus que les familles ouvrières ne sont plus intégrées dans des solidarités de quartiers ou de milieu professionnel entretenues par des syndicats puissants. Elles s’individualisent à mesure que le collectif ouvrier s’affaiblit.

Une autre façon de réfléchir sur les classes sociales consiste à s’intéresser au processus d’individualisation. Cette individualisation se traduit par moins de « nous », moins de collectif et plus de « je ». Les sociétés modernes se caractérisent ainsi par un processus d’individualisation : les individus revendiquent leur autonomie, leur indépendance vis-à-vis des groupes sociaux traditionnels. Ce processus peut menacer le sentiment d’appartenance à une classe sociale.

Les collectifs de travail, par exemple, sont moins intégrés du fait des évolutions récentes du monde du travail, notamment dans les milieux ouvriers. Les unités de production sont plus petites ce qui conduit à une moindre présence syndicale et donc à moins de collectif. Les transformations de l’organisation du travail conduisent à une plus grande individualisation des parcours professionnels : primes individuelles, contrôle du travail par l’évaluation individuelle et non collective, faible promotion interne et donc changements fréquents d’entreprises pour pouvoir évoluer, embauches en contrats temporaires et non en CDI ... La désyndicalisation (particulièrement marquée à partir des années 1980) a également considérablement affaibli les collectifs de travail. Au sein du monde ouvrier, cette perte de collectif dans le monde du travail s’associe à un repli sur la vie familiale et amicale. Les ouvriers se définissent désormais par la famille et non plus par le travail. On devient plus « je » que « nous » et ce d’autant plus que les familles ouvrières ne sont plus intégrées dans des solidarités de quartiers ou de milieu professionnel entretenues par des syndicats puissants. Elles s’individualisent à mesure que le collectif ouvrier s’affaiblit.

4.4. L’articulation avec les rapports sociaux de genre complexifie l’analyse de la structure sociale.

La sociologie française a longtemps été accusée d’être aveugle au genre, au bénéfice de l’analyse en termes de classes sociales. L’analyse en termes de classes sociales a, en effet, laissé de côté les rapports sociaux liés au genre ce qui n’a pas permis de mettre en évidence les inégalités entre les sexes. S’intéresser au genre revient à s’intéresser à ce que la société considère comme relevant du « féminin » (telles que les tâches ménagères par exemple) et à ce que la société considère comme relevant du « masculin » (telles que faire carrière par exemple) et ainsi aux inégalités liées au sexe qui en découlent. Les analyses en termes de classes sociales et en termes de genre ne sont pour autant pas concurrentes. Il s’agit donc ici d’articuler la différenciation par la classe sociale et la différenciation par le genre et donc de croiser les deux dimensions : comparer le fait d’être une femme cadre au fait d’être une femme employée par exemple ou encore le fait d’être un homme cadre à un homme ouvrier. Ce croisement des analyses permet de mettre en évidence les inégalités femmes-hommes mais aussi les inégalités entre les femmes et notamment sur le marché du travail. Concernant les inégalités femmes-hommes, l’analyse croisée classes sociale et genre a permis de mettre en évidence le fait que certains hommes ont pu faire carrière à très haut niveau grâce à leurs femmes qui ont pris en charge l’ensemble des tâches liées à la vie de famille afin de libérer le maximum de temps aux conjoints pour qu’il le consacre à leur carrière. Ce faisant, ces femmes ont pu parfois mettre de côté leur propre carrière professionnelle quand bien même elles avaient le même niveau de diplôme que leurs conjoints. D’où cette célèbre phrase, parfois utilisée par les cadres dirigeants pour évoquer notamment leur équilibre vie professionnelle – vie personnelle (et qui ne manque pas d’ironie) : « j’ai une femme exceptionnelle ». Concernant les inégalités entre les femmes, l’analyse croisée classes sociale ou diplôme et genre a permis de mettre en évidence le fait que les problématiques sur le marché du travail sont différentes si l’on compare les femmes cadres et les femmes employées. Les femmes cadres vont se heurter parfois au phénomène du « plafond de verre » à savoir le fait de ne pas réussir à faire carrière pour certaines femmes cadres sans en connaître les raisons quand les femmes employées vont davantage souffrir du temps partiel subi ou encore des horaires de travail décalés.

La sociologie française a longtemps été accusée d’être aveugle au genre, au bénéfice de l’analyse en termes de classes sociales. L’analyse en termes de classes sociales a, en effet, laissé de côté les rapports sociaux liés au genre ce qui n’a pas permis de mettre en évidence les inégalités entre les sexes.

S’intéresser au genre revient à s’intéresser à ce que la société considère comme relevant du « féminin » (telles que les tâches ménagères par exemple) et à ce que la société considère comme relevant du « masculin » (telles que faire carrière par exemple) et ainsi aux inégalités liées au sexe qui en découlent.

Les analyses en termes de classes sociales et en termes de genre ne sont pour autant pas concurrentes. Il s’agit donc ici d’articuler la différenciation par la classe sociale et la différenciation par le genre et donc de croiser les deux dimensions : comparer le fait d’être une femme cadre au fait d’être une femme employée par exemple ou encore le fait d’être un homme cadre à un homme ouvrier.

Ce croisement des analyses permet de mettre en évidence les inégalités femmes-hommes mais aussi les inégalités entre les femmes et notamment sur le marché du travail.

Concernant les inégalités femmes-hommes, l’analyse croisée classes sociale et genre a permis de mettre en évidence le fait que certains hommes ont pu faire carrière à très haut niveau grâce à leurs femmes qui ont pris en charge l’ensemble des tâches liées à la vie de famille afin de libérer le maximum de temps aux conjoints pour qu’il le consacre à leur carrière. Ce faisant, ces femmes ont pu parfois mettre de côté leur propre carrière professionnelle quand bien même elles avaient le même niveau de diplôme que leurs conjoints. D’où cette célèbre phrase, parfois utilisée par les cadres dirigeants pour évoquer notamment leur équilibre vie professionnelle – vie personnelle (et qui ne manque pas d’ironie) : « j’ai une femme exceptionnelle ».

Concernant les inégalités entre les femmes, l’analyse croisée classes sociale ou diplôme et genre a permis de mettre en évidence le fait que les problématiques sur le marché du travail sont différentes si l’on compare les femmes cadres et les femmes employées. Les femmes cadres vont se heurter parfois au phénomène du « plafond de verre » à savoir le fait de ne pas réussir à faire carrière pour certaines femmes cadres sans en connaître les raisons quand les femmes employées vont davantage souffrir du temps partiel subi ou encore des horaires de travail décalés.