ATTENTION :

ce cours correspond au programme de 2013, il n'est pas conforme au programme de terminale de SES en vigueur depuis 2019.

CH08 : Quels liens sociaux dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu ? (Attention : programme précédent)

Les sociétés modernes produisent de plus en plus de richesses, nous l'avons vu dans la première partie de ce cours. Cela se produit en même que la transformation de la structure sociale, des inégalités et des conflits. Pourtant, finalement, au cours du temps, nos sociétés se perpétuent, elles ne disparaissent pas, par exemple, sous la pression des inégalités et des conflits. Comment est-ce possible ? Autrement dit, la question que nous allons aborder ici consiste à se demander comment les sociétés " tiennent ", c'est-à -dire ce qui les cimente, ce qui relie les individus les uns aux autres suffisamment solidement pour que la vie en société ne dégénère pas en guerre civile. Ce ciment, que l'on appelle souvent "lien social" et qui produit de la solidarité entre les membres d'une société, ne naît pas spontanément. Il est le résultat de ce que l'on appelle la cohésion sociale qui peut être définie comme le processus qui permet aux membres d'une société de se reconnaître comme équipiers d'un même bateau, si l'on peut faire cette comparaison, c'est-à -dire solidaires les uns des autres parce que partageant les mêmes valeurs, mais pouvant avoir chacun vis à vis des autres des obligations mais aussi des droits spécifiques. Cette cohésion se construit : elle ne se produit pas " par hasard ". Elle se construit dans des lieux, des instances d’intégration (exemples : famille, école) ou grâce à des dispositifs précis (exemple : la protection sociale ou les procédures de négociation entre employeurs et salariés). Or, la transformation des valeurs, avec notamment l'individualisme croissant, les changements dans la vie économique et sociale affectent ces lieux d'intégration et ces dispositifs. On peut craindre ainsi que la cohésion sociale soit menacée. La cohésion sociale n'est donc jamais définitivement acquise, une société doit toujours veiller à la construire et, pour cela, à intégrer ses membres.

Les sociétés modernes produisent de plus en plus de richesses, nous l'avons vu dans la première partie de ce cours. Cela se produit en même que la transformation de la structure sociale, des inégalités et des conflits. Pourtant, finalement, au cours du temps, nos sociétés se perpétuent, elles ne disparaissent pas, par exemple, sous la pression des inégalités et des conflits. Comment est-ce possible ? Autrement dit, la question que nous allons aborder ici consiste à se demander comment les sociétés " tiennent ", c'est-à -dire ce qui les cimente, ce qui relie les individus les uns aux autres suffisamment solidement pour que la vie en société ne dégénère pas en guerre civile.

Ce ciment, que l'on appelle souvent "lien social" et qui produit de la solidarité entre les membres d'une société, ne naît pas spontanément. Il est le résultat de ce que l'on appelle la cohésion sociale qui peut être définie comme le processus qui permet aux membres d'une société de se reconnaître comme équipiers d'un même bateau, si l'on peut faire cette comparaison, c'est-à -dire solidaires les uns des autres parce que partageant les mêmes valeurs, mais pouvant avoir chacun vis à vis des autres des obligations mais aussi des droits spécifiques. Cette cohésion se construit : elle ne se produit pas " par hasard ". Elle se construit dans des lieux, des instances d’intégration (exemples : famille, école) ou grâce à des dispositifs précis (exemple : la protection sociale ou les procédures de négociation entre employeurs et salariés). Or, la transformation des valeurs, avec notamment l'individualisme croissant, les changements dans la vie économique et sociale affectent ces lieux d'intégration et ces dispositifs. On peut craindre ainsi que la cohésion sociale soit menacée. La cohésion sociale n'est donc jamais définitivement acquise, une société doit toujours veiller à la construire et, pour cela, à intégrer ses membres.

1. Cohésion sociale et solidarité dans des sociétés où s’affirme le primat de l’individu : la pensée fondatrice d’Emile Durkheim

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Précisons tout de suite une question de vocabulaire. C’est sans doute Emile Durkheim qui a été le premier sociologue a insisté sur la nécessité de cette cohésion sociale pour le bien de la société elle-même mais aussi pour les individus membres de cette société. Cependant, il utilisait un autre terme, celui de solidarité, pour caractériser cette situation sociale. Or, aujourd’hui, dans le vocabulaire courant (pas celui des sociologues), le terme de solidarité recouvre l’idée d’entraide, de secours. Vous devez donc être très attentif au contexte d’utilisation du terme « solidarité ». De plus, la cohésion sociale ne signifie pas forcément que les individus membres d’une société s’entendent parfaitement, qu’il n’y a pas ou plus de conflit. L’idée de cohésion sociale signifie tout aussi bien que la société favorise le partage de mêmes valeurs, de mêmes comportements que l’existence de règles de vie qui permettent à des individus ou des groupes sociaux différents, ayant des intérêts différents voire opposés de vivre relativement paisiblement.

Précisons tout de suite une question de vocabulaire. C’est sans doute Emile Durkheim qui a été le premier sociologue a insisté sur la nécessité de cette cohésion sociale pour le bien de la société elle-même mais aussi pour les individus membres de cette société. Cependant, il utilisait un autre terme, celui de solidarité, pour caractériser cette situation sociale. Or, aujourd’hui, dans le vocabulaire courant (pas celui des sociologues), le terme de solidarité recouvre l’idée d’entraide, de secours. Vous devez donc être très attentif au contexte d’utilisation du terme « solidarité ». De plus, la cohésion sociale ne signifie pas forcément que les individus membres d’une société s’entendent parfaitement, qu’il n’y a pas ou plus de conflit. L’idée de cohésion sociale signifie tout aussi bien que la société favorise le partage de mêmes valeurs, de mêmes comportements que l’existence de règles de vie qui permettent à des individus ou des groupes sociaux différents, ayant des intérêts différents voire opposés de vivre relativement paisiblement.

1.1. Une forme de solidarité selon E. Durkheim : solidarité mécanique

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La solidarité mécanique ou la cohésion sociale est basée sur la ressemblance des individus dans les façons de se comporter, de penser et de juger.

La solidarité mécanique ou la cohésion sociale est basée sur la ressemblance des individus dans les façons de se comporter, de penser et de juger.

1.1.1. La solidarité mécanique est basée sur la similitude des consciences des individus.

Les sociétés qui connaissent la solidarité mécanique comme type de cohésion sociale sont des sociétés peu différenciées. Cela signifie que les occupations, les rôles que tous doivent accomplir sont, globalement, les mêmes ou similaires. C’est cette similitude des activités, des valeurs, des «consciences» écrit Durkheim, qui fonde la solidarité des membres. Par le partage d’activités communes, de valeurs communes ou se ressemblant, les individus se sentent solidaires liés les uns aux autres. Du fait de la force de ces liens sociaux, l’attachement des individus à la société est fort.

1.1.2. Des exemples : des sociétés primitives aux groupes sociaux fortement intégrés

Ce sont les sociétés «primitives», les sociétés sans écriture, comme les peuples aborigènes par exemple qui connaissent ce type de solidarité. L’identité de situation ne signifie parce que tous ont la même situation sociale ou le même rôle. Même dans ce sociétés, il existe des différences ne serait-ce qu’entre les hommes et les femmes ou entre les enfants et les adultes; mais les hommes ont tous une activité identique ou proche de même que, de leur côté, les femmes.

Evidemment, dans les sociétés occidentales, aujourd’hui, ce principe de solidarité ne fonctionne plus. Par contre, cela ne signifie pas que des formes de solidarité mécanique n’existent pas. Elles existent mais uniquement dans certains groupes sociaux délimités. Cette forme de solidarité ne peut embrasser l’ensemble de la société. Si l’on considère les groupes socioprofessionnels, on peut considérer que les mineurs, par exemple, ont formé un groupe social dont l’intégration était liée à la similitude des activités, des valeurs (le courage par exemple) et des règles de vie (horaires, type de nourriture, etc.). Plus près de nous, ne peut-on penser que les traders sont un groupe social intégré sur la base des mêmes activités, de valeurs identiques comme l’esprit de compétition inculqué lors de leurs études dans de grandes écoles souvent. N’ont-ils pas des façons de juger ce qui est juste ou injuste identique lorsque l’on prend la nature et le niveau de leur rémunération ou la réaction face à une évolution négative de leurs placements («il faut se refaire» quel que soit le moyen) ? On peut donc voir ici que la socialisation professionnelle tend à créer des formes de solidarité mécanique.

1.2. Une autre forme de solidarité selon E. Durkheim : la solidarité organique

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La solidarité organique correspond à une forme de cohésion sociale basée sur la complémentarité des activités des individus

La solidarité organique correspond à une forme de cohésion sociale basée sur la complémentarité des activités des individus

1.2.1. La solidarité organique est basée sur la complémentarité des activités des individus

La solidarité organique ne repose pas sur la similitude mais au contraire sur la différence liée à une division du travail entre individus qui n’ont donc pas les mêmes fonctions. La diversité des activités montre que chacun a besoin des autres pour vivre en société. Dès lors, la complémentarité des fonctions exercées est ce qui fait tenir la société comme un tout : une coopération entre individus existe et l’interdépendance de leurs activités est la base de la cohésion sociale.

Vous vous rendez aussi compte que ce qui fait ciment dans la société n’est donc plus, pour l’essentiel, des valeurs communes (une conscience collective pour reprendre l’expression d’E. Durkheim). L’individu a beaucoup plus d’autonomie que dans les sociétés à solidarité mécanique … tout en vivant dans l’étroite dépendance des activités des autres.

1.2.2. La situation des sociétés modernes

Cette forme de solidarité est celle des sociétés modernes dans laquelle la division de travail est très poussée. Si l’on prend la société française, vous savez qu’elle est composée de millions d’individus qui ont des activités différentes mais utiles les uns pour les autres. Imaginez de qui un lycéen dépend simplement, pour se nourrir : des producteurs d’aliments et de boissons, d’éleveur de vaches, d’embouteilleurs pour le lait, de bouchers, de commerçants mais aussi d’agents chargés de contrôler la qualité des produits, de juges en cas de litige, etc. Ce même commerçant a lui aussi besoin de fournisseurs, de juges, de comptables pour son activité professionnelle. L’interdépendance des individus montre la complémentarité de leur rôle. Et c’est cette complémentarité qui fait que les hommes peuvent vivre ensemble et former une société ayant une certaine cohésion sociale.

1.3. La transformation des formes de solidarité : de la solidarité mécanique à la solidarité organique

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Le développement de l’individualisme, lié à l’approfondissement de la division du travail, peut empêcher les individus de se sentir membre d’une même collectivité.

Le développement de l’individualisme, lié à l’approfondissement de la division du travail, peut empêcher les individus de se sentir membre d’une même collectivité.

1.3.1. Selon E. Durkheim, les sociéts seraient passées de la solidarité mécanique à la solidarité organique

Pour Durkheim, les sociétés sont passées d’une cohésion fondée sur la solidarité mécanique à une cohésion fondée sur la solidarité organique. Pour lui, cette évolution s’explique par l’augmentation de la population qui se traduit par une lutte plus intense pour la survie de chacun. Un moyen pacifique qu’ont trouvé les sociétés pour répondre à cette pression est la spécialisation et la coopération, bref la division du travail. Il y a de plus un élargissement des liens sociaux grâce à la multiplicité des contacts, des liens sociaux possibles grâce aux divers moyens de communication (route, voie ferrées, aujourd’hui télécommunications). Cette coopération est donc plus profonde qu’autrefois et plus large.

1.3.2. Une solidarité organique qui développe l’individualisme et qui ne crée pas automatiquement de la cohésion sociale.

Une des conséquences du remplacement de la solidarité mécanique par la solidarité organique est le développement de l’individualisme. En effet, la division du travail ouvre l’individu à d’autres liens sociaux que ceux de la famille et du voisinage immédiat. Les groupes primaires ont moins d’impact et l’individu est plus libre vis-à-vis d’eux : une plus grande autonomie de la pensée et des comportements apparaît.

De plus, on peut légitimement se demander si le fait de dépendre des autres et de leur être utile suffit à créer un forte d’intégration sociale. En effet, l’existence de crises économiques ou de forts ralentissements a des effets sur le marché du travail (chômage, précarité) qui nuisent à cette coopération. De même exercer un travail qui nous insatisfait, qui est source de grandes contraintes, par exemple, et le sentiment d’être traitée injustement, pas conformément à nos compétences montre que cette coopération peut être rompue ou mal acceptée nuisent à ce sentiment de solidarité. Cela traduit une absence de régulation sociale, une situation d’anomie (comme vous l’avez vu en Première).

D’après Durkheim, il faudrait que cette coopération soit ressentie de manière plus forte par les individus, par la formation de règles sociales acceptables par tous, parce qu’élaborés par les principaux intéressés et permettant d’éviter ces situations d’anomie. Pour être plus précis, il faut nous d’abord analyser le monde du travail comme lieu essentiel au sein duquel ces normes peuvent être négociées, connues, acceptées.