CH06. Comment est structurée la société française actuelle ?

Les facteurs de structuration et de hiérarchisation de l’espace social sont nombreux : la catégorie socioprofessionnelle, le revenu, le diplôme, la composition du ménage, la position dans le cycle de vie, le sexe et le lieu de résidence.
Dans toute société, il existe une répartition inégale de certaines ressources socialement valorisées telles que le pouvoir ou encore la richesse, ce qui différencie les individus socialement. Les différentes inégalités (sociales, politiques ou économiques) structurent ainsi les sociétés et hiérarchisent les individus ou groupes d’individus en leur sein. En étudiant ces inégalités, les sociologues mettent à jour ce que l’on appelle la structure sociale. La structure sociale correspond au fait que la société est constituée de plusieurs groupes sociaux différenciés que l’on peut hiérarchiser selon différents facteurs ou variables, souvent pris de manière séparée, tels que le revenu, le diplôme, la catégorie socioprofessionnelle (PCS) ou encore le pouvoir . La notion d’espace social est proche de la notion de structure sociale. À travers celle-ci, on assimile la société à un espace au sein duquel les individus et les groupes d’individus sont placés de façon plus ou moins proche en fonction de caractéristiques définies à partir de plusieurs facteurs ou plusieurs dimensions, tels que, encore une fois, le revenu, le diplôme, le lieu de résidence ou la PCS. Les différences entre les individus, liées à ces facteurs, se traduisent ainsi par des proximités entre certains individus en termes de mode de vie ou encore de vision du monde par exemple. Ils se situent donc à proximité les uns des autres au sein d’un espace social pluridimensionnel et peuvent être alors identifiés comme un groupe social présentant une certaine homogénéité sociale. D’autres individus, très différents les uns des autres, seront éloignés au sein de cet espace social et pourront alors appartenir à des groupes sociaux différents. Ces différences constituent également des inégalités, certains individus étant plus dotés que d’autres en ressources socialement valorisées (telles que le pouvoir ou en encore la richesse par exemple). Elles hiérarchisent donc les individus ou les groupes d’individus au sein de l’espace social. Ainsi, nous essaierons de comprendre, à travers ce chapitre, comment est structurée la société française d’aujourd’hui. Nous nous demanderons donc comment les sociologues rendent compte de la structure sociale française contemporaine. Avec quels outils et selon quels principes ? Dans un premier temps, nous constaterons qu’il existe de multiples facteurs de structuration et de hiérarchisation de l’espace social. Comme nous venons de le préciser, ces facteurs permettent de classer les individus dans des groupes sociaux qui sont ensuite hiérarchisés. Nous essaierons ensuite de comprendre l’évolution de cette structure sociale à travers l’analyse des principales transformations de la structure socioprofessionnelle en France depuis la seconde moitié du XXème siècle. Nous mettrons alors en évidence quatre principales évolutions. Enfin, nous nous intéresserons à deux analyses majeures de la structure sociale en sociologie, à savoir celle de Marx et celle de Weber, pour ensuite débattre de la pertinence de l’approche en termes de classes sociales dans l’analyse de la structure sociale contemporaine en France.

Dans toute société, il existe une répartition inégale de certaines ressources socialement valorisées telles que le pouvoir ou encore la richesse, ce qui différencie les individus socialement. Les différentes inégalités (sociales, politiques ou économiques) structurent ainsi les sociétés et hiérarchisent les individus ou groupes d’individus en leur sein. En étudiant ces inégalités, les sociologues mettent à jour ce que l’on appelle la structure sociale. La structure sociale correspond au fait que la société est constituée de plusieurs groupes sociaux différenciés que l’on peut hiérarchiser selon différents facteurs ou variables, souvent pris de manière séparée, tels que le revenu, le diplôme, la catégorie socioprofessionnelle (PCS) ou encore le pouvoir .

La notion d’espace social est proche de la notion de structure sociale. À travers celle-ci, on assimile la société à un espace au sein duquel les individus et les groupes d’individus sont placés de façon plus ou moins proche en fonction de caractéristiques définies à partir de plusieurs facteurs ou plusieurs dimensions, tels que, encore une fois, le revenu, le diplôme, le lieu de résidence ou la PCS. Les différences entre les individus, liées à ces facteurs, se traduisent ainsi par des proximités entre certains individus en termes de mode de vie ou encore de vision du monde par exemple. Ils se situent donc à proximité les uns des autres au sein d’un espace social pluridimensionnel et peuvent être alors identifiés comme un groupe social présentant une certaine homogénéité sociale. D’autres individus, très différents les uns des autres, seront éloignés au sein de cet espace social et pourront alors appartenir à des groupes sociaux différents. Ces différences constituent également des inégalités, certains individus étant plus dotés que d’autres en ressources socialement valorisées (telles que le pouvoir ou en encore la richesse par exemple). Elles hiérarchisent donc les individus ou les groupes d’individus au sein de l’espace social.

Ainsi, nous essaierons de comprendre, à travers ce chapitre, comment est structurée la société française d’aujourd’hui. Nous nous demanderons donc comment les sociologues rendent compte de la structure sociale française contemporaine. Avec quels outils et selon quels principes ?

Dans un premier temps, nous constaterons qu’il existe de multiples facteurs de structuration et de hiérarchisation de l’espace social. Comme nous venons de le préciser, ces facteurs permettent de classer les individus dans des groupes sociaux qui sont ensuite hiérarchisés. Nous essaierons ensuite de comprendre l’évolution de cette structure sociale à travers l’analyse des principales transformations de la structure socioprofessionnelle en France depuis la seconde moitié du XXème siècle. Nous mettrons alors en évidence quatre principales évolutions. Enfin, nous nous intéresserons à deux analyses majeures de la structure sociale en sociologie, à savoir celle de Marx et celle de Weber, pour ensuite débattre de la pertinence de l’approche en termes de classes sociales dans l’analyse de la structure sociale contemporaine en France.

1. Il existe de multiples facteurs de structuration et de hiérarchisation de l’espace social.

1.1. Comment se représenter l’espace social ? Un exemple de construction d’un espace social de la société française.

Pour préciser ce que l’on entend par « espace social », nous pouvons prendre l’exemple très connu de l’espace social construit par Pierre Bourdieu afin de comprendre certaines pratiques notamment de consommation, de loisirs ou de vote. Il définit ainsi la société comme un : « ensemble de positions distinctes et coexistantes (…) définies les unes par rapport aux autres (…) par des relations de proximité, de voisinage ou d’éloignement et aussi par des relations d’ordre comme au-dessus, au-dessous et entre ». Ces positions sont définies à partir de facteurs tels que le niveau de revenu, l’âge, le lieu de résidence etc. C’est ainsi que Bourdieu place dans un graphique les différentes professions en fonction du niveau de détention de certaines ressources tels que le capital économique (revenu et patrimoine) ou encore le capital culturel (dont le niveau de diplôme constitue un indicateur mais qui est composé plus largement de l’ensemble des ressources culturelles détenues par un individu telles que des biens culturels, son ouverture culturelle, ses pratiques culturelles …). On peut alors se rendre compte qu’il existe une proximité de modes de vie entre certaines professions situées à proximité les unes des autres sur le graphique et donc dans l’espace social (par exemple, les professions libérales et les cadres privés partagent des pratiques culturelles et sportives proches telles que le tennis, le golf ou encore le bridge ; de même pour les ouvriers spécialisés ou qualifiés qui jouent plutôt à la belote et au football). [1] Pierre BOURDIEU, Raisons pratiques, éditions du Seuil, 1994.Si Bourdieu s’intéresse au niveau de détention de différents types de capitaux pour représenter l’espace social, les sociologues utilisent, plus largement, différents facteurs pour structurer et hiérarchiser l’espace social. Les différences sociales entre les individus sont donc appréhendées à l’aide de plusieurs facteurs. L’analyse de la structure sociale est donc ici multidimensionnelle.De plus, au sein de cet espace social, les individus ou groupes d’individus sont hiérarchisés en fonction de leur plus ou moins grand niveau de détention de certaines ressources : diplôme plus ou moins élevé, revenu plus ou moins important, etc. C’est en identifiant cette hiérarchisation que l’on peut mettre à jour certaines inégalités que nous étudierons dans un prochain chapitre en regards croisés : « quelles inégalités sont compatibles avec les différentes conceptions de la justice sociale ? ».Afin de rendre compte de la structure sociale française actuelle, nous allons donc, dans un premier temps, étudier les différents facteurs de différenciation et de hiérarchisation sociale : catégorie socioprofessionnelle, revenu, diplôme, composition du ménage, position dans le cycle de vie, sexe, et lieu de résidence.Pour ce faire, intéressons-nous aux inégalités de revenu et, plus spécifiquement, au marché du travail pour montrer que les revenus du travail et l’accès aux emplois stables et qualifiés sont inégalement répartis entre les individus en fonction de leurs différentes caractéristiques sociales.

Pour préciser ce que l’on entend par « espace social », nous pouvons prendre l’exemple très connu de l’espace social construit par Pierre Bourdieu afin de comprendre certaines pratiques notamment de consommation, de loisirs ou de vote. Il définit ainsi la société comme un : « ensemble de positions distinctes et coexistantes (…) définies les unes par rapport aux autres (…) par des relations de proximité, de voisinage ou d’éloignement et aussi par des relations d’ordre comme au-dessus, au-dessous et entre ». Ces positions sont définies à partir de facteurs tels que le niveau de revenu, l’âge, le lieu de résidence etc. C’est ainsi que Bourdieu place dans un graphique les différentes professions en fonction du niveau de détention de certaines ressources tels que le capital économique (revenu et patrimoine) ou encore le capital culturel (dont le niveau de diplôme constitue un indicateur mais qui est composé plus largement de l’ensemble des ressources culturelles détenues par un individu telles que des biens culturels, son ouverture culturelle, ses pratiques culturelles …). On peut alors se rendre compte qu’il existe une proximité de modes de vie entre certaines professions situées à proximité les unes des autres sur le graphique et donc dans l’espace social (par exemple, les professions libérales et les cadres privés partagent des pratiques culturelles et sportives proches telles que le tennis, le golf ou encore le bridge ; de même pour les ouvriers spécialisés ou qualifiés qui jouent plutôt à la belote et au football).

Bourdieu : espace et style de vie

[1] Pierre BOURDIEU, Raisons pratiques, éditions du Seuil, 1994.

Si Bourdieu s’intéresse au niveau de détention de différents types de capitaux pour représenter l’espace social, les sociologues utilisent, plus largement, différents facteurs pour structurer et hiérarchiser l’espace social. Les différences sociales entre les individus sont donc appréhendées à l’aide de plusieurs facteurs. L’analyse de la structure sociale est donc ici multidimensionnelle.

De plus, au sein de cet espace social, les individus ou groupes d’individus sont hiérarchisés en fonction de leur plus ou moins grand niveau de détention de certaines ressources : diplôme plus ou moins élevé, revenu plus ou moins important, etc. C’est en identifiant cette hiérarchisation que l’on peut mettre à jour certaines inégalités que nous étudierons dans un prochain chapitre en regards croisés : « quelles inégalités sont compatibles avec les différentes conceptions de la justice sociale ? ».

Afin de rendre compte de la structure sociale française actuelle, nous allons donc, dans un premier temps, étudier les différents facteurs de différenciation et de hiérarchisation sociale : catégorie socioprofessionnelle, revenu, diplôme, composition du ménage, position dans le cycle de vie, sexe, et lieu de résidence.

Pour ce faire, intéressons-nous aux inégalités de revenu et, plus spécifiquement, au marché du travail pour montrer que les revenus du travail et l’accès aux emplois stables et qualifiés sont inégalement répartis entre les individus en fonction de leurs différentes caractéristiques sociales.

1.2. Les caractéristiques « privées » des individus sont source d’identités propres mais aussi d’inégalités.

1.2.1. Le sexe est à l’origine d’un accès souvent différencié aux diverses professions ou groupes socioprofessionnels.

Rappelons pour commencer, mais vous le savez sans doute, qu’aujourd’hui encore le travail domestique (non reconnu et gratuit bien sûr …) est surtout réalisé par les femmes et moins par les hommes. Toutes les enquêtes statistiques le montre. Ainsi, en 2010, les femmes consacraient en moyenne 183 minutes par jour au travail domestique (un plus de 3 heures donc) contre 105 minutes par jour pour les hommes (moins de 2 heures). Ces différences se traduisent par un accès différenciés au marché du travail, en matière de temps partiel, plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. Des différences entre professions existent aussi comme le montre le tableau suivant, professions qui ont une place particulière dans l’espace social.

Catégories socioprofessionnelles en 2019

Ensemble

Sexe (en %)

En milliersEn %FemmesHommes

Agriculteurs

404

1,5

0,8

2,1

Artisans, commerçants, chefs d’entreprise

1 825

6,7

3,9

9,3

Cadres

5 241

19,3

16,8

21,6

Professions intermédiaires

6 957

25,6

28,3

23,1

Employés qualifiés

3 785

13,9

21,4

6,9

Employés non qualifiés

3 507

12,9

20,3

6,0

Ouvriers qualifiés

3 494

12,9

3,5

21,7

Ouvriers non qualifiés

1 843

6,8

4,6

8,8

Non déterminé

121

0,4

0,4

0,4

Ensemble

27 176

100,0

100,0

100,0

Champ : France hors Mayotte, population des ménages, personnes en emploi.

Source : Insee, enquête emploi 2019.

Ainsi nous constatons des différences d’accès aux emplois les plus qualifiés et les mieux rémunérés en fonction du sexe. En effet, il est plus probable pour un homme que pour une femme de devenir cadre (21,6 % de cadres chez les hommes en 2019 contre 16,8 % chez les femmes).

En outre, à niveau hiérarchique équivalent, les types d’emploi sont différents en fonction du sexe. Ainsi, plus de 40 % des femmes sont employées et près de 30% des hommes sont ouvriers.

Il existe donc une différenciation verticale (les hommes ont plus de chance que les femmes d’accéder aux emplois les plus qualifiés et les mieux rémunérés) et horizontale (à niveau hiérarchique équivalent, les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes types d’emploi) concernant les professions exercées entre les femmes et les hommes.

1.2.2. La composition des ménages joue aussi sur l’accès à l’emploi et la situation de pauvreté : l’exemple des familles monoparentales.

À cette inégalité d’accès aux emplois les mieux rémunérés entre les femmes et les hommes, s’ajoutent d’autres inégalités telles que les charges de famille. En effet, les femmes sont plus souvent que les hommes à la tête de familles monoparentales (11,8 % des femmes de 25 à 64 ans contre 2,7 % des hommes en 2019) ce qui accentue le risque, pour ces femmes, d’être en situation de pauvreté. Le revenu du ménage au sein de ces familles monoparentales est moindre car ces dernières ne perçoivent qu’un seul revenu du travail et non deux et ont la charge d’un ou de plusieurs enfants. De plus, leur taux d’emploi (la part des personne dans l’ensemble des individus qui ont un emploi) est plus faible que dans les familles traditionnelles (68 % contre 75 % en 2015), leur taux de chômage étant plus élevé que dans les familles traditionnelles (15 % contre 7 % en 2015).

1.2.3. Le lieu de résidence est aussi une variable « classante » pour les individus y compris dans l’accès à l’emploi.

Le lieu de résidence est, vous le savez, un facteur de différenciation et de classement des individus sur de nombreux points. Les individus n’ont pas accès aux mêmes ressources publique et privées en fonction de leur lieu de résidence. Par exemple, il est plus difficile d’accéder aux soins médicaux pour des individus qui habitent à la campagne (on parle d’ailleurs de « déserts médicaux » par qualifier ces zones, en France, dans lesquelles les habitants ne trouvent pas ou peu de médecins) par rapport à ceux qui habitent en ville, à proximité des grands centres hospitaliers et là où se concentrent les médecins libéraux.

De même, le lieu de résidence peut être stigmatisant. Par exemple, habiter un quartier réputé « difficile » peut être discriminant à l’embauche. À noter que le lieu de résidence est un lieu de socialisation entre individus partageant ces mêmes lieux de vie. Cette socialisation est donc différenciée en fonction du lieu de résidence (ville/campagne, centre-ville/banlieue, …) qui peuvent se traduire par des manières d’être différentes … même si, bien sûr, les expériences vécues sont éminemment variées et la socialisation plurielle. Il n’en demeure pas moins, pour revenir à notre exemple sur le marché du travail, que l’on constate également un risque de chômage inégal en fonction des zones géographiques, lié en partie à une stigmatisation liée aux lieux de résidence. Par exemple, en France, en 2018, le taux de chômage en zone rurale est de 5,9 % contre 10 % en zone urbaine.

1.2.4. La position d’un individu dans son cycle de vie influence l’accès aux différentes ressources valorisées et notamment l’emploi.

Le cycle de vie peut se définir comme une succession d’étapes ou de périodes communes à tous les individus au sein d’une même société, marquant le passage de la petite enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte et enfin à la vieillesse. La position d’un individu dans le cycle de vie influence l’accès à certaines ressources socialement valorisées telles que le pouvoir politique (l’âge moyen des députés est de 51 ans contre 41 ans pour l’ensemble de la population française) ou encore la richesse (en général, le patrimoine d’un individu augmente avec l’âge).

Taux de chômage en fonction de l’âge
Taux (en %)
Effectifs (en milliers)EnsembleFemmesHommes

15-24 ans

555

19,6

18,2

20,8

25-49 ans

1 388

7,8

8,0

7,5

50 ans ou plus

563

6,3

6,2

6,3

Ensemble

2 506

8,4

8,4

8,5

Champ : France hors Mayotte, population des ménages, personnes en emploi.

Source : Insee, enquête emploi 2019.

Pour poursuivre notre exemple sur le marché du travail, nous constatons que le risque de chômage est bien plus élevé pour les jeunes et qu’il diminue avec l’âge. Ainsi, en France, en 2019, 19,6 % des jeunes sont au chômage contre 7,8 % pour les 25-49 ans et 6.3% pour les 50 ans et plus. Les jeunes font donc face à un risque de chômage 3 fois plus élevé que les seniors.

1.3. La formation, l’emploi et les revenus classent les individus et structurent aussi la société.

1.3.1. Le parcours de formation et l’acquisition d’un diplôme est un facteur structurant déterminant de la société française.

Le niveau de diplôme ou le type de diplôme différencie également les individus. Il a notamment un impact sur leur niveau de revenu d’activité. Il est également en lien avec leurs pratiques sociales et culturelles comme le vote, que vous avez étudié en classe de 1ère , ou le type de musique écoutée. Ainsi, l’écoute de la musique classique relève d’individus ayant plutôt un niveau d’étude élevé. De même, le taux de chômage varie en fonction du niveau de diplôme des individus comme nous le montre le document ci-après. Le risque de chômage est inégalement réparti en fonction du niveau de diplôme des individus. En effet, en France, en 2019, 9,6 % des personnes actives ayant un diplôme de niveau bac+2 ou plus et ayant achevé leur formation initiale depuis 1 à 4 ans sont au chômage contre 47,1 % pour les personnes actives n’ayant aucun diplôme ou ayant le brevet des collèges et ayant achevé leur formation initiale depuis 1 à 4 ans. Le risque de chômage est donc près de 5 fois supérieur pour les individus non diplômés sortant du système éducatif par rapport aux individus les plus diplômés.

Graphique : taux chômage selon le diplôme

1.3.2. Bien entendu, le revenu est une variable fondamentale qui détermine la place de chacun dans la société.

Pour différencier les individus et les situer dans l’espace social, on peut donc également s’intéresser à leur revenu et plus particulièrement aux revenus d’un ménage.

Pour rappel, un ménage se définit comme « l'ensemble des occupants d'un même logement sans que ces personnes soient nécessairement unies par des liens de parenté (en cas de colocation, par exemple) » (INSEE). Un ménage peut donc être composé d'une seule personne.

À noter qu’il est important de tenir compte de la taille du ménage pour rendre compte du niveau de vie d’un individu car les situations financières peuvent être très différentes entre un ménage composé de deux adultes sans enfant et un ménage composé d’un seul adulte et de cinq enfants. En économie, la notion de « niveau de vie » tient compte justement de la composition du ménage pour calculer les revenus des individus (on parle également de revenu par unité de consommation). L’INSEE définit le niveau de vie de la façon suivante : « le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (uc). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même ménage. Les unités de consommation sont généralement calculées selon l'échelle d'équivalence dite de l'OCDE modifiée qui attribue 1 uc au premier adulte du ménage, 0,5 uc aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 uc aux enfants de moins de 14 ans ». Pour rappel, le revenu disponible d’un ménage correspond à la somme des revenus primaires et des revenus de transfert à laquelle on déduit les prélèvements obligatoires (cf. notion « revenu »).

Il est ainsi possible de suivre l’évolution de la structure sociale selon le niveau de vie et montrer si la société tend, par exemple, à se polariser ou au contraire à se "moyenniser". Les données de l’INSEE montrent que si les inégalités de niveau de vie ont baissé jusqu’aux années 1990, confirmant l’idée de moyennisation, depuis lors elles ont plutôt eu tendance à augmenter. C’est ce qu’indique le graphique ci-dessous :

Graphique : évolution des inégalités de revenu en France

Source : Julien Blasco, Sébastien Picard, Quarante ans d’inégalités de niveau de vie et de redistribution en France (1975-2016) in France, Portrait social 2019.

1.3.3. L’analyse de la société se fait souvent en France à partir de la nomenclature des PCS, qui distingue différents groupes socioprofessionnels.

En première, vous avez étudié la nomenclature des PCS de l’INSEE (chapitre de sociologie : « comment se construisent et évoluent les liens sociaux ? »). Cette nomenclature classe la population en différents groupes sociaux en fonction de différents critères (statut professionnel, secteur d’activité, taille de l’entreprise, secteur public ou privé, niveau de qualification de l’emploi, position hiérarchique). Le niveau le plus agrégé de la nomenclature est composé de 8 groupes socioprofessionnels dont 6 GSP composés d’actifs et 2 GSP composés d’inactifs :

  1. Agriculteurs
  2. Artisans, commerçants, chefs d’entreprise (ACCE)
  3. Cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS)
  4. Professions intermédiaires (PI)
  5. Employés
  6. Ouvriers
  7. Retraités
  8. Autres personnes sans activité professionnelle

L’objectif de cette nomenclature est de classer la population française âgée de 15 ans et plus (c’est-à-dire en âge de travailler) en un nombre restreint de grandes catégories afin de pouvoir l’étudier, notamment d’un point de vue statistique. Les catégories sociales constituées doivent présenter une certaine homogénéité sociale c’est-à-dire regrouper des individus qui se ressemblent en termes de métier, de qualification, de réseau social mais aussi en termes de mode de vie.

L’intérêt de cette nomenclature est qu’elle permet d’étudier la structure sociale sous forme de groupes sociaux, et ce, selon une différenciation multidimensionnelle (plusieurs critères permettent d’identifier ces groupes). : ces groupes ont donc globalement des niveaux de vie, des modes de vie (pratiques économiques et culturelles) et une même identité sociale (manière d’être, de faire, de penser ou d’envisager l’avenir).

Grâce à cette nomenclature, il est ainsi possible d’identifier les inégalités économiques et sociales qui marquent la société française ainsi que des comportements économiques (épargne ou consommation par exemple), sociaux (pratiques culturelles par exemple) ou politiques (vote, abstention).

Si l’on s’intéresse, par exemple, au marché du travail et plus précisément au risque de chômage, on se rend compte que ce risque est inégalement réparti en fonction des catégories socioprofessionnelles. Les catégories sociales dites « supérieures » telles que les cadres et professions intellectuelles supérieures sont moins touchées par le chômage que les catégories dites « inférieures » telles que les ouvriers ou les employés. En effet, le taux de chômage des cadres est de 3,9 % en 2019 en France contre 12,4 % pour les ouvriers soit un écart de 8,5 points entre ces deux catégories.

Taux de chômage par catégorie socioprofessionnelle* en 2019

Graphique : taux de chômage selon la PCS