Une crise financière est une crise qui bloque le système de financement de l’activité économique. Les crises financières sont de différentes natures et ont des causes diverses. Il peut s’agir de crises boursières (dont l’origine est liée à un krach boursier), de crises bancaires (liées à un manque de liquidités bancaires voire à un problème de solvabilité des banques entraînant des faillites bancaires), de crises de change (la baisse de la valeur extérieure de la monnaie empêche d’emprunter à l’étranger), de crises inflationnistes (qui font perdre toute valeur à l’épargne accumulée, ce qui empêche son utilisation pour financer l’activité économique).
Si les crises financières peuvent donc prendre des formes extrêmement différentes, elles ont pour point commun d’empêcher le financement convenable des activités économiques. Le rôle des banques est souvent très important dans le cas des grandes crises financières qui aboutissent à une crise économique de grande ampleur comme en 1929 ou en 2007-2008. Pour comprendre ces crises financières (qui comprennent des aspects un peu techniques), il nous faut revenir sur les questions de monnaie, de création monétaire, etc.
Précisons dès l’introduction quelques éléments du vocabulaire utilisé dans ce thème, vous le verrez, très technique :
Tout d’abord, vous le savez, l’essentiel de la monnaie qui est utilisée par les entreprises et les ménages circule par les cartes bancaires, les chèques, les virements (pour payer les salariés par exemple) et non pas par les pièces et les billets. Bien sûr, si vous perdez votre carte bancaire, si vous la coupez en deux ou si vous brûlez votre carnet de chèque, l’argent que vous détenez à la banque ne disparaît pas ! En fait, la monnaie utilisée est celle qui est inscrite sur votre compte-courant (ou votre compte-chèques) : il ne faut donc pas confondre monnaie et moyen de circulation de la monnaie. D’où vient cette monnaie inscrite dans les comptes des banques ? De l’État ? De la banque centrale ? L’Etat et la Banque centrale fabriquent les pièces et les billets, mais ce ne sont évidemment pas eux qui vous les donnent, à vous ou aux entreprises : vous n’avez d’ailleurs jamais vu quelqu’un recevoir ces pièces et ces billets de l’État ou de la banque centrale et aller les mettre sur son compte en banque ! Il y a donc un mystère à percer.
La monnaie que les ménages et les entreprises utilisent le plus souvent, la monnaie scripturale (c’est-à-dire de la monnaie inscrite et détenue sur un compte bancaire), ne correspond en fait pas à une somme de pièces et de billets que les banques auraient dans leur caisse mais à une forme de monnaie spécifique. Comment est-ce possible que ce type de monnaie apparaisse ? À quelle occasion, en dehors des transferts de compte à compte d’une banque à une autre, peut-on « fabriquer » de la monnaie scripturale (on dira plutôt créer de la monnaie scripturale) ? C’est, vous le savez car vous l’avez étudié en classe de 1ère, essentiellement à l’occasion d’un crédit qu’une banque crée de la monnaie en inscrivant le montant du crédit sur le compte de client emprunteur, cette monnaie pouvant circuler par la suite.
Expliquons tout cela par un retour à l’histoire, à un moment où la monnaie métallique a commencé à être remplacée par une monnaie ayant une forme immatérielle. Cette transformation avait pour acteurs des « banques » de l’époque et des commerçants qui allaient vendre leur produit dans des foires lointaines. Que faisaient-ils ? Les commerçants ne voulaient pas emporter la monnaie métallique (qui était sous forme d’or, d’argent dont le poids correspondait à la valeur faciale de la pièce) pour des raisons pratiques (lourdeur des pièces !) et aussi par sécurité contre le risque de vol au cours du voyage. Les « banques » ont donc proposé de rédiger des certificats d’or (sous forme papier) indiquant la valeur de l’or déposée par les commerçants dans leurs coffres. Les papiers en question, ces certificats d’or pouvaient ainsi circuler à la place de l’or : celui qui détenait ce certificat pouvait alors retirer de l’or dans la banque qui avait émis ces certificats d’or. (Ce certificat d’or est en fait une dette reconnue par la banque : elle doit cet or contre le certificat qui est donc une reconnaissance de dette de la banque.) C’est un début de dématérialisation de la monnaie.
Plus important pour nous est la deuxième étape qui explique la création monétaire. Les banques se sont rendu compte que les détenteurs des certificats d’or ne demandaient pas tous en même temps leur conversion en or. Dès lors, les banques ont commencé à créer des certificats d’or en plus des quantités d’or détenues : le risque était faible de créer trop de certificats par rapport à l’or détenu. Pourquoi créaient-elles ces certificats d’or ex nihilo ? Elles créaient ces certificats d’or pour les vendre à leurs clients qui avaient besoin de monnaie sans détenir d’or : il s’agissait donc en fait d’un prêt qui devait bien sûr être remboursé à la banque. Précisons que le commerçant utilisait ce certificat d’or pour régler ses achats à un autre commerçant qui pouvait le présenter à sa propre banque. Cette deuxième banque pouvait demander la conversion en or de ce certificat à la première. Ce certificat d’or est donc bien effectivement de la monnaie qui circule, même sans contrepartie réelle d’or dans les caisses de la première banque. L’or, vous le voyez, sert finalement de monnaie entre les banques des différents commerçants. Ainsi, deux types de monnaie co-existent : les certificats d’or qui circulent entre commerçants et l’or qui circule entre les banques (et aussi toujours entre commerçants).
Aujourd’hui aussi deux grands types de monnaie coexistent au sein d’un même pays (même si elles sont confondues en un même nom, l’euro dans la zone euro), une qui circule entre les banques qui joue le rôle de l’or (voir encadré) et l’autre qui circule entre les ménages, et les entreprises souvent par l’intermédiaire des banques. Précisons un peu les choses, choses qui commencent bien sûr par un crédit demandé par un client d’une banque, une entreprise par exemple, et que la banque accorde. La banque inscrit cette somme sur le compte à vue (= compte courant) de l’entreprise : cette monnaie scripturale peut être utilisée par l’entreprise pour régler ses achats à ses fournisseurs notamment. Cette monnaie circule donc par l’intermédiaire des banques des différents agents économiques : même immatérielle, elle a des effets réels. Mais, pour cela, une autre monnaie circule entre la banque de l’entreprise et les banques des fournisseurs. Cette autre monnaie n’est évidemment plus de l’or aujourd’hui mais ce que l’on appelle de la monnaie centrale. En effet, les banques de second rang (= banque commerciales) ont un compte auprès de la Banque centrale, qui est la banque des banques ; elles détiennent sur ces comptes de la monnaie qu’elles peuvent utiliser dans leurs transactions avec d’autres banques. C’est ce que l’on appelle la liquidité bancaire (qui peut d’ailleurs prendre la forme de pièces et de billets).
Cette monnaie centrale qui circule entre les banques est elle-même créée par la Banque centrale en fonction des besoins des banques. Elle n’est jamais « donnée » par la Banque centrale aux banques de second rang mais toujours prêtée à un taux d’intérêt (le taux directeur) plus ou moins élevé. Là encore, c’est au cours d’une opération de prêt que cette monnaie est créée. Cette monnaie centrale ou liquidité bancaire est parfois appelée « réserves ». Les quantités de liquidité offertes, en réalité prêtées, et le taux d’intérêt de ces prêts sont les éléments clés de la politique monétaire de la Banque centrale. Nous y reviendrons bien sûr.
Présentons rapidement sous forme de bilans la création monétaire.
Face à un chapitre très technique, il peut être utile (et cela le sera dans le cours du chapitre) de présenter cette création monétaire à partir des comptes de bilan (simplifiés à l’extrême) comme vous l’avez sans doute vu en classe de 1ère. Rappelons que l’actif représente à un moment donné ce que possède l’entreprise (ou la façon dont elle a utilisé ses ressources pour acquérir tout ce qu’elle possède) et le passif représente ses ressources (apportées par différents agents économiques : propriétaires, prêteurs, etc.) ; l’actif par construction est toujours égal au passif.
Nous supposons qu’une entreprise A fait une demande de crédit à sa banque pour acheter du matériel pour un montant de 1 000 €.
Actif (utilisation des ressources) | Passif (origine des ressources) | ||
---|---|---|---|
Dépôts à vue | 1 000 € | Dettes | 1 000 € |
Total | 1 000 € | Total | 1 000 € |
Actif (utilisation des ressources) | Passif (origine des ressources) | ||
---|---|---|---|
Crédit | 1 000 € | Dépôts de l'entreprise A | 1 000 € |
Total | 1 000 € | Total | 1 000 € |
Explication :
La banque 1 accorde un crédit à l'entreprise A et inscrit cette somme sur le compte de l'entreprise (dépôt à vue de 1 000 € sur le compte de l'entreprise qui possède donc cet argent et qu'elle peut utiliser). Mais il s'agit aussi bien sûr d'une dette pour l'entreprise A (passif de l'entreprise A), qu'elle devra rembourser.
La banque 1 possède donc une créance de 1 000 € sur l’entreprise A (elle fait partie de son actif). Par ailleurs, les 1 000 € sont inscrits sur le compte de l’entreprise (dépôts de l’entreprise A à la banque). La banque a donc créé de la monnaie (c’est l’origine de la ressource : elle n’a pas besoin de monnaie préalable a priori) ; c’est comme si elle utilisait cette ressource qu’elle crée elle-même ex nihilo pour la prêter ! Attention tout de même : elle a besoin de liquidité pour assurer les achats de son client (… comme autrefois les banques avaient besoin d’or pour régler les certificats d’or). C’est ce que nous allons voir maintenant.
Nous supposons que l’entreprise A utilise son crédit pour acheter une machine à une entreprise B : la banque de l’entreprise A doit utiliser les liquidités qu’elle détient à la banque centrale pour les transférer à la banque de l’entreprise B appelée 2.
Actif (Utilisation des ressources) | Passif (origine des ressources) | ||
---|---|---|---|
Machine | 1 000 € | Dettes | 1 000 € |
Actif | Passif | |
---|---|---|
Crédit | 1 000 € | x |
Dépôt à la banque centrale | - 1 000 € | x |
Actif | Passif | |
---|---|---|
x | Dépôt banque commerciale 1 | - 1 000 € |
x | Dépôt banque commerciale 2 | + 1 000 € |
Explication :
L’entreprise A utilise la monnaie pour acheter la machine : maintenant elle ne possède plus la monnaie mais une machine comme actif (bilan de l’entreprise A). Pour cela, la banque 1 de l’entreprise A utilise les liquidités dont elle disposait à la Banque centrale pour régler l’achat de son client : ses dépôts à la Banque centrale baissent au profit de ceux de la banque 2 de l’entreprise B.
Présentons maintenant rapidement sous forme de bilans la question de la politique monétaire.
Nous supposons maintenant que la Banque centrale souhaite offrir plus de liquidités aux banques par exemple pour relancer l’activité économique : pour cela, elle prête des liquidités aux banques commerciales en contrepartie d’une créance (qui, précisons-le car c’est important pour la suite du chapitre, peut être garantie par un titre financier comme un bon du Trésor que possède la banque). Les banques obtiennent des liquidités leur permettant d’offrir elles-mêmes plus de crédits avec des effets positifs sur l’investissement et la consommation.
Nous supposons que la Banque centrale offre (prête) pour 10 millions d’euros aux banques commerciales :
Actif | Passif | ||
---|---|---|---|
Créance sur les banques | 10 000 000 € | Dépôt banques commerciales | 10 000 000 € |
Actif | Passif | ||
---|---|---|---|
Dépôts à la banque centrale | 10 000 000 € | Emprunts | 10 000 000 € |
Explications :
En offrant des liquidités aux banques de 2nd rang à des taux d’intérêt faibles, la Banque centrale permet aux banques de les emprunter et de détenir ainsi plus de liquidités sur leur compte à la Banque centrale. Elles peuvent alors les utiliser et faire face, de manière moins risquée, à une augmentation des achats de leurs clients : elles vont donc pouvoir augmenter la quantité de prêts qu’elles accordent. Les entreprises et les ménages pourront augmenter leurs achats, donc leur consommation et leurs investissements. La baisse des taux d’intérêt et la croissance de la monnaie centrale se traduisent ainsi par une croissance des crédits et donc de la masse monétaire ; par-là, la demande globale augmente et la production aussi. Il s’agit d’une politique monétaire expansionniste qui vise l’accélération de la croissance économique et la baisse du chômage.
Le jeudi 24 octobre 1929, le cours (= la valeur) des actions cotées à la bourse de New York s’effondre de 20 % : c’est une crise boursière de toute première importance. En effet, cela signifie une baisse de la richesse chez les agents économiques possédant ces actions et aussi une baisse de la valeur des entreprises cotées.
La cotation d’une action en bourse désigne la fixation du prix de cette action sur le marché boursier (ou financier) ; autrement dit, une action cotée à la bourse est un titre financier dont le prix est déterminé (et varie) sur le marché boursier.
Comment expliquer cette énorme baisse du cours des actions ? Des facteurs économiques dans l’économie réelle peuvent être évoqués mais aussi des facteurs purement financiers. Dans la période qui a suivi la première guerre mondiale aux États-Unis, appelée les Roaring Twenties, une forte croissance économique a eu lieu diffusant un sentiment d’optimisme. Elle provenait notamment d’une diffusion du progrès technique et du développement de nouvelles méthodes de production comme le taylorisme et le fordisme dans l’industrie. De même, la production de logement a beaucoup augmenté en raison, en particulier, du développement du crédit à l’immobilier. Mais, cette hausse de la production n’a pas été accompagnée d’une hausse aussi forte des revenus des ménages et de la consommation. Un déséquilibre macroéconomique s’est donc développé avec une pression à la baisse sur les prix de l’immobilier et des produits agricoles et industriels qui a réduit les bénéfices ou les perspectives de bénéfice des entreprises. D’où une baisse de la valeur des entreprises, autrement dit, une baisse du cours des actions.
Parallèlement, sur le plan purement financier, le besoin de financement de l’investissement des ménages et des entreprises a poussé au développement du crédit et des marchés financiers. Certains économistes insistent sur ces facteurs principalement financiers et bancaires. Il s’est notamment développé une spéculation boursière qui a entraîné une élévation du cours des actions jusqu’à des niveaux qui ne correspondaient pas à la valeur réelle des entreprises. Un ajustement à la baisse devait se faire, dès l’instant où les logements offerts ne trouvaient pas preneur, la production agricole ne trouvait pas suffisamment d’acheteurs et enfin les résultats financiers des entreprises n’étaient pas à la hauteur des attentes des « investisseurs » (c’est-à-dire ici de ceux qui plaçaient leur épargne sur les marchés financiers). C’est ce qui s’est passé durant l’année 1929 aux États-Unis.
Quoi qu’il en soit des facteurs principaux de cette crise, c’est sur les marchés financiers que la crise financière des années 1930 s’est révélée.
Cette crise boursière a un lien avec les banques et le système bancaire américain qu’il faut expliquer et qui peut expliquer l’ampleur de son impact sur l’économie réelle (baisse de la production et hausse du chômage notamment). En effet, si le financement direct (par les marchés financiers) et le financement indirect (par les banques) sont touchés, c’est l’ensemble du financement de l’économie qui est perturbé voire empêché. Regardons cela de plus près. En fait, la spéculation se faisait de manière un peu particulière avec trois types d’agents économiques principaux : les spéculateurs (des personnes pas forcément les plus fortunées d’ailleurs) qui placent leur épargne en bourse mais aussi les agents de change qui sont les intermédiaires entre les spéculateurs et la bourse et, enfin, les banques, qui prêtaient de l’argent pour spéculer. Prenons un exemple fictif mais typique de la façon de spéculer à l’époque. Supposons que le spéculateur pour acheter une action paie 20 % du coût d’achat de l’action mais emprunte auprès de l’agent de change les 80 % restants. L’agent de change accepte cela en gardant en garantie l’action en question (aujourd’hui, on appelle cette garantie, un collatéral, on y reviendra). Si la valeur de l’action baisse, cela signifie que la valeur de la garantie baisse et l’agent de change demande plus d’argent au spéculateur pour compenser cette baisse (c’est l’appel de marge). Si le spéculateur ne peut pas fournir cet argent, il se trouve en difficulté et l’agent de change aussi car les 80 % qu’il a avancés au spéculateur, il les a lui-même empruntés à une banque. Il se retrouve en difficulté du fait de l’incapacité du spéculateur à fournir l’argent nécessaire, incapacité qui n’est pas compensée par la vente de l’action (dont le cours a baissé), puisque cette vente ne permet pas à l’agent de change de maintenir sa situation financière. Les banques peuvent alors voir leurs prêts aux agents de change ne pas être remboursés. Ainsi, les banques qui participaient à ce système (ce n’était cependant pas le cas de toutes les banques américaines) se sont trouvées elles-mêmes en grande difficulté financière.
Toutefois, pour beaucoup d’historiens et d’économistes, les faillites bancaires, très nombreuses, qui ont eu lieu ont été moins liées à leurs liens avec les agents de change qu’à la crise agricole (les agriculteurs ne pouvaient plus rembourser les emprunts : voir sur cet aspect le célèbre livre Les raisins de la colère de John Steinbeck ou le film au titre identique de John Ford) ou à la politique menée par la Banque centrale américaine qui n’a pas agi de manière suffisante pour sauver les banques en difficultés.
Quoi qu’il en soit, ce dérèglement du système financier américain va avoir des effets considérables sur l’économie réelle aux États-Unis comme dans le reste du monde
La crise financière en perturbant le financement de l’économie, par la baisse des cours de la bourse et les faillites bancaires, réduit les capacités d’investissement des entreprises et la demande globale. En effet, la chute de la bourse empêche les entreprises de financer leurs investissements : dès lors, la baisse des capacités de production réduit la production engendrant une hausse du chômage. Parallèlement, la chute de la bourse entraîne une baisse de la richesse des ménages ; ces derniers sont donc moins incités à investir (en logement) ou à consommer. Il y a donc une diminution de la demande globale, donc de la production et de l’emploi. Ces évolutions sont amplifiées par les faillites bancaires qui réduisent la masse des crédits octroyés (ou accordés) aux ménages et aux entreprises. Enfin, la baisse des prix liée à la surproduction diminue la rentabilité des entreprises qui ne peuvent s’autofinancer et pousse les ménages à reporter leur consommation en attendant de nouvelles baisses de prix, accentuant la baisse de la demande. Finalement, le PIB des États-Unis baisse de 30 % environ entre 1929 et 1933 tandis que le taux de chômage augmente fortement : il passe d’environ 3 % en 1929 à 25 % en 1933 soit une multiplication par un peu plus de 8.
Par ailleurs, chaque pays essayant progressivement de se protéger des importations pour réserver la demande à la production locale et tenter de limiter l’impact de la crise, amplifie en fait la crise économique : les débouchés se contractent pour chaque pays engendrant pour tous une baisse de la production accentuant les problèmes d’emploi dans tous les pays.
En 2007, plusieurs évènements se produisent sur les marchés financiers aux États-Unis mais aussi en Europe provoquant une crise financière qui se révélera d’une ampleur semblable à celle de 1929. Citons quelques faits qu’il nous faudra expliquer : New Century Financial, organisme de crédit hypothécaire aux États-Unis se déclare en faillite an avril 2007, BNP Paribas annonce la fermeture de trois de ses fonds de placement adossés à des crédits subprimes en août 2007, les liquidités disparaissent sur le marché interbancaire, les clients de Northern Rock se ruent aux guichets pour retirer leurs fonds en septembre 2007, Lehman Brothers fait faillite en septembre 2008, les cours boursiers chutent dans le monde le lundi 6 octobre 2008, lundi noir.
Par ces évènements, on s’aperçoit que l’ensemble du système financier (devenu très complexe et peu transparent d’ailleurs) est touché. La crise a débuté par celle des institutions financières qui accordaient des crédits hypothécaires aux ménages. Ce sont des crédits permettant de financer l’achat d’un logement, et qui donnent le droit à l’institution prêteuse de prendre possession du logement en cas de non-remboursement. On dit que le logement est hypothéqué. Une des particularités de ces crédits consistait en ce que les clients visés étaient des ménages à faible voire très faible revenu (donc avec une faible voire très faible capacité de remboursement) : ils obtenaient des crédits dits subprimes. Les crédits primes concernaient des ménages dont les institutions financières estimaient qu’ils ne présentaient aucun risque particulier de non-remboursement, donc l’inverse des ménages bénéficiant de crédits subprimes. On peut se demander ce qui poussaient les différentes institutions financières à prêter à des ménages dont certains étaient qualifiés de NINJA (no income, no job, no asset c’est-à-dire pas de revenu, pas d’emploi, pas de patrimoine). En fait, plusieurs caractéristiques des emprunts ou techniques avaient pour but d’éviter les risques supportés par ces institutions financières. Tout d’abord, en cas de non-remboursement, les banques devenaient propriétaires du logement. Or, depuis plusieurs années, les prix de l’immobilier montaient : les institutions financières pouvaient donc vendre les logements à des prix plus élevés qu’au moment du prêt et ainsi récupérer l’argent prêté. Deuxième technique : d’autres institutions financières (comme Freddie Mae et Fannie Mae) existaient et assuraient ces prêts subprimes ou les prenaient en charge : le risque étant donc reporté sur ces institutions et non sur les banques prêteuses. Enfin, les établissements de crédit utilisaient eux-mêmes la titrisation de leurs crédits subprimes. Cette technique, complexe, permettaient aux établissements de crédits de sortir de leurs comptes ces crédits très risqués. Ils transformaient ce prêt en un titre de créance qu’ils pourraient vendre à des « investisseurs » intéressés (par le biais d’un « véhicule de titrisation » achetant la créance et émettant des titres financiers adossés à ces créances et à d’autres créances moins risquées). Les établissements de crédit savaient donc qu’ils pouvaient transférer les risques à d’autres agents économiques tout en récupérant des liquidités grâce à la vente des titres créés à partir des crédits subprimes. Les investisseurs achetaient en réalité un produit financier qui mélangeaient ces titres adossés à ces crédits subprimes avec d’autres titres adossés sur des créances considérées comme plus sûres (comme des prêts étudiants, des prêts pour les voitures, etc.). L’investisseur pensait ainsi acheter un produit dont les risques se compensent (plus ou moins) entre eux. Certes ce produit financier était plus risqué, mais il rapportait un revenu plus élevé, un taux d’intérêt plus élevé.
Mais cette répartition des risques sur de nombreux agents économiques s’est avérée inefficace : on peut même dire que ce système a été à l’origine de la diffusion des risques dans l’ensemble du système financier et notamment les banques et cela, dans le monde entier ! Précisons donc comment. Les crédits hypothécaires subprimes titrisés ont été vendus et achetés dans le monde entier, les marchés financiers étant largement ouverts. Donc, des institutions très diverses dont des banques de 2nd rang ont pu acheter pour elles-mêmes ou pour leurs clients ce type de produits financiers. Il faut préciser que ces achats n’ont pu avoir lieu que parce que la gestion des banques avait elle-même changé. Leurs ressources (= leur passif) sont devenues de moins en moins dépendantes de leur clientèle classique : les banques se sont de plus en plus refinancées par des emprunts sur les marchés financiers. Ce fut par exemple le cas de Northern Rock. Du côté de l’emploi de leurs ressources, elles les ont de plus en plus utilisées pour des placements sur ces marchés financiers y compris donc en achetant des produits titrisés. Leur actif est donc devenu de moins dépendant des crédits accordés mais de plus en plus de placements financiers : connaissaient-elles aussi bien les risques qu’elles prenaient sur les marchés financiers que sur les crédits accordés à leurs clients ? Ont-elles consciemment pris des risques démesurés ? Elles se sont en tout cas retrouvées en grande difficulté. La société générale annoncera ainsi, en janvier 2008, environ 7 milliards de pertes !
Quoi qu’il en soit, la dépendance des banques à la situation des marchés financiers est devenue plus forte y compris pour l’accès à des liquidités ce qui aura un rôle fondamental dans la crise financière. En effet, brusquement, les banques ne vont plus pouvoir emprunter ces liquidités aux autres banques, les autres banques et institutions financières craignant de pas pouvoir être remboursées, la confiance s’étant brisée.
Ce sont ces enchaînements que nous allons expliquer plus précisément maintenant.
Le retournement du marché immobilier est à l’origine directe de la crise financière américaine. Deux évolutions vont entraîner des difficultés pour les banques. La baisse des prix de l’immobilier va avoir deux conséquences. Tout d’abord, des défauts dans le remboursement des crédits : peu à peu, des emprunteurs vont voir leurs charges de remboursement augmenter et certains d’entre eux ne vont pas pouvoir rembourser. Les nouveaux prêts qu’ils auraient pu obtenir, pour faire face aux remboursements, gagés (= garantis) sur la valeur de leur patrimoine ne sont plus accordés. Les revenus des banques, de leur côté, vont devenir de plus en plus incertains et vont parfois se réduire. De plus, la baisse des prix de l’immobilier empêche les banques de revendre à un prix suffisant les logements (hypothéqués) dont elles sont devenues propriétaires. Elles perdent donc de l’argent : elles ont un problème de solvabilité.
Les produits titrisés, dont le collatéral était le crédit subprimes, perdent eux aussi de leur valeur : toutes les institutions financières, banques de 2nd rang, banques d’affaires, compagnies d’assurance, assureurs, etc. sont touchées. Leur actif se dévalorise : ce qu’elles possèdent perd de sa valeur. Comme on l’a vu, elles dépendent de plus en plus d’emprunts pour obtenir des ressources. Or, les prêteurs ne veulent plus leur prêter de l’argent : elles ont, dès lors, un problème de liquidité. Durant les périodes d’inquiétudes extrêmes de l’été 2007 puis après la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, elles ne pouvaient même plus obtenir la moindre liquidité des autres banques sur le marché interbancaire. Si les Banques centrales n’étaient pas intervenues, les faillites bancaires auraient pu être plus importantes encore. Cependant, la baisse de la valeur de l’actif des banques et de l’ensemble des institutions financières a entraîné une crise boursière : leur valeur et leur cours en bourse se sont effondrés. Cette baisse a été contagieuse vis-à-vis des autres entreprises non financières cotées. Cela a induit une difficulté accrue de financement des entreprises sur les marchés financiers. Cette difficulté de financement des entreprises s’est répercutée sur les investissements, la production et l’emploi qui ont diminué, ce qui a accéléré la crise économique.
L’insertion des banques sur les marchés financiers, du côté de l’actif comme du passif (voir 1.2.1), a montré la fragilité de ce modèle de gestion, fragilité accrue par les nouveaux produits financiers qui ont non pas répartis les risques sur plus d’agents économiques (et les mieux susceptibles de les supporter) mais les ont à la fois cachés (du fait de leur complexité) et diffusés dans les systèmes financiers du monde entier.
En effet, la crise financière s’est rapidement propagée au monde entier et notamment dans les pays développés. N’oubliez pas qu’une des premières banques à avoir connu des difficultés sur les crédits subprimes titrisés est une banque française, la BNP Paribas. En effet, les banques européennes se finançaient largement sur les marchés financiers et réalisaient des placements plus ou moins risqués et notamment dans ces nouveaux produits titrisés par les institutions financières américaines. Tous les mécanismes purement financiers qui se sont déroulés aux États-Unis ont existé aussi en Europe (jusqu’à la crise économique qui touche l’économie réelle, et non plus seulement l’économie financière) : baisse de la valeur des actifs des banques, difficultés de financement y compris à court terme (difficultés à emprunter des liquidités), crise boursière, difficultés de financement des investissements des entreprises, crise économique (voir 1.2.2).
On peut construire un tableau comparatif des deux crises financières et de leur éclatement en reprenant cette image de l’explosion de Pierre Dockès dans son livre Le capitalisme et ses rythmes :
Vous voyez que la principale différence entre ces deux crises financière provient de leur origine : origine boursière pour la crise des années 1930 (avec une bulle boursière qui gonfle puis éclate), et origine bancaire pour la crise des années 2007-2008 (avec cette fois-ci une bulle immobilière qui grossit puis éclate). Ce qui les rapproche c’est l’impact énorme sur la croissance économique avec une baisse importante du PIB et sur l’emploi et le chômage notamment parce que, dans les deux cas, les banques ont été fragilisées.
La crise financière des années 1930 | La crise financière de 2008 | |
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Un terrain miné |
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La mèche |
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La poudre |
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La mise à feu |
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L’explosion |
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Un terrain de ruine |
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Mais qu’ont fait les pompiers ? |
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