En Première, nous avons aborder les effets d’unepolitique de dépenses publiques sur l’activité économique ainsi que les effets de l’intervention de la banque centrale sur le niveau des prix et sur l’activité économique. En Terminale, l’objectif est d’analyser le déroulement de la politique monétaire et budgétaire dans le cadre européen, lorsqu’elles visent à améliorer la situation économique à court ou moyen terme.
La BCE, présidée par Christine Lagarde depuis novembre 2019, agit en totale indépendance vis-à-vis des États européens et des autres institutions européennes. Elle met en œuvre la politique monétaire conformément aux orientations et aux décisions arrêtées par le Conseil des gouverneurs de la BCE, composé des six membres du directoire et des gouverneurs des banques centrales nationales des États membres ayant adopté l'euro. Il s’agit donc d’une institution supranationale.
La BCE consacre son action à atteindre son « objectif prioritaire de maintien de la stabilité des prix » dans les 20 pays de la zone euro. « Sans préjudice de cet objectif, la BCE apporte également son soutien aux politiques économiques générales de l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union ». Il y a donc une hiérarchie claire entre les objectifs attribués à la BCE et elle a elle-même fixé le niveau idéal d’inflation à 2 % de hausse par an. À l’inverse, aux États-Unis, le mandat de la banque centrale américaine, la FED, fixe le double objectif de stabilité des prix et de plein emploi.
Depuis novembre 2014, la BCE s’est vu confier des missions spécifiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit, dans le cadre du mécanisme de surveillance unique, afin de parvenir à une Union bancaire évitant les défaillances bancaires. C’est ce que vous avez peut-être vu dans le chapitre 4.
La BCE utilise deux instruments conventionnels principaux pour agir sur la conjoncture économique :
Selon l’INSEE, à la suite de la crise de 2008 et du ralentissement de l’économie, le taux des opérations principales de refinancement des banques est passé de 4.25 % à l’été 2008 à 0 % en 2016, niveau où il demeure encore en 2021. Cette baisse des taux d’intérêt a contribué, du moins jusqu’en 2011, à la reprise de la croissance économique.
Depuis la crise des subprimes, à côté de ces instruments conventionnels, la BCE utilise également des instruments non conventionnels. En effet, en 2015, les instruments conventionnels ne permettaient pas de relancer l’inflation, après la crise des dettes souveraines, le ralentissement du commerce international, la baisse du prix du pétrole et de plusieurs matières premières… le risque de déflation étant pire que l’inflation, la BCE a mis en place d’une « politique d’assouplissement quantitative », avec lerachat de titres de dette publique et / ou privée : la BCE achète des titres de la dette publique ou privée afin de limiter les risques pris par les banques et qu'elles puissent privilégier l'octroi de crédits aux autres agents économiques. Depuis 2015, 2 600 milliards de titres ont été ainsi achetés par la BCE.
En inondant ainsi le marché monétaire et financier, l’offre de monnaie devenait supérieure à la demande de monnaie, les taux d’intérêt ont ainsi baissé, même à long terme, profitant aux Etats et aux entreprises qui souhaitaient investir !
Pour autant, les objectifs de la politique monétaire ne sont pas atteints : le niveau d’inflation reste préoccupant : en 2019, avant la crise liée au Covid-19 donc, le taux d’inflation n’était que de 1.2 % dans la zone euro, et le PIB réel ne progresse que de 1.4 %, selon Eurostat.
Si la politique monétaire ne suffit pas… intéressons-nous à la politique budgétaire !
La politique budgétaire reste sous la responsabilité des Etats : chacun Etat conserve la souveraineté de sa politique budgétaire, l’Union européenne facilite seulement leur coordination.
Ainsi, si un Etat veut mener une politique contracyclique pour relancer l’activité économique, il peut augmenter les dépenses publiques pour stimuler l’investissement et la consommation. A l’inverse, si à ce moment-là, un autre Etat s’inquiète de la montée de l’inflation et décide de réduire la pression de la demande sur l’offre de biens et services, la politique budgétaire restrictive pourra réduire les dépenses ou augmenter les prélèvements obligatoires. Mais les effets de la contraction de l’activité peuvent réduire les importations de ce pays, ce qui nuira à l’objectif du pays cherchant à relancer sa croissance par ses exportations… L’absence de concertation entre partenaires commerciaux peut donc s’avérer contre-productive.
En l’absence de coopération, quelle sera la pratique des différents pays ? La stratégie dominante sera que tous mènent une politique restrictive alors même que la situation qui profiterait à tous serait de mener une politique concertée expansive ! En effet, rationnellement, un pays choisira dans son intérêt propre de mener une politique restrictive :
De plus, les Etats membres de l’UEM se sont engagés à respecter des contraintes communes.
En 1997, le Pacte de Stabilité et de Croissance confirme la nécessité d’une convergence des politiques économiques et la poursuite des critères budgétaires décidés en 1992 en vue de l’adoption d’une monnaie commune : les pays ne peuvent pas dépasser un déficit supérieur à 3 % du PIB et un endettement supérieur à 60 % du PIB. La justification repose sur le principe du rapprochement des économies pour que la politique monétaire européenne, unique, soit adaptée aux situations des Etats. Le traité prévoit des sanctions si les Etats présentent des déficits publics et des dettes publiques injustifiés, car ces pays ne font pas d’effort de réduction des déficits et profitent donc des efforts de maîtrise des budgets publics des autres pays en bénéficiant de taux d’intérêt faibles, alors que si tous les Etats présentaient de tels déficits, les taux d’intérêt seraient plus forts.
Cette contrainte a sans doute justifié l’arrêt des politiques budgétaires expansives en 2011, alors que les dispositifs de relance après la crise de 2008 avaient creusé les déficits… et 2012 fût à nouveau marqué par une récession économique !
En 2013, le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance au sein de l’Union européenne est entré en vigueur. Le principe de la règle d'or budgétaire impose aux Etats européens un équilibre de leurs comptes publics sous peine de sanctions. Précisément,le déficit public structurel (sans tenir compte de l’impact de la conjoncture sur la situation des finances publiques) d'un pays ne doit pas dépasser 0,5 % de son PIB. Seuls le Royaume-Uni et la République tchèque ne l’ont pas signé. Le processus de sanction devient plus rapide à mettre en œuvre et la surveillance des politiques budgétaires plus étroite. La Commission européenne surveille aussi l’évolution de l’endettement privé et les comptes extérieurs. Elle prévoit des sanctions à l’encontre des pays ayant un excédent extérieur (exportations de biens et services supérieures aux importations) supérieur à 6 % du PIB pour inciter ce pays (par exemple, l’Allemagne en 2013) à développer sa demande intérieure afin de favoriser l’économie de ses partenaires européens !
Nous avons déjà vu dans la partie 2.2.2, que le défaut de coordination des politiques budgétaires pouvait s’avérer contreproductif.
Le défaut de coordination entre politiquesmonétaire et budgétaire fragilise aussi les politiques menées. Prenons un exemple pour l’illustrer : La politique monétaire détermine les taux d’intérêt afin de satisfaire l’exigence de stabilité des prix.Si la BCE anticipe de l’inflation, elle met en place une politique monétaire restrictive et augmente les taux d’intérêt directeurs. Parallèlement, si la politique budgétaire menée dans un pays vise à dynamiser la croissance économique, la politique budgétaire sera expansive : les dépenses publiques vont excéder les recettes. Or, le relèvement des taux d’intérêt va aggraver la situation du déficit public : Plus les taux d’intérêt sont élevés, plus les États payent cher pour emprunter l’argent nécessaire au financement du budget. Ainsi, pour respecter les engagements liés à l’UEM et éviter les sanctions européennes, la politique budgétaire passera à l’austérité !
Inversement, une politique monétaire expansive sera de faible efficacité si la politique budgétaire est restrictive : la volonté de relancer la consommation et l’investissement par la baisse du coût des crédits sera limitée par la hausse des prélèvements et/ou la baisse des dépenses publiques.
La divergence des situations économiques des États membres de l’UEM entraîne des difficultés pour adopter des politiques économiques efficaces. La politique monétaire est unique : la BCE est capable de répondre à un choc exogène symétrique en appliquant la réponse la plus appropriée mais elle ne peut pas répondre à un choc asymétrique, c’est-à-dire une perturbation de l’activité économique qui n’affecte qu’un ou quelques pays et non l’ensemble des pays de la zone euro : elle ne peut pas différencier ses taux d’intérêt selon les pays ! Supposons que la BCE craigne une déflation dans la zone euro, elle sera tentée de baisser les taux d’intérêt pour relancer l’activité et faire augmenter les prix vers l’objectif de 2 % d’augmentation annuelle. Supposons dans le même temps qu’un pays connait des conflits sociaux importants qui aboutissent à des hausses de salaire importantes se répercutant sur les prix. Dans ce cas-là, la politique expansionniste de la BCE accroit ce risque : la politique monétaire apparaît ainsi complètement inefficace et même contreproductive.
Conclusion : Au total, l’architecture institutionnelle actuelle de l’UE comme de la zone euro rend difficile, sinon impossible, la mise en œuvre efficace d’une politique mixte articulant l’instrument monétaire et l’instrument budgétaire au service d’une politique de croissance, d’emploi et de stabilité monétaire et financière. Dès lors une question essentielle est en débat, celle de la mise en place d’un gouvernement économique de la zone euro qui suppose à la fois une redéfinition des objectifs de la BCE et un fédéralisme budgétaire accru. Puisque les objectifs d’assurer la soutenabilité des dettes publiques et la stabilité financière ne peuvent pas être atteints dans le cadre de stratégies insuffisamment coopératives des Etats membres, il faut donc qu’émerge un volontarisme politique accru au niveau européen.