L’État a pour fonction de produire des services non marchands mais aussi de redistribuer des revenus. Si la production de services a surtout consisté à assurer les services de justice, de police, de diplomatie et de défense nationale (activités dites souvent régaliennes), il a développé des activités économiques et sociales. Ces dernières consistent en service d’éducation, de santé mais aussi de redistribution des revenus vers les plus pauvres, les retraités, etc. À l’État-gendarme s’est greffé un État-providence. Vous le comprenez, ces activités ne dégagent aucun revenu pour l’État : tout est gratuit ou presque alors qu’elles suscitent des dépenses. Il faut payer les juges, les policiers, les diplomates, les militaires, les enseignants, les médecins hospitaliers, etc. Il faut aussi rembourser les dépenses de santé, financer les pensions de retraite, le RSA, etc.
Regardons plus précisément en quoi consistent les dépenses de l’État en se limitant à l’État-central (donc sans tenir compte des collectivités territoriales comme le département ni du système de protection sociale). Les principales dépenses sont évidemment des dépenses en personnels, des prestations sociales financées par l'État-central comme le RSA, la prime d’activité, les allocations-logements etc. Logiquement, les ministères qui dépensent le plus de fonds publics sont l’éducation nationale, la défense nationale, la police, la justice etc.
Pour cela, on distingue deux types de ressources, fiscales et non fiscales si l’on s’en tient encore au seul l’État-central. Les recettes fiscales sont les impôts et les taxes comme l’impôt sur le revenu, la TVA, l’impôt sur les bénéfices, la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques, etc.
Les recettes non fiscales sont des ressources très diverses comme les revenus du patrimoine de l’État (participation dans des entreprises financières comme non financières comme La Poste, EDF, France Télévision, La Française des Jeux, etc.). Ce sont aussi des ressources provenant de redevances diverses comme celles liées à l’usage des fréquences radioélectriques ou provenant des amendes. Il peut s’agir aussi de la vente de propriété de l’État.
Malgré la diversité des ressources de l’État, elles ne suffisent pas en général pour couvrir ses dépenses. Il y a un solde budgétaire négatif appelé déficit budgétaire.
Suivons l’évolution du solde budgétaire de la France depuis 1949 jusqu’en 2017 :
Si durant les Trente glorieuses, il y a eu beaucoup d’années durant lesquelles la France a connu un excédent budgétaire, depuis les années 1980, le déficit budgétaire est la règle … sans aucune exception. Vous voyez que c’est surtout durant les périodes de crise économique que ce déficit s’accroit sans revenir à l’équilibre dans les périodes de croissance.
Dès lors se pose le problème du financement de ce déficit budgétaire, particulièrement depuis les années 2000. Ce problème de financement est accru encore si l’on tient de la situation des administrations publiques locales et surtout des administrations de sécurité sociale (dépenses de santé, de retraite notamment). Dans ce cas, on ne parle plus de déficit budgétaire mais de déficit public. On le voit dans le document suivant, les dépenses publiques ont progressé pour accompagner les périodes de crises (Covid en 2020, crise des subprimes en 2009…), creusant alors le déficit public. Par exemple, le déficit public est passé d’environ 3 % du PIB en 2019 à 9 % du PIB en 2020 soit une augmentation de 5 points de PIB ! D’où des besoins de financement de l’État extrêmement importants …
Financer un déficit budgétaire lorsque les ressources fiscales et non fiscales sont insuffisantes suppose que l’État emprunte. Or, aujourd’hui, il ne peut financer son déficit qu’en empruntant sur les marchés financiers en émettant des obligations à plus ou moins long terme appelées obligations assimilables du Trésor (OAT, un signe souvent utilisé que vous pouvez rencontrer) ou plus simplement bons du trésor.
Précisons quel est l’ampleur de la dette publique. Elle a logiquement fortement augmenté passant, pour la dette de l’État centrale de 20 % dans les années 1980 à plus de 110 % du PIB aujourd’hui, soit une augmentation de 90 points. En conséquence, les charges de la dette représentent ainsi environ 50 milliards d’euros en 2023, pour une dette totale de plus de 3000 milliards d’euros (la charge de la dette représente la somme des taux d’intérêt à verser aux acheteurs des bons du trésor, pour faire simple).
Si les déficits publics se traduisent par une dette publique source de charges de remboursement très coûteuses, c’est qu’elles doivent avoir des effets positifs. En dehors de financer une production non marchande et participer à la redistribution des revenus a priori vers des personnes en ayant besoin, nous avons vu que ces déficits étaient plus importants en période de faible croissance. Deux raisons peuvent l’expliquer : la faiblesse de la production, des revenus et de la consommation se traduit par de faibles rentrées d’impôts, ces derniers dépendant notamment, nous l’avons vu, de la production, des revenus, de la consommation. Mais l’État peut de manière volontaire réduire les impôts ou augmenter ses dépenses pour relancer la demande, proposition classique de J.M. Keynes et des keynésiens.
En effet, une crise économique peut être liée à une baisse de la demande anticipée par les entrepreneurs. Dans cette situation, les entrepreneurs ne vont plus investir : il y a donc une baisse de l’investissement. Or, cet investissement est un achat de machines ou de bâtiments. Les entreprises qui les produisent n’auront plus de débouchés : elles vont arrêter de produire, d’embaucher. Les revenus qu’elles distribuent notamment aux salariés et aux propriétaires vont diminuer. Ces derniers vont donc moins consommer (voire plus épargner par crainte de l’avenir). Les entreprises qui produisent des biens et services de consommation vont arrêter de produire et d’embaucher. Les revenus qu’elles distribuent vont donc baisser ce qui réduite encore plus la demande. Dans cette situation, seul l’État peut agir. Il peut agir pour relancer la demande adressée aux entreprises produisant des biens et services de consommation ou celle adressée aux entreprises produisant des biens de production.
Dans le premier cas, il peut diminuer la TVA ou les impôts sur les revenus, augmenter les revenus de transfert (prime d’activités, RSA, allocation diverses, SMIC, etc.). Ces mesures augmentent la demande surtout si elles touchent les plus défavorisés (car ils consomment une plus grande partie de leurs revenus : on dit qu’ils ont une forte propension à consommer). Les entreprises produisant des biens et services de consommation voient leurs débouchés augmenter : elles vont produire plus, augmenter les revenus qu’elles distribuent, voire embaucher et investir. La croissance peut donc reprendre ou s’accélérer … à condition que les importations de biens et services n’augmentent pas trop ou que l’épargne ne s’accroit pas trop.
Dans le second cas, l’État doit tenter de relancer l’investissement. Pour cela, il peut investir lui-même et financer des investissements collectifs (construction de routes, de ponts, de barrages, d’école, de prisons, de voies ferrées etc.). Ainsi, des activités se créent qui profitent aux entreprises de BTP notamment, qui produisent donc plus et distribuent plus de revenus, embauchent etc. De même, il peut favoriser l’investissement des entreprises en réduisant les impôts qu’elles paient, en accélérant l’amortissement des entreprises, en favorisant l’investissement des ménages par des aides à l’accession à la propriété, etc. Ainsi, les entreprises de BTP peuvent là encore plus produire ou plus investir. Dans ce dernier cas, les entreprises produisant les biens d’équipement produisent plus elles-mêmes embauchent, etc… Elles distribuent plus de revenus qui pourront être consommés ce qui entraînera une hausse de la production de biens et de services. Ainsi, la production globale peut augmenter et la croissance repartir … là encore à condition que les prix n’augmentent pas en réponse à l’augmentation de la demande.
Mais il existe un autre effet qui peut en partie ou totalement faire échouer cette politique lié à la question de l’épargne. En effet, le financement de ces mesures se fait par endettement : si les impôts sont augmentés pour compenser cet endettement en même temps que les dépenses, les effets de la relance sur la croissance seront finalement assez faibles. De plus, en période de faiblesse de la demande, l’épargne est plus forte et réduit la demande : l’État peut en profiter et la capter pour relancer l’investissement. Mais, il peut y alors avoir en effet pervers car en demandant des fonds sur le marché des fonds prêtables, le taux d’intérêt va augmenter. Les entreprises verront donc le coût des emprunts augmenter et donc ces derniers vont diminuer. Il y a donc un risque de réduction de l’investissement privé : l’investissement public évince l’investissement privé avec un effet négatif sur l’activité. C’est ce que l’on appelle l’effet d’éviction. Cet effet peut aussi provenir du simple fait que l’État accapare toute l’épargne disponible et ne laisse rien aux entreprises privées, qui ne peuvent donc plus trouver de financement pour leurs investissements !