ATTENTION :

ce cours correspond au programme de 2013, il n'est pas conforme au programme de terminale de SES en vigueur depuis 2019.

CH05. La croissance économique est-elle compatible avec la préservation de l’environnement ? (Attention : programme précédent)

Nous avons vu précédemment dans les chapitres 1 et 2 que la croissance n'est pas continue, qu'elle est instable. Parmi les éléments qu'elle affecte et qu'elle affectera et que nous n’avons pas encore étudiés, il y a l'environnement, c’est-à-dire, d’après le dictionnaire Larousse, « l’ensemble des éléments objectifs (qualité de l’air, bruit, etc.) et subjectifs (beauté du paysage, qualité d’un site, etc.) constituant le cadre de vie d’un individu ». Une étude récente prévoit que nos écosystèmes, sous l'effet des dégradations causées par l'homme, pourraient franchir un point de non-retour avant la fin du XXIème siècle (source : Approaching a state shift in Earth’s biosphere, Nature n°486, 7 juin 2012). Ce n'est pas la première fois que des chercheurs nous alarment sur ce point mais tous n'abondent pas dans le même sens. Le climatologue Jean-Pascal van Ypersele, vice-président du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC : prix Nobel de la paix en 2007) nuance ces prévisions mais note que « les dégradations en cours vont affecter nos conditions de vie". Mais il existe aussi des climato-sceptiques (qui doutent de l’existence d’u réchauffement lié aux activités humaines) qui restent critiques à l'égard des modèles climatiques prévisionnels exagérant, selon eux, la réalité. Alors que croire ? Notre objet ici n'est pas de valider ou non un scénario catastrophe mais uniquement de nous poser des questions sur les liens entre la croissance économique et la préservation de l'environnement, et plus généralement, de nous interroger sur la durabilité (ou la soutenabilité) de notre développement. La croissance nous a permis depuis deux siècles de bénéficier de gains importants en matière de bien-être de la population. Mais ces deux siècles de croissance ne se sont pas faits sans pression sur les hommes ni sur notre environnement. Dès lors, est-il possible de concilier croissance et préservation de l’environnement ? Les dégradations environnementales et plus particulièrement la pollution obligent les États à mettre en œuvre des politiques climatiques. Quels sont les instruments de cette politique ? En quoi ces instruments sont-ils complémentaires ? Nous pourrons d'abord nous interroger sur la comptabilité de la croissance économique avec la préservation de notre environnement. Pour cela, nous commencerons par établir un état des lieux des limites écologiques de la croissance. Nous verrons ensuite que ces atteintes à l'environnement nous obligent à définir un développement durable dont les contours ne sont pas délimités de la même manière selon les différentes approches. Nous mettrons ensuite dans une seconde partie l'accent sur les politiques climatiques. Nous commencerons par montrer pourquoi il est nécessaire de mettre en œuvre des politiques climatiques avant de présenter les différents instruments et de souligner leur complémentarité.

Nous avons vu précédemment dans les chapitres 1 et 2 que la croissance n'est pas continue, qu'elle est instable. Parmi les éléments qu'elle affecte et qu'elle affectera et que nous n’avons pas encore étudiés, il y a l'environnement, c’est-à-dire, d’après le dictionnaire Larousse, « l’ensemble des éléments objectifs (qualité de l’air, bruit, etc.) et subjectifs (beauté du paysage, qualité d’un site, etc.) constituant le cadre de vie d’un individu ». Une étude récente prévoit que nos écosystèmes, sous l'effet des dégradations causées par l'homme, pourraient franchir un point de non-retour avant la fin du XXIème siècle (source : Approaching a state shift in Earth’s biosphere, Nature n°486, 7 juin 2012). Ce n'est pas la première fois que des chercheurs nous alarment sur ce point mais tous n'abondent pas dans le même sens. Le climatologue Jean-Pascal van Ypersele, vice-président du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC : prix Nobel de la paix en 2007) nuance ces prévisions mais note que « les dégradations en cours vont affecter nos conditions de vie". Mais il existe aussi des climato-sceptiques (qui doutent de l’existence d’u réchauffement lié aux activités humaines) qui restent critiques à l'égard des modèles climatiques prévisionnels exagérant, selon eux, la réalité. Alors que croire ? Notre objet ici n'est pas de valider ou non un scénario catastrophe mais uniquement de nous poser des questions sur les liens entre la croissance économique et la préservation de l'environnement, et plus généralement, de nous interroger sur la durabilité (ou la soutenabilité) de notre développement.

La croissance nous a permis depuis deux siècles de bénéficier de gains importants en matière de bien-être de la population. Mais ces deux siècles de croissance ne se sont pas faits sans pression sur les hommes ni sur notre environnement. Dès lors, est-il possible de concilier croissance et préservation de l’environnement ? Les dégradations environnementales et plus particulièrement la pollution obligent les États à mettre en œuvre des politiques climatiques. Quels sont les instruments de cette politique ? En quoi ces instruments sont-ils complémentaires ?

Nous pourrons d'abord nous interroger sur la comptabilité de la croissance économique avec la préservation de notre environnement. Pour cela, nous commencerons par établir un état des lieux des limites écologiques de la croissance. Nous verrons ensuite que ces atteintes à l'environnement nous obligent à définir un développement durable dont les contours ne sont pas délimités de la même manière selon les différentes approches. Nous mettrons ensuite dans une seconde partie l'accent sur les politiques climatiques. Nous commencerons par montrer pourquoi il est nécessaire de mettre en œuvre des politiques climatiques avant de présenter les différents instruments et de souligner leur complémentarité.

1. La croissance est-elle compatible avec la préservation de l'environnement ?

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Nous avons vu dans les chapitres précédents que la croissance a permis à de nombreux pays de connaître une amélioration de leurs conditions de vie. Mais cette croissance ne s'est pas faite sans dommages sur nos ressources naturelles. Nous allons d'abord dresser un constat des dégradations environnementales causées par l'activité de l'homme. Ces impacts négatifs nous obligent à définir un développement plus respectueux de l'environnement et des générations futures qu'on appelle le développement durable. Selon l'hypothèse de soutenabilité que l'on retient, il est alors possible de concilier ou non croissance et développement durable.

Nous avons vu dans les chapitres précédents que la croissance a permis à de nombreux pays de connaître une amélioration de leurs conditions de vie. Mais cette croissance ne s'est pas faite sans dommages sur nos ressources naturelles. Nous allons d'abord dresser un constat des dégradations environnementales causées par l'activité de l'homme. Ces impacts négatifs nous obligent à définir un développement plus respectueux de l'environnement et des générations futures qu'on appelle le développement durable. Selon l'hypothèse de soutenabilité que l'on retient, il est alors possible de concilier ou non croissance et développement durable.

1.1. Les limites écologiques de la croissance économique

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La croissance a favorisé l’augmentation du niveau de vie, comme vous l’avez vu dans le premier chapitre, mais aussi le développement d'activités notamment industrielles dévoreuses d'énergie, de matières premières et de surcroît souvent polluantes. Les effets sur l'environnement ont été et sont néfastes pour la faune et la flore et a aussi des conséquences fâcheuses sur la population. Les activités humaines dégradent les écosystèmes, détruisant ainsi une partie de notre stock de capital naturel et, peut-être, nos possibilités de croissance future. Après avoir fait un état des lieux de la situation, nous nous demanderons si le développement durable, que nous définirons, peut être une solution pour concilier croissance et préservation de l'environnement.

La croissance a favorisé l’augmentation du niveau de vie, comme vous l’avez vu dans le premier chapitre, mais aussi le développement d'activités notamment industrielles dévoreuses d'énergie, de matières premières et de surcroît souvent polluantes. Les effets sur l'environnement ont été et sont néfastes pour la faune et la flore et a aussi des conséquences fâcheuses sur la population. Les activités humaines dégradent les écosystèmes, détruisant ainsi une partie de notre stock de capital naturel et, peut-être, nos possibilités de croissance future. Après avoir fait un état des lieux de la situation, nous nous demanderons si le développement durable, que nous définirons, peut être une solution pour concilier croissance et préservation de l'environnement.

1.1.1. Constat : la croissance nuit à l'environnement

La croissance menace notre environnement et tout l'équilibre de nos écosystèmes notamment en épuisant les ressources naturelles et en polluant. La croissance actuelle épuise les ressources non renouvelables en matières premières et en énergie et rejette en quantités grandissantes des déchets, y compris des gaz polluants comme le CO2, qu'on ne sait pas totalement traiter et gérer. Ce ne sont pas seulement les écologistes qui le disent. Pratiquement, tous les experts soulignent les dangers environnementaux que nous fait courir notre modèle de croissance. L'émergence des problèmes environnementaux est la conséquence des effets de l'activité humaine. Pendant des millénaires, le développement des sociétés humaines n'a eu que de faibles effets, souvent localisés, sur la nature. Depuis la révolution industrielle, les activités humaines énergivores ont enclenché un processus de transformation de la nature dont nous allons dresser un panorama. Aujourd'hui, on prend conscience que la croissance s'accompagnent d'une dégradation des ressources naturelles et même d'un épuisement de certaines d'entre elles. La croissance nécessite l'utilisation de plus en plus importantes de ressources naturelles épuisables pour répondre aux besoins des consommateurs et des producteurs. En effet, plus les entreprises produisent, plus les ménages se déplacent, se chauffent, s’éclairent, plus les besoins en énergie sont importants. Or, ces ressources énergétiques sont disponibles en quantité finie, limitée. On estime qu’au rythme de consommation actuelle, compte-tenu des connaissances sur l’état des stocks, l'exploitation à l'échelle industrielle de certaines ressources énergétiques ne sera bientôt plus possible. Ainsi la fin de l'uranium est prévue pour 2040, le pétrole pour 2050, le gaz pour 2072, les métaux rares et même non précieux tel que le fer pour 2087.

En plus des ressources énergétiques, nous surexploitons aussi les ressources halieutiques. Récemment l'Organisation des Nations-Unies pour l'Agriculture et l'Alimentation (FAO) a estimé que la part de stocks de poissons de mer sous-exploités ou exploités modérément est passée de 40 % au milieu des années 1970 à 15 % en 2008. Celle de stocks surexploités, épuisés ou en phase de reconstitution a augmenté passant de 10 % en 1974 à 32 % en 2008 montrant que ces stocks de poissons ne peuvent se renouveler du fait de leur exploitation par l'homme . On peut dés lors en conclure que renouvellement de certaines espèces marines est menacé par la surexploitation des ressources halieutiques.

La croissance est responsable de l’érosion de la biodiversité. De nombreuses espèces animales et végétales sont en voie de disparition. La situation est si préoccupante qu'elle a conduit certains experts à parler d'une sixième crise d'extinction. Mais contrairement aux précédentes, celle-ci est imputable directement ou indirectement à l'homme. Cet appauvrissement de la biodiversité est dû au fait que, pour faire face aux besoins de plus en plus importants de la population, les surfaces cultivées pour l'agriculture augmentent, grignotant peu à peu les zones de forêts qui abritent de nombreuses variétés d'espèces végétales et animales et qui sont très utiles pour réduire certaines pollutions.

Afin de mettre en culture de nouvelles terres, de récolter du bois de chauffage par exemple pour augmenter les sources d’énergie et produire plus, La déforestation, gagne du terrain.

Un exemple nous permet d'éclairer la situation. L’huile de palme est un composant bon marché très utilisé par les industries alimentaires et cosmétiques mais aussi pour les agrocarburants. En quelques années, elle est devenue l’huile végétale la plus consommée au monde. Une grande partie de la culture d’huile de palme est concentrée dans les forêts indonésiennes. Cette activité permet à l'archipel indonésien d’accroître son PIB mais elle entraîne une destruction des forêts naturelles tropicales, remplacées par la plantation de palmiers.

Selon les conclusions du quatrième rapport du Groupement intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), le réchauffement climatique est en grande partie liée aux activités humaines non seulement de production mais aussi de commercialisation (transport notamment) et de consommation. En effet, ce réchauffement climatique provient notamment de la pollution de l’air due à ces activités économiques. Les experts du GIEC ont publié fin septembre 2013 le premier volet de leur 5ème rapport. Selon eux, le réchauffement du système climatique est sans équivoque, et depuis les années 1950, beaucoup des changements observés sont sans précédent. L’atmosphère et l’océan se sont réchauffés, la quantité des neiges et glaces a diminué, le niveau des mers s’est élevé, et les concentrations des gaz à effet de serre ont augmenté. Depuis les années 1970, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont été multipliées par 2 sous l'effet de la croissance économique et de la forte augmentation de la demande d'énergie fossile provenant des pays émergents. Si aucune mesure n'est prise, ces émissions devraient à nouveau doubler d'ici 2050.

On peut noter que les émissions diffèrent dans l'espace selon le niveau des richesses. Si globalement ce sont les pays ayant les niveaux de vie les plus élevés qui émettent les plus de CO2 notamment les États-Unis et l'Europe mais aussi le Japon et le Canada la progression est très forte dans les pays émergents comme le Brésil, l'Inde et bien sûr la Chine dont la progression entre 1990 et 2010 a été de 219,4 alors que dans le même la progression aux États-Unis n'était de 10,3 % pour une baisse de 9,6 % dans l'Union Européenne à 27.

1.1.2. Les conséquences de ces dégradations du capital naturel

Ces dégradations environnementales génèrent des effets non négligeables pour les populations . Ces atteintes conduisent à une hausse des prix des ressources naturelles Du fait de la raréfaction des ressources en particulier des ressources non renouvelables à laquelle s'ajoute une hausse de la demande notamment de la part des pays émergents, leur prix augmentera sûrement comme en témoignent déjà les évolutions du prix du pétrole. Ainsi depuis 15 ans environ (entre 1996 et 2011), la demande mondiale a augmenté de 22 % ce qui s'est accompagné d'un quasi quadruplement des prix du pétrole (en dollars constants), qui sont certes soumis à une assez forte volatilité. De même, la progression de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère semble modifié le climat avec des événements extrêmes de plus en fréquents comme les sécheresses, inondations, etc. De ce fait, les prix des matières premières alimentaires peuvent subir ces aléas des évolutions climatiques qui peuvent réduire la production de ces biens de base (sécheresse, intempéries...) et, comme vous le savez, une réduction de l'offre se traduit sur le marché par une hausse des prix. On peut préciser que ce sont les populations les plus pauvres qui paiert le prix fort de ce renchérissement des prix. En effet, alors que l'alimentation représente 15% environ du budget des ménages en France, cette part varie entre 60 et 80% dans les pays les plus pauvres. Cette hausse des prix peut générer des tensions violentes et être une source d'émeutes de la faim comme cela s'est déjà produits en 2007-2008 à Dakar, au Caire ou encore à Mexico. En dehors des effets sur les prix, la dégradation de l'environnement peut avoir des effets néfastes sur le bien-être des populations. Par exemple, la destruction de forêts pour en exploiter le bois, réduit de manière involontaire la biodiversité et accroît parfois le risque de glissements de terrain. Certaines personnes peuvent ainsi perdre très rapidement leur logement s’il est construit sur une zone à risques. Plus tard, la capacité à trouver de nouvelles substances, tirés de plantes inconnus jusqu’alors, pour de nouveaux médicaments peut nuire à la bonne santé des populations plus tard. Les forêts nous rendent beaucoup de services comme le stockage du carbone et le filtrage de l’air très utiles pour réduire la pollution en CO2, et permettre la vie sur terre. Elles sont aussi indispensables pour certaines espèces animales et végétales. Ainsi la déforestation liée à la production de l'huile de palme en Indonésie risque de provoquer la disparition de 98% des orangs-outans d’ici 2022 (rapport PNUE 2007) ... De même, concernant directement la santé humaine, la pollution de l’air, due aux activités économiques, peut se traduire par l’émission de gaz nocifs (NO2, SO2 par exemple) qui altèrent les capacités respiratoires et accroissent les risques de crise d’asthme. D'une manière générale, le réchauffement climatique risque d'avoir des conséquences sociales, environnementales et économiques graves. Parmi ces impacts, on peut citer les suivants : déplacements massifs de plus de 200 millions de personnes dus aux inondations ou aux sécheresses ; pertes économiques liés aux catastrophes naturelles passant de 3,9 milliards de dollars par an dans les années 1950 à presque 75 milliards annuels dans les années 1990 ! problèmes de santé... On se souvient qu'en 2003, la canicule qui a frappé l'Europe a fait 35000 victimes. 15 000 personnes sont décédées en 12 jours dans notre pays qui est pourtant connu pour la qualité de son système de santé ! Cette canicule a provoqué des pertes agricoles estimées à 15 milliards de dollars. Ce genre de canicule risque de devenir monnaie courante d'ici 2050. Mais ce ne sera pas la seule cause de décès puisque la pollution elle aussi est et sera responsable d'un accroissement de la mortalité. En conclusion : les activités humaines sont responsables de la dégradation et de l’épuisement de certaines ressources naturelles notamment celles qui sont non renouvelables. Produire et consommer toujours plus portent atteinte à notre environnement écologique. Mais on a vu que cela entraînait un véritable cercle vicieux puisque par exemple, le réchauffement climatique lié à la pollution atmosphérique va engendrer des coûts économiques, sociaux et environnementaux si élevés que la croissance et le bien-être en pâtiront. Des actions humaines pour réduire ces pollutions auront un coût bien plus faible que leurs répercussions. C'est pourquoi, il est important de chercher à atteindre une croissance plus qualitative qui préserve l'environnement et qui se veut soutenable. En d'autres termes, il faut rechercher le développement durable.

1.2. Le développement durable (ou soutenable) : une solution pour préserver notre environnement tout en recherchant la croissance ?

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En 1972, le rapport Meadows : Limits to growth, rédigé par des scientifiques du MIT (Université américaine) à la demande du Club de Rome, groupe de personnalités s’intéressant aux problèmes sociétaux, tirait la sonnette d'alarme, soulignant les limites environnementales de la croissance et préconisant alors de viser une croissance zéro. Cette thèse a été vivement critiquée notamment par les pays du Sud qui y voyait un prétexte pour bloquer leur croissance et donc leur développement. La crise des années 1970-1980 et la hausse du chômage qui la suivit va repousser le débat qui ne resurgira qu' avec les phénomènes de pluies acides, avec le « trou » dans la couche d'ozone ou les accidents nucléaires, en particulier celui de Tchernobyl en 1986, donnant alors un coup d'arrêt au développement du nucléaire dans les pays développés (sauf en France et au Japon). C'est après ces événements qu'émerge le concept de développement durable qui cherche à concilier à la fois la production économique, le bien-être et la soutenabilité. Précisons tout d’abord ce que signifient ces termes.

En 1972, le rapport Meadows : Limits to growth,rédigé par des scientifiques du MIT (Université américaine) à la demande du Club de Rome, groupe de personnalités s’intéressant aux problèmes sociétaux, tirait la sonnette d'alarme, soulignant les limites environnementales de la croissance et préconisant alors de viser une croissance zéro. Cette thèse a été vivement critiquée notamment par les pays du Sud qui y voyait un prétexte pour bloquer leur croissance et donc leur développement. La crise des années 1970-1980 et la hausse du chômage qui la suivit va repousser le débat qui ne resurgira qu' avec les phénomènes de pluies acides, avec le « trou » dans la couche d'ozone ou les accidents nucléaires, en particulier celui de Tchernobyl en 1986, donnant alors un coup d'arrêt au développement du nucléaire dans les pays développés (sauf en France et au Japon). C'est après ces événements qu'émerge le concept de développement durable qui cherche à concilier à la fois la production économique, le bien-être et la soutenabilité. Précisons tout d’abord ce que signifient ces termes.

1.2.1. Qu'est-ce que le développement durable ?

Une croissance est "soutenable" si elle est acceptable par tous à court terme et durable dans le long terme, c'est-à-dire si elle ne met pas en danger le bien-être futur des populations et respectueuse de l'environnement. Est-elle possible à atteindre ? Cette croissance soutenable, c'est aussi ce que de nombreux hommes politiques et le PNUD appellent le "développement durable". Comment le définir ? D’après le Rapport Brundtland de 1987, rédigé au nom de l’ONU, il s'agit d'un développement qui satisfait les besoins de chaque génération, à commencer par ceux des plus démunis, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Il y a donc deux aspects à souligner : d'une part, on y aborde l'aspect répartition des fruits de la croissance puisqu'on affirme la primauté des besoins des plus démunis, d'autre part on insiste sur la prise en compte des besoins des générations futures pour limiter et orienter notre croissance actuelle. Le développement durable est un compromis entre trois contradictions fondamentales : les intérêts des générations actuelles en face de ceux des générations futures, les intérêts des pays industrialisés et ceux des pays en développement, les besoins de tous les êtres humains et ceux de la préservation des écosystèmes. Le développement durable repose, de manière plus précise, sur trois dimensions : - Une dimension économique : le développement durable suppose une croissance qui permettent d'améliorer le niveau de vie des populations actuelles et futures - une dimension sociale : Les progrès économiques doivent s'accompagner d'un développement humain qui permettent aux populations, notamment les plus défavorisées, d'accéder à l'éducation, la santé, de pouvoir vivre décemment dans un logement et d'avoir un emploi. (Voir encadré sur le développement) - Une dimension environnementale : cette croissance et ce développement humain doivent se faire en protégeant les ressources naturelles, la faune et la flore. La soutenabilité de la croissance est la capacité de transmettre aux générations futures la possibilité d'assurer au minimum un bien-être égal à celui de la génération actuelle. La croissance est soutenable si nous sommes capables de léguer aux générations futures un même niveau de bien-être ou un niveau supérieur que celui dont nous disposons. Ce niveau de bien-être dépend de plusieurs capitaux. C'est ce que nous allons voir maintenant.

1.2.2. Différents capitaux contribuent à la croissance

C'est ce stock de capital, ce patrimoine qui sera transmis aux générations futures. Si ce stock est égal ou supérieur au stock de capital actuel, alors le développement est durable. Si nous léguons aux générations futures un stock de capital inférieur, alors le développement n'est pas soutenable. Un stock décroissant serait l'indice d'une surconsommation globale de ressources, ce qui n'est pas favorable aux générations futures puisqu’ils ne bénéficieront pas des conditions de vie aussi satisfaisantes que les nôtres et verront leur bien-être se détériorer.

Le bien-être dépend de quatre capitaux en relation les uns avec les autres qui comprennent, notamment, le capital physique, le capital naturel, le capital humain et institutionnel.

Le capital physique est un bien produit dans le passé par l’homme et utilisé comme moyen de production (bâtiment, machine, matériel…). Le bien-être dépendra du point de vue économique de la quantité de capital physique c'est-à-dire des machines, des infrastructures, des équipements, des entreprises... puisqu'il permet de produire des biens et des services utiles pour satisfaire les besoins des individus.

Le capital humain regroupe les capacités physiques, intellectuelles d’un individu ou d’un groupe d’individus ; il peut être accumulé par la formation, initiale ou professionnelle. L'investissement que nous consacrons à la santé, à l'éducation et à la recherche entre en ligne de compte dans le bien-être : une meilleure santé est évidemment source directe de bien-être ! Quant à l'éducation, elle ouvre des possibilités nouvelles d'emplois, de revenus mais aussi tout simplement de connaissances utiles dans la vie sociale. Ces dépenses dans la santé, l’éducation, l’acquisition de connaissances, les efforts d’innovation et de recherche figurent parmi les principaux déterminants de la croissance de la productivité globale à long terme. Le capital humain a de multiples avantages économiques puisqu'il permet d'accroître le taux d'emploi, de faire baisser le taux de chômage et d'augmenter les revenus du travail. L'OCDE et les travaux de Gary Becker montre que si chaque individu consacre une année de son temps à bonifier son capital humain, les effets sur le la croissance en seraient très positifs car le P.I.B./hab devrait augmenter sur le long terme de 4 à 10%. ( Le capital humain. Comment le savoir détermine notre vie, OCDE 2007).

Le capital institutionnel regroupe les dispositions politiques, juridiques et institutionnelles en vigueur. Les institutions sont l’ensemble des cadres et contraintes humaines qui structurent les interactions politiques, économiques et sociales. Appareil législatif, autres normes, formelles ou informelles, valeurs, peuvent contribuer au bien-être des populations comme à la croissance économique. Le capital institutionnel regroupe ces institutions Ce capital peut contribuer à diminuer la criminalité; la confiance à l'égard du voisinage est associée à des taux de criminalité plus faibles. De plus, les régions ou les États dans lesquels le niveau de confiance et d'engagement est plus élevé ont en général une administration publique de meilleure qualité.

L'approche du développement durable met ici en lumière un nouveau capital que doivent prendre les économistes : le capital naturel.

Le capital naturelregroupel'ensemble des ressources naturelles utiles directement aux hommes ou qu'il peut exploiter techniquement et économiquement. En effet, ces ressources peuvent être source d'aménités, de bien-être (regarder une beau paysage, se promener dans une forêt, etc.) et nécessaire à la vie sur terre (et notamment celle des hommes). Comme capital productif, elles peuvent aussi servir comme source de matière première ou d’énergie comme le bois pour les forêts.

1.2.3. Les différentes conceptions de la soutenabilité n'accordent pas la même place à la nature dans le système économique

T. R. Malthus (1766-1834) se demandait si la croissance des denrées agricoles suffiraient à nourrir une population de plus en plus nombreuse tandis que Ricardo s'inquiétait de la décroissance du rendement des terres agricoles puisque la croissance de la population conduisait à cultiver des terres de moins en moins fertiles. Plus tard, en 1865, S. Jevons se posait la question de l'épuisement du charbon alors principale source d'énergie, que les progrès techniques permettait d'utiliser à moindre coût donc en plus grande quantité, condamnant les pays industrialisés à un état stationnaire où la croissance serait nulle.

De nos jours, différentes conceptions s'opposent sur ce sujet. On peut distinguer deux principales conceptions de la soutenabilité qui se différencient l'une de l'autre notamment par le degré de substituabilité qu'elles accordent aux différentes sortes de capital : capital naturel, capital humain, capital technique et institutionnel. Si les différentes formes de capitaux sont substituables, cela signifie que la destruction d'une forme de capital peut être compensée par l'utilisation d'une plus grande quantité d'un autre capital, ne compromettant pas ainsi la durabilité du développement. Présentons plus en détails chacune de ces approches.

  • la soutenabilité faible : le développement sera durable si une génération est capable de transmettre à la génération suivante un stock de capital au moins égal permettant d'apporter au moins autant de bien-être à la population. C'est un niveau du bien-être possible qu'on lègue et non un contenu, sa composition. La dégradation d'un des capitaux peut être compensée par l'augmentation d'une autre forme de capital. Ainsi, l'épuisement du capital naturel va entraîner des pertes de bien-être qui seront compensées, par exemple, par davantage d'éducation. Illustrons cela. Si le Brésil détruit la forêt amazonienne pour en vendre le bois et investit le chiffre d’affaires de cette vente en dépenses d’éducation, son niveau de stock de capital global restera inchangé. Dans cette approche, le capital naturel est un actif comme les autres, il n'a aucune spécificité et il est donc substituable aux autres formes de capitaux. De plus, l'épuisement ou la dégradation de l'environnement peuvent être compensés par de nouveaux substituts grâce au progrès technique. Formation et recherche & développement sont nécessaires pour découvrir de nouveaux moyens pour compenser les effets néfastes de la croissance économique sur l’environnement. En effet, l’expérience passée enseigne que des techniques nées de la recherche ont pu corriger ce qui était rédhibitoire. L'homme a pu sauvegarder voire réintroduire des espèces animales comme par exemple les guépards en Afrique, les kiwis en Nouvelle Zélande. Certains milieux naturels qui étaient menacés ont pu être préservés ou reconstruits comme les mangroves. Par ailleurs, on doit aussi tenir compte de la capacité de réaction des écosystèmes, la végétation repoussant après un incendie par exemple.

Certains économistes pensent d’ailleurs qu’après une phase durant laquelle la croissance économique a engendré une dégradation de l’environnement les ressources dégagées ont permis par la suite de la réduire grâce à des technologies moins coûteuses en matière premières voire en faisant des efforts pour moins polluer. D’autres facteurs ont pu jouer comme une attention accrue de la part de la population et des pouvoirs publics aux questions environnementales et une transformation des secteurs d’activité moins gourmands en énergie et matières premières comme les activités de service. Toutefois, il existe des doutes quant à la réalité de cette évolution. N’y a-t-il pas, par exemple, transferts d’activités industrielles vers des pays moins regardant en termes de pollution et d’exploitation de ressources non renouvelables et un développement des transports internationaux, source de pollution aussi ?

  • Les partisans de la soutenabilité forte rejettent l'hypothèse de substituabilité entre le capital naturel et les autres formes de capitaux. Ce que l'on perd en environnement ne peut pas être compensé par ce que l'on gagne en infrastructure, en capital humain, etc.. Comme le fait remarquer un économiste italien, on ne pourra jamais obtenir le même nombre de pizzas avec toujours moins de farine même si on augmente le nombre de fours ou de cuisiniers ! Il faut donc transmettre aux générations futures un stock de capital naturel au moins identique. La nature est, donc pour eux, une ressource particulière qui occupe une place centrale et qui doit donc être traitée différemment des autres formes de capitaux, et ce pour plusieurs raisons :

  • des raisons économiques : elle assure des fonctions indispensables au bien-être et la survie de l'homme. Elle n'est pas substituable mais complémentaire des autres formes de capitaux. Même le progrès technique ne peut empêcher son épuisement ou sa dégradation.

  • On connaît assez mal le fonctionnement des écosystèmes et on peut donc franchir des seuils qui risquent de mener à un effondrement des stocks,

  • des raisons éthiques : la nature a des droits comme le rappelle certains philosophes.

Pour ces partisans de la soutenabilité forte,les limites de la croissance sont déjà ou en passe d'être atteintes. Il faut donc exploiter les ressources naturelles à un rythme qui permettent leur renouvellement et ne pas polluer au-delà des capacités d’assimilation de nos écosystèmes. Pour cela la croissance présente n'est pas une priorité.

Cette conception très attentive au sort réservée aux générations futures risque toutefois de sacrifier l'équité intragénérationnnelle ou spatiale : le développement des pays émergents par exemple serait stoppé en prônant l'arrêt de la croissance. La dimension écologique l'emporte ici sur les dimensions économiques ou sociales. Ne peut-on penser que les habitants des pays en développement ont droit à un niveau de vie équivalent à celui des habitants des pays développés. Ne faut-il pas dès lors que leur croissance actuelle soit forte pour pouvoir consommer plus et satisfaire les besoins que les habitants des pays développés satisfont déjà ?

  • il est possible d'adopter une position intermédiaire entre ces deux thèses. A mi-chemin entre la soutenabilité faible et la soutenabilité forte, on retrouve un courant qui cherche à concilier la croissance et la préservation de l'environnement. Dans cette conception, une partie des actifs naturels n'a pas de substituts (on l'appelle le capital naturel critique). C'est le cas de l’atmosphère polluée par l’excès d’effet de serre ou de l'érosion de la biodiversité ou toute autre partie du capital naturel dont les risques d’irréversibilité (c'est-à-dire pour lesquels aucune réparation ou compensation n'est possible) sont forts : le progrès technique se révèle impuissant pour le remplacer. En revanche il est possible de substituer les autres formes de capital (humain, physique...) au capital naturel non critique. On pourra ainsi définir des seuils pour le capital naturel critique à ne pas franchir sous peine de compromettre à terme le bien-être des générations futures.

Cette approche n'est pas dénuée d’interrogations puisque on peut se demander comment mesurer ces seuils, selon quels critères, et qui choisit ces seuils critiques. Des scientifiques spécialisés ? La population concernée ? Mais n’y a-t-il pas un des acteurs forcément absent : les générations futures ?

Conclusion : La croissance économique ne fait donc pas tout. Elle ne s'accompagne pas nécessairement d'une amélioration du bien-être au sens large, c'est-à-dire qu'elle ne permet pas toujours d'obtenir un plus haut niveau de biens ou de services, obtenus par les différentes formes de capital, technique, humain social ou naturel. Le plus préoccupant aujourd'hui est, pour beaucoup, l'état de ce dernier. La pollution et l'épuisement de nos ressources naturelles nous obligent à agir et à mettre en œuvre des moyens pour préserver ce capital naturel. « Nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants » écrivait Antoine de Saint-Exupéry.

Par quelles actions les pouvoirs publics nationaux ou internationaux peuvent-ils nous inciter à préserver notre patrimoine écologique dans notre intérêt et celui des générations futures ? C'est ce qu'on va étudier dans la section suivante.