ATTENTION :

ce cours correspond au programme de 2013, il n'est pas conforme au programme de terminale de SES en vigueur depuis 2019.

2. Les analyses sociologiques de la structure sociale

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L’analyse sociologique de la structure sociale se doit de présenter des analyses d’auteurs anciens, K. Marx d’abord qui a vu la société comme étant structurée fondamentalement sur la base du travail et des activités économiques. Ensuite M. Weber a insisté sur le caractère multidimensionnel de la stratification sociale, ne faisant de l’aspect économique qu’un des éléments de cette stratification. Toutefois, ces analyses qui datent du XIXe siècle et du début du XXe siècle sont-elles toujours pertinentes ? Nous verrons en quoi consistent leurs principaux prolongements à la fin du XXe et au début du XXIe siècle.

L’analyse sociologique de la structure sociale se doit de présenter des analyses d’auteurs anciens, K. Marx d’abord qui a vu la société comme étant structurée fondamentalement sur la base du travail et des activités économiques. Ensuite M. Weber a insisté sur le caractère multidimensionnel de la stratification sociale, ne faisant de l’aspect économique qu’un des éléments de cette stratification. Toutefois, ces analyses qui datent du XIXe siècle et du début du XXe siècle sont-elles toujours pertinentes ? Nous verrons en quoi consistent leurs principaux prolongements à la fin du XXe et au début du XXIe siècle.

2.1. L’analyse de Karl Marx repose sur une bipolarisation sociale conflictuelle

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Karl Marx (1818-1883) a écrit pour l’essentiel dans la deuxième moitié du 19e siècle. Pour lui, les sociétés sont des sociétés de classes : des classes vivent du travail des autres. Dans notre société, dans le mode de production capitaliste pour reprendre le vocabulaire de Marx, il y a deux classes : la classe ouvrière (le prolétaires) dans laquelle le travailleur ne possède que sa force de travail et le capitaliste qui lui, possède les moyens de travail (les machines) et va acheter la force du travail du travailleur. En possédant aussi l’objet de travail (la matière à transformer) et le produit du travail (la marchandise réalisée) il va s’approprier le profit ainsi dégagé par le travail des ouvriers. Et c’est en s’appropriant le travail de ses ouvriers et le produit de ce travail que le capitaliste les exploite : leurs intérêts sont donc totalement antagonistes. Ainsi, la baisse des salaires signifie plus de profit et plus de revenus pour le capitaliste. Vous voyez donc que la classe sociale se définit par la place dans le processus de production. Mais pour qu’il y ait réellement classe sociale pour Marx il faut que l’opposition d’intérêt qui se manifeste dans les entreprises débouche sur des luttes sociales qui font prendre conscience aux ouvriers qu’ils partagent les mêmes intérêts (même s’ils se font concurrence sur le marché du travail pour vendre leur force de travail aux capitalistes) et les mêmes objectifs. En résumé, trois éléments fondamentaux sont nécessaires pour qu’il y ait des classes sociales pour Marx : la place différente dans le processus de production, des intérêts opposés (et donc des luttes de classe) et, enfin, la conscience de classe.

Karl Marx (1818-1883) a écrit pour l’essentiel dans la deuxième moitié du 19e siècle.

Pour lui, les sociétés sont des sociétés de classes : des classes vivent du travail des autres.

Dans notre société, dans le mode de production capitaliste pour reprendre le vocabulaire de Marx, il y a deux classes : la classe ouvrière (le prolétaires) dans laquelle le travailleur ne possède que sa force de travail et le capitaliste qui lui, possède les moyens de travail (les machines) et va acheter la force du travail du travailleur. En possédant aussi l’objet de travail (la matière à transformer) et le produit du travail (la marchandise réalisée) il va s’approprier le profit ainsi dégagé par le travail des ouvriers. Et c’est en s’appropriant le travail de ses ouvriers et le produit de ce travail que le capitaliste les exploite : leurs intérêts sont donc totalement antagonistes. Ainsi, la baisse des salaires signifie plus de profit et plus de revenus pour le capitaliste.

Vous voyez donc que la classe sociale se définit par la place dans le processus de production. Mais pour qu’il y ait réellement classe sociale pour Marx il faut que l’opposition d’intérêt qui se manifeste dans les entreprises débouche sur des luttes sociales qui font prendre conscience aux ouvriers qu’ils partagent les mêmes intérêts (même s’ils se font concurrence sur le marché du travail pour vendre leur force de travail aux capitalistes) et les mêmes objectifs.

En résumé, trois éléments fondamentaux sont nécessaires pour qu’il y ait des classes sociales pour Marx : la place différente dans le processus de production, des intérêts opposés (et donc des luttes de classe) et, enfin, la conscience de classe.

2.2. L’analyse de Max Weber propose une triple hiérarchisation sociale.

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Max Weber (1864-1920) quant à lui s’oppose à Marx en mettant en évidence la nature tridimensionnelle de la structure sociale. En effet, il met en évidence trois types de hiérarchie qui ne se recoupent pas forcément. La première hiérarchisation concerne le champ économique et définit des classes sociales. Elles reposent sur la même position économique qu’occupent les individus dans l’accès aux biens et les services. On voit tout de suite une première différence avec la pensée de Marx : ce n’est pas la position dans le mode production qui est déterminante mais la position dans l’accès aux biens et services offerts (en clair pour nous le niveau de revenu). Pour Marx, si les classes se voient en action et existent réellement : le sociologue ne peut que constater leur existence et elles sont deux, pour Weber, leur nombre dépend des catégories de revenu décidés par le sociologue car ces classes sociales ne se voient pas dans la réalité sociale. La seconde hiérarchisation repose sur le statut social, le prestige. Elle a un aspect non pas économique mais social et se traduit par un style de vie spécifique. Dans les sociétés modernes, cette hiérarchie, repose sur l’instruction et la profession, ce qui peut s’illustrer par la place qu’occupait « Monsieur l’instituteur » dans les villages de la France sous la III° République. La troisième hiérarchisation repose sur un critère politique. Dans une société démocratique, c’est la proximité avec le ou les partis politiques au pouvoir qui détermine la hiérarchie politique. Le conseiller économique actuel du Président de la République a sans aucun doute plus d’influence sur les décisions à prendre que vous qui lisez ce texte ou moi qui écris ! Nous sommes donc ensemble en bas de la hiérarchie si l’on considère ce critère politique. À travers ces trois échelles hiérarchiques, économique, sociale et politique, Max Weber propose donc une analyse multidimensionnelle de la structure sociale et introduit l’idée que des critères multiples différencient les individus sachant, on l’a dit, qu’il n’y a pas de correspondance mécanique entre ces trois échelles.

Max Weber (1864-1920) quant à lui s’oppose à Marx en mettant en évidence la nature tridimensionnelle de la structure sociale. En effet, il met en évidence trois types de hiérarchie qui ne se recoupent pas forcément.

La première hiérarchisation concerne le champ économique et définit des classes sociales. Elles reposent sur la même position économique qu’occupent les individus dans l’accès aux biens et les services.

On voit tout de suite une première différence avec la pensée de Marx : ce n’est pas la position dans le mode production qui est déterminante mais la position dans l’accès aux biens et services offerts (en clair pour nous le niveau de revenu). Pour Marx, si les classes se voient en action et existent réellement : le sociologue ne peut que constater leur existence et elles sont deux, pour Weber, leur nombre dépend des catégories de revenu décidés par le sociologue car ces classes sociales ne se voient pas dans la réalité sociale.

La seconde hiérarchisation repose sur le statut social, le prestige. Elle a un aspect non pas économique mais social et se traduit par un style de vie spécifique. Dans les sociétés modernes, cette hiérarchie, repose sur l’instruction et la profession, ce qui peut s’illustrer par la place qu’occupait « Monsieur l’instituteur » dans les villages de la France sous la III° République.

La troisième hiérarchisation repose sur un critère politique. Dans une société démocratique, c’est la proximité avec le ou les partis politiques au pouvoir qui détermine la hiérarchie politique. Le conseiller économique actuel du Président de la République a sans aucun doute plus d’influence sur les décisions à prendre que vous qui lisez ce texte ou moi qui écris ! Nous sommes donc ensemble en bas de la hiérarchie si l’on considère ce critère politique.

À travers ces trois échelles hiérarchiques, économique, sociale et politique, Max Weber propose donc une analyse multidimensionnelle de la structure sociale et introduit l’idée que des critères multiples différencient les individus sachant, on l’a dit, qu’il n’y a pas de correspondance mécanique entre ces trois échelles.

2.3. Les prolongements contemporains.

2.3.1. Stratification et moyennisation

Si l’on prend l’ensemble du 20e siècle, on ne peut pas nier la réduction des inégalités économiques : les bas revenus ont progressé nettement plus vite que les hauts revenus, la consommation s’est beaucoup accrue (spécialement après la seconde guerre mondiale) pour toutes les catégories sociales, rendant possible l’accès quasi généralisé aux biens de consommation durables (automobile, réfrigérateur, télévision, lave-linge, etc.). Parallèlement, la sécurité devant les aléas de la vie a beaucoup progressé pour tous grâce au développement de l’État providence : la Sécurité sociale a permis à tous les Français de se soigner convenablement et de bénéficier de pensions de retraites permettant de vivre dignement la dernière partie de sa vie lorsque l’on ne peut plus travailler, ce qui était très loin d’être le cas auparavant. La très grande sécurité de l’emploi durant les Trente glorieuses a également permis à beaucoup de ménages de faire des projets et d’emprunter pour acquérir leur logement (l’accession à la propriété s’est développée dans toutes les couches sociales notamment les classes moyennes). Enfin, la scolarisation de tous les enfants s’est allongée. Résultat : on peut soutenir l’idée que les modes de vie se ressemblent de plus en plus, quel que soit le groupe social auquel on appartienne. Ainsi, l’habillement est beaucoup moins typé socialement qu’il ne l’a été (tout le monde porte des jeans), les départs en vacances concernent un nombre grandissant de français, on retrouve sur les bancs du lycée des enfants de tous les groupes sociaux qui ont donc un lieu commun de socialisation, etc.

Dans le monde du travail, les différences se sont aussi beaucoup atténuées : les agriculteurs sont de moins en moins nombreux et leurs tâches de gestion les font de plus en plus ressembler à des chefs d’entreprise de l’artisanat ou de l’industrie. Les ouvriers travaillent de moins en moins souvent directement la matière, ils ont le plus souvent des fonctions de contrôle sur des opérations de production de plus en plus souvent automatisées et surtout ils sont de plus en plus nombreux à travailler dans le tertiaire comme les chauffeurs routiers. Certains cadres doivent se passer de secrétaire et tapent eux-mêmes leurs rapports ou leur courrier, de même qu’ils gèrent seuls leur agenda. L’autonomie dans le travail est plus grande à tous les échelons de la hiérarchie. Donc, là aussi, les différences s’atténuent. De plus, durant la plus grande partie du XXème siècle, les droits des ouvriers et plus largement des salariés se sont étendues : outre la protection sociale déjà signalée au-dessus, mentionnons la durée du travail, les droits syndicaux, les conditions de travail (hygiène, sécurité, etc.). Bref, le statut de salarié est devenu un statut protecteur.

On comprend ainsi la diminution de la conscience de classe et des affrontements de classes. La constitution d’une vaste classe moyenne, regroupant les professions intermédiaires, certains cadres, les ouvriers qualifiés, une bonne partie des employés (notamment les plus qualifiés), serait la conséquence de cette réduction des inégalités, mais aussi de l’uniformisation des modes de vie.

2.3.2. La sociologie anglo-saxone adopte une démarche dans le prolongement de Max Weber.

Cette sociologie développe des analyses mobilisant la notion de stratification au sens restreint du terme : l’expression « classes sociales » est utilisée au sens de strates sociales en s’opposant à la définition marxiste des classes sociales. Cette conception théorique fait de la société une simple superposition de strates ou couches sociales et les individus se différencient les uns des autres par de multiples critères comme le revenu, le diplôme, le prestige, le pouvoir, donnant naissance à des groupes multiples. Elle reprend l’approche nominaliste des classes sociales selon Weber : les classes ne sont pas des reproductions du réel mais des créations de l’observateur, des constructions intellectuelles opérées par le sociologue en retenant des critères de classement pour saisir le réel.

2.3.3. Pierre Bourdieu construit un espace social fondé sur la détention de différentes formes de capitaux.

Ce sociologue français contemporain emprunte autant à Weber qu’à Marx. Au premier il reprend l’approche multidimensionnelle de la structure sociale, en particulier une hiérarchie de prestige qui se traduit par des styles de vie spécifiques ; au second, les rapports de classes fondés sur la domination.

La position des individus dans l’espace social dépend du volume et du type de capital détenu par chacun : un capital économique (revenus et patrimoine), un capital culturel (en particulier institutionnalisé à travers les diplômes obtenus) et un capital social (relations de sociabilité et réseau social pouvant être mobilisé).

Trois classes sociales se positionnent : la classe dominante, les classes moyennes, les classes populaires et déterminent celui des styles de vie. Prenons l’exemple de la consommation et montrons le rôle du capital culturel sur lequel Bourdieu a particulièrement insisté. La classe dominante se distingue des autres par la culture légitime, celle qualifiée de « bon goût » comme pratiquer le golf, jouer du piano, faire des tournois de bridge, aller à l’opéra et déguster du champagne… (exemples donnés par Bourdieu dans une étude réalisée dans les années 1970), alors que les classes populaires pratiquent le football, jouent de l’accordéon, préfèrent la belote, vont au bal public et boivent du vin rouge ordinaire. Ces différences ne proviennent pas essentiellement de différences de revenu mais de mode de socialisation différents : on en valorise pas les mêmes pratiques dans chaque classe sociale.

Si P. Bourdieu utilise la notion de classe sociale, c’est que comme chez Marx il y a lutte. Cependant, Bourdieu insiste sur la réalité d’une violence qu’il appelle symbolique : les classes dominantes imposent aux autres des pratiques, des jugements sur qui est beau ou non (le violon contre l’accordéon !) bref un style de vie valorisé.