2. Les principales évolutions de la structure socioprofessionnelle en France depuis la seconde moitié du XXème siècle.

La structure socioprofessionnelles s’est moyennisée, les qualifications se sont élevées, la salarisation et la tertiarisation se sont développés et les emplois se sont féminisés

2.1. L’évolution de la structure socioprofessionnelle : moyennisation et élévation des qualifications.

La structure socioprofessionnelle a fortement évolué du fait des mutations économiques et sociales qu’a connues la France depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Nous pouvons le constater en analysant l’évolution de la répartition des emplois selon la catégorie socioprofessionnelle depuis le début des années 1960.Graphique 1 : Répartition de la population active par catégorie socioprofessionnelle Source : Olivier Marchand et Claude Minni, Les grandes trnsformations du marché du travail en France depuis le début des années 1960 in Économie et Statistiques n°510-511-512, Insee, 2019Ainsi, on constate que certains groupes socioprofessionnels sont en expansion depuis le milieu du XXe siècle tels que les cadres, les employés et les professions intermédiaires tandis que d’autres voient leur poids au sein de la population active diminuer à savoir les ouvriers, les artisans, commerçants et chefs d’entreprises et les agriculteurs exploitants.Les ouvriers, qui constituaient le groupe socioprofessionnel le plus important au sein de la population active au milieu du XXe siècle (environ 40 % de la population active en 1962) représentent moins de 25 % de la population active en 2018, derrière les employés qui représentent quant à eux 27 % de la population active environ (contre 20 % en 1962).De même, les agriculteurs sont de moins en moins nombreux et très peu nombreux en proportion des actifs puisqu’ils représentaient 15 % de la population active en 1962 contre 0,3% en 2018.Enfin, comme les employés, les cadres et les professions intermédiaires ont connu une nette augmentation de leur part dans la population active depuis le milieu du XXe siècle. Ainsi, les cadres qui comptaient pour 4,7 % de la population active en 1962, représentent 17,8 % de la population active en 2016. Leur part a donc été multipliée par plus de 3 en près de 60 ans. Les professions intermédiaires, quant à elles, font plus que doubler leur poids dans la population active en passant de moins de 10 % à plus de 20 % en 2018.Comment expliquer cette évolution de la répartition des emplois selon la catégorie socioprofessionnelle. Nous allons mettre en évidence 4 évolutions principales : la salarisation, la tertiarisation, l’élévation du niveau de qualification et la féminisation des emplois qui peuvent en partie faire comprendre les modifications de la structure socioprofessionnelle en France. En effet, la salarisation peut permettre de comprendre la baisse de la part des agriculteurs exploitants dans la population active de même que celle des artisans et des commerçants. Les transformations des qualifications peuvent, quant à elles, expliquer l’évolution des emplois salariés, d’ouvriers ou de cadres et professions intellectuelles par exemple.

La structure socioprofessionnelle a fortement évolué du fait des mutations économiques et sociales qu’a connues la France depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Nous pouvons le constater en analysant l’évolution de la répartition des emplois selon la catégorie socioprofessionnelle depuis le début des années 1960.

Graphique 1 : Répartition de la population active par catégorie socioprofessionnelle

Graphique : répartition et évolution des PCS

Source : Olivier Marchand et Claude Minni, Les grandes trnsformations du marché du travail en France depuis le début des années 1960 in Économie et Statistiques n°510-511-512, Insee, 2019

Ainsi, on constate que certains groupes socioprofessionnels sont en expansion depuis le milieu du XXe siècle tels que les cadres, les employés et les professions intermédiaires tandis que d’autres voient leur poids au sein de la population active diminuer à savoir les ouvriers, les artisans, commerçants et chefs d’entreprises et les agriculteurs exploitants.

Les ouvriers, qui constituaient le groupe socioprofessionnel le plus important au sein de la population active au milieu du XXe siècle (environ 40 % de la population active en 1962) représentent moins de 25 % de la population active en 2018, derrière les employés qui représentent quant à eux 27 % de la population active environ (contre 20 % en 1962).

De même, les agriculteurs sont de moins en moins nombreux et très peu nombreux en proportion des actifs puisqu’ils représentaient 15 % de la population active en 1962 contre 0,3% en 2018.

Enfin, comme les employés, les cadres et les professions intermédiaires ont connu une nette augmentation de leur part dans la population active depuis le milieu du XXe siècle. Ainsi, les cadres qui comptaient pour 4,7 % de la population active en 1962, représentent 17,8 % de la population active en 2016. Leur part a donc été multipliée par plus de 3 en près de 60 ans. Les professions intermédiaires, quant à elles, font plus que doubler leur poids dans la population active en passant de moins de 10 % à plus de 20 % en 2018.

Comment expliquer cette évolution de la répartition des emplois selon la catégorie socioprofessionnelle. Nous allons mettre en évidence 4 évolutions principales : la salarisation, la tertiarisation, l’élévation du niveau de qualification et la féminisation des emplois qui peuvent en partie faire comprendre les modifications de la structure socioprofessionnelle en France. En effet, la salarisation peut permettre de comprendre la baisse de la part des agriculteurs exploitants dans la population active de même que celle des artisans et des commerçants. Les transformations des qualifications peuvent, quant à elles, expliquer l’évolution des emplois salariés, d’ouvriers ou de cadres et professions intellectuelles par exemple.

2.2. Des éléments explicatifs des changements de la structure socioprofessionnelle.

2.2.1. La salarisation est une tendance de long terme assez peu remise en cause récemment.

La salarisation de l’emploi correspond à l’accroissement de la part des emplois salariés dans l’ensemble des emplois. Les salariés sont les personnes qui perçoivent un salaire en contrepartie de leur travail et qui sont liées à un employeur par un contrat de travail. Les non-salariés sont des personnes qui travaillent mais qui sont rémunérées sous une autre forme qu’un salaire. On les appelle également les indépendants. Le travailleur indépendant n’a donc pas de contrat de travail et travaille pour son propre compte. Par exemple, un micro-entrepreneur (appelé auparavant auto-entrepreneur) se rémunère à partir des bénéfices réalisés grâce à son activité.

La part des salariés dans la population en emploi était de 72 % en 1962 contre près de 90 % aujourd’hui. La part des indépendants parmi les travailleurs en emploi a donc diminué depuis le milieu du XXe siècle. Cette baisse de la part des indépendants dans l’emploi total peut s’expliquer par le déclin de l’artisanat et la concentration des exploitations agricoles. Le développement du salariat, quant à lui, est lié au développement de l’industrie, et des grandes entreprises plus efficaces éliminant les entreprises artisanales sur leur marché, et à celui de la grande distribution. Il est lié aussi au développement de la protection sociale, plus complète pour les salariés. En effet, pour pouvoir bénéficier de la protection sociale en France, il faut participer à l’activité productive du pays et payer des cotisations sociales prélevées directement sur le salaire pour les salariés. Être salarié assure donc de bénéficier du système de protection sociale. Le salarié tire donc des droits de son travail (droit à la retraite, droit au chômage par exemple). Le statut de salarié est également très protecteur en matière de perte d’activité puisque les licenciements sont très encadrés sur le plan juridique contrairement au travailleur indépendant qui peut perdre son activité du jour au lendemain sans revenus de remplacement comme les allocations chômage. La hausse du nombre de salariés a donc profité au développement de groupes socioprofessionnels tels que les cadres, professions intermédiaires et employés et a pénalisé les groupes socioprofessionnels dans lesquels les indépendants sont nombreux tels que les artisans, commerçants et chefs d’entreprise ou encore les agriculteurs. Notons aussi le développement du rôle de l’État qui a créé de nombreux emplois de salariés par exemple dans les domaines de la santé et de l’éducation.

Cependant, depuis le milieu des années 2010, on assiste à une progression du nombre d’indépendants. Cette progression a plusieurs causes. Tout d’abord, elle est liée au développement de régimes juridiques adaptés tels que le régime d’auto-entrepreneur de 2009 devenu en 2014 celui de micro-entrepreneur et facilitant ainsi le développement d’activités indépendantes. De plus, le développement de plateformes d’intermédiation favorise également le développement des indépendants. Ces plateformes d’intermédiation prennent la forme de sites internet ou d’applications numériques qui permettent la mise en relation de personnes pour la fourniture de biens ou de services. On peut penser ainsi à Uber. Les clients sont mis en relation avec des travailleurs indépendants (chauffeurs pour Uber, propriétaires de logements pour Airbnb) via une application numérique. … même si parfois leur statut d’indépendant peut être mis en doute du fait de leur subordination à la plateforme (en matière de prix, etc.).

2.2.2. La tertiarisation est une transformation constante de très longue durée au dépend de l’agriculture et plus « récemment » de l’industrie.

Le secteur tertiaire (rappelons qu’il s’agit des entreprises mais aussi de l’État produisant dans ce secteur (et donc pas forcément des emplois de nature tertiaire qui peuvent exister dans l’industrie comme un comptable travaillant chez Renaut) occupe aujourd’hui plus des trois quarts de la population en emploi contre un peu plus de 40 % en 1962. Il s’agit ainsi de personnes travaillant dans de grandes surfaces, des banques, des compagnies d’assurance, de transport mais aussi dans le cinéma ou pour des théâtres, etc. Dans le tertiaire non marchand, l’Éducation nationale ou divers services sociaux et médicaux : hôpitaux, établissement médicaux-sociaux, CCAS, etc. ont beaucoup embauché. À l’inverse, l’industrie ne concerne plus que 12,4 % des personnes en emploi en 2017 contre 18 % en 1980. Vous connaissez peut-être le déclin de nombreuses activités industrielles dans les mines, la sidérurgie, le textile, etc. Seuls 2,8 % des personnes en emploi en 2016 travaillent dans le secteur de l’agriculture, l’élevage ou la pêche.

La forte hausse de la productivité dans les secteurs primaire et secondaire explique en partie le déclin des emplois dans ces secteurs. Prenons l’exemple de l’agriculture. la hausse du niveau de vie (avec notamment la période des 30 glorieuses) a entraîné une croissance relativement modérée de l’achat de produits alimentaires (c’est la loi d’Engel : les produits qui satisfont des besoins primaires prennent une part de plus en plus réduite au profit des produits non essentiels comme la culture, l’éducation, etc.). La demande a donc augmenté de manière relativement faible alors que la productivité du travail agricole a fortement augmenté depuis la 2nde guerre mondiale (mécanisation, utilisation d’engrais, sélection des races et des espèces, regroupement de terres, etc.). La hausse de cette productivité non seulement a suffi à répondre à la hausse de la demande (même si les exportations ont beaucoup augmenté) mais a même entrainé un moindre besoin de main d’œuvre. Par ailleurs, le développement de la demande de services (notamment depuis les années 1980 dans les domaines de la santé, de l’action sociale, culturelle et sportive, dans les services aux particuliers et aux entreprises et dans le commerce) a favorisé l’essor du secteur tertiaire dont la productivité a elle moins fortement augmenté.

2.2.3. L’élévation du niveau de qualification est une tendance de long terme provenant d’un besoin des employeurs comme d’un souhait des individus.

Le niveau de qualification des travailleurs a fortement augmenté depuis le milieu du XXème siècle. En 2016, en France, près de 30 % des personnes âgées de 25 à 34 ans ont obtenu un diplôme supérieur à bac+2 contre seulement 12 % pour les 55 à 64 ans. À l’inverse, 13 % des 25-34 ans sont sans diplôme ou ont obtenu uniquement le CEP ou le brevet des collèges contre 35 % des 55-64 ans.

En lien avec cette hausse du niveau de qualification des travailleurs, le niveau de qualification des emplois a également augmenté. Cette évolution est à mettre en parallèle avec l’essor des emplois de cadres et de professions intermédiaires observé au début de la 2e partie.

Plusieurs facteurs que vous avez étudiés dans les chapitres précédents peuvent expliquer cette tendance. Le développement des grandes entreprises et de l’État nécessite des emplois d’un niveau hiérarchique moyen et élevé pour gérer et administrer ces grandes organisations ou offrir des services demandés tels que des professions intermédiaires (techniciens, éducateur, assistants sociaux, infirmiers) ou des cadres (médecins, enseignants, chercheurs, ingénieurs). Rappelons que les innovations de procédé économisent surtout des emplois d’ouvriers non qualifiés les plus facilement automatisables car souvent routiniers tandis que les innovations à l’origine de nouvelles branches d’activité nécessitant aussi un travail qualifié dans les télécommunications, l’informatique, la production d’électricité (techniciens, ingénieurs notamment). De même, la mondialisation a un impact en France sur la baisse de certains emplois (notamment d’ouvriers non qualifiés encore) et la création d’emplois plus qualifiés (comme ingénieurs ou techniciens dans l’aéronautique).

2.2.4. La féminisation des emplois notamment salariés traduit une volonté des femmes de participer de manière autonome au marché du travail.

En 2015, les femmes représentent 48 % de la population active contre 33 % en 1962, preuve d’une nette progression de la participation des femmes au marché du travail.

En 2018, le Ministère du Travail publie un focus sur les inégalités professionnelles entre femmes et hommes et dresse le bilan suivant : « En 2017, 83 % des femmes de 25 à 49 ans sont en activité en France métropolitaine, soit dix points de moins que les hommes du même âge. Lorsqu’elles sont en emploi, les femmes travaillent beaucoup plus souvent à temps partiel que les hommes : sur la même tranche d’âge, le taux de temps partiel atteint 28 % pour les femmes, contre 6 % pour les hommes. La participation des femmes au marché du travail a nettement progressé au cours des dernières décennies : l’écart de taux d’activité entre hommes et femmes atteignait 38 points en 1975, car alors seule une femme sur deux était active. Cette insertion des femmes dans l’activité s’est faite en partie par l’occupation d’emplois à temps partiel : l’écart de taux de temps partiel entre femmes et hommes s’est fortement creusé entre 1980 et 2000, passant de 15 à 26 points (…). Depuis le début des années 2000, les écarts diminuent à la fois sur le taux d’activité et sur le taux de temps partiel. Ces dernières années, le taux d’activité des femmes semble se stabiliser, marquant peut-être la fin d’un long processus de hausse de la participation féminine. »

Les femmes ont toujours travaillé mais, pendant longtemps, leur travail n’a pas véritablement été mesuré car il n’était pas pris en compte dans les statistiques. Elles avaient le statut d’épouse et seul le travail du mari était enregistré même si elles participaient à l’ « activité du mari » comme chez les commerçants ou les agriculteurs. Le travail des femmes était donc invisible.

Plusieurs évolutions, liées les unes aux autres, peuvent expliquer la féminisation des emplois telles que la tertiarisation (comme dans le commerce avec les métiers de la vente ou dans l’éducation et la santé avec des métiers d’institutrices, d’infirmières ou plus récemment dans l’aide aux personnes avec les assistantes maternelles, etc.) et la salarisation. Une volonté d’émancipation favorisée par les luttes féministes incite les femmes à poursuivre leurs études plus longtemps qu’auparavant et à valoriser les diplômes obtenus sur le marché du travail. De plus, l’évolution du droit (les femmes mariées auront le droit d’occuper un emploi sans l’autorisation de leur époux à partir de 1965) de même que toutes les lois autour de l’égalité salariale entre hommes et femme, la maîtrise de la fécondité, la hausse du niveau de qualification des femmes que nous étudierons dans le chapitre suivant) favorisent l’emploi des femmes. De même, l’émergence de nouveaux modèles familiaux avec le développement des familles monoparentales peuvent inciter les femmes à travailler.

La féminisation des emplois a participé à l’essor de plusieurs groupes socioprofessionnels tels que les professions intermédiaires mais aussi et surtout celui des employés puisque 3/4 des employés sont des femmes. On peut remarquer que cette féminisation s’est faite souvent dans des métiers genrés comme nous en avons vu des exemples autour de l’éducation ou de la santé par exemple.
https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/autres-publications/article/les-inegalites-professionnelles-entre-femmes-et-hommes