ATTENTION :
ce cours correspond au programme de 2013, il n'est pas conforme au programme de terminale de SES en vigueur depuis 2019.
Dans la section précédente, nous avons découvert et analysé les trois ressources nécessaires à la croissance : le travail, le capital, l'innovation. Celles-ci sont universelles, puisqu'on les retrouve dans tous les pays et à toutes les époques, certes à des degrés divers ; ce qui amène une question : pourquoi les rythmes de croissance sont-ils si différents d'un pays à l'autre et d'une époque à l'autre ? Pourquoi les pays aujourd'hui développé ont connu une croissance qui semble auto-entretenu alors de nombreux pays en développement n'ont pas réussi à maintenir sur longue période une forte croissance. C'est que la croissance n'est pas qu'une question « d'ingrédients » qu'il suffirait d'ajouter les uns aux autres comme dans une recette de cuisine. Nous allons voir maintenant ce qu'il faut en plus.
Les modèles de croissance endogène supposent que l’augmentation de la productivité globale des facteurs provient d’une activité économique : « elle ne tombe pas du ciel », contrairement à ce que pensent les économistes néoclassiques. Pour eux, cette augmentation provient de l’accumulation de différents types de capitaux (technologiques, humains, etc.) par des agents économiques qui sont source de croissance. Deux raisons l’expliquent : la productivité de ces agents qui accumulent ces capitaux augmente et d'autres agents économiques (que ceux qui accumulent ces capitaux) en bénéficient sans en payer le prix (ce sont des externalités). Des rendements croissants apparaissent, puisque de nombreux agents économiques perçoivent ces externalités positives : ils permettant une croissance à long terme et auto-entretenue : plus de production et de revenus signifie donc plus de moyens d’accumuler ces capitaux, qui sont à l'origine de plus de croissance, etc. etc.
Quel intérêt économique y a-t-il à financer le système éducatif ? La diffusion de connaissances est certes intéressante en soi, sans doute est-elle même nécessaire, mais sa contribution à la production de richesses paraît pour le moins limitée, voire nulle. Et pourtant les pays développés consacrent tous des budgets importants à l'éducation et les économistes voient dans l'éducation un facteur décisif de la croissance à long terme. Pourquoi ?
Si la formation des individus ne constitue pas une richesse au même titre que les autres biens ou services, elle joue néanmoins un rôle fondamental dans le processus de croissance : elle augmente la productivité du travail. L'éducation n'est donc pas une richesse directe comme un bâtiment ou un litre de carburant, mais en accroissant la productivité des travailleurs de demain elle permet l'augmentation de la production de richesse dans le futur. Plus le système éducatif « produit » de formation, plus la productivité augmente et ce dans l'ensemble des entreprises.
Il y a externalités positives d'où le financement souvent public de cette formation.
De même, le financement public d'un système de santé provient de ces externalités positives. Un population en bonne santé peut plus travailler et de manière plus efficace. Penser aux personnes atteintes du Sida dans certains pays en développement ; une grande capacité de production est perdue. Ainsi, une amélioration du système de soins accroît le nombre d'actifs, leur capacité à travailler et leur productivité … ce qui, là encore, est intéressant pour l'ensemble des employeurs.
Bien sûr, cette intervention de l'État ne correspond pas uniquement à des remboursements de dépenses de santé ou à la rémunération des enseignants. Pour produire ces services, l'État doit investir dans des infrastructures (écoles, hôpitaux notamment). On peut élargir cette idée en évoquant le financement de routes, de ports, de ponts, de centrales électriques, infrastructures de télécommunication etc. qui, du point de vue de l'offre, facilite l'activité des entreprises en rendant moins coûteuse la production, la distribution des biens mais aussi leur approvisionnement. Ainsi, le capital public est un élément important de la croissance économique.
Dernier exemple de capital que nous retiendrons, le capital technologique est essentiel pour comprendre la croissance économique. Nous avons déjà étudier ce capital technologique sous forme de nouveaux procédés de production intégrés aux machines. Vous le savez les innovations de produit sont aussi très importantes pour renouveler la demande et la soutenir. Ces « innovations de produit » permettent de satisfaire de nouveaux besoins, voire de les susciter, au fur et à mesure que le revenu augmente et que les besoins plus « anciens » sont progressivement saturés. La téléphonie mobile, par exemple, a été un moyen de soutenir la demande dans le secteur des télécommunications à un moment où la demande de téléphonie fixe était largement satisfaite – et donc où les possibilités de croissance étaient faibles. Il en va de même pour la mode vestimentaire, qui permet de renouveler « l'envie » de vêtements au fur et à mesure qu'elle est contentée.
Nous pouvons approfondir la question en remarquant que les innovations sont non seulement un avantage pour les entreprises innovantes et les consommateurs mais aussi pour des tiers. Les théoriciens de la croissance endogène montrent en effet que les innovations de produit, de procédé sont souvent liées à des inventions, à des progrès de la connaissance qui peuvent bénéficier à tous. Quand les connaissances se diffusent, elles peuvent s'élargir : dans ce cas aussi, le capital technologique est à la base d'externalités positives qui profitent à tous.
Pour comprendre en quoi les institutions sont fondamentales pour qu'il y ait une croissance économique durable, prenons l'exemple de l'innovation. Le brevet d'invention est une institution qui permet à l'inventeur qui dépose une brevet d'invention de bénéficier seul de son invention : c'est un droit reconnu. Si cette règle n'existait, on peut penser que l'invention serait rapidement copiée par des entreprises pour produire les biens qui lui sont liés. N'ayant pas à financer les coûts de recherche et de développement, ces entreprises « imitatrices » seraient donc plus compétitives que l'entreprise innovatrice et l'élimineraient. Vous imaginez que l'incitation à innover serait très faible. Cette institution du brevet d'invention incite, donc, à inventer, à innover et favorise, par cela, la croissance économique.
D'une manière générale, de nombreuses institutions favorisent la croissance. Certaines sont des réglementations des marchés favorisant la concurrence (interdiction des monopoles, d'abus de position dominantes, etc.), d'autres favorisent la juste répartition des revenus (entre les travailleurs, les apporteurs de capitaux, les banques etc.) qui permet de mieux accepter la compétition sur des marchés concurrentiels. D'autres, encore, concernent l'organisation globale de la société : des institutions politiques et sociales qui favorisent la stabilité sociale et juridique sont nécessaires pour prendre des décisions économiques de production, d'investissement, de formation etc. et mesurer les conséquences possibles des choix faits à un moment donné avec le moins d'incertitudes possibles. Imaginez qu'une entreprise investit pour exploiter le sous-sol d'un territoire et que, quelques temps après, les pouvoirs publics nationalisent les terres en question.
Toutes les institutions qui favorisent donc les échanges (en réduisant les coûts de transaction comme vous l'avez vu en classe de première) et les calculs économiques à long terme sont nécessaires aux activités des agents économiques et à la croissance.
Approfondissons le rôle particulier des droits de propriété. Sans droit de propriété reconnu et protégé par des tribunaux impartiaux, il est évident qu'il n'y aurait pas d'échange marchand puisqu'on pourrait s’approprier les biens d'autrui sans les payer. Sans échange possible, ce sont toutes les activités productives qui seraient bloquées : on ne pourrait plus vendre et obtenir un revenu de sa production. Qu’en est-il du travail effectué par des individus ? Si les individus savaient que le fruit de leur travail pouvait être approprié gratuitement par d'autres, on peut penser qu'ils ne feraient pas d'effort dans leur travail courant et d'efforts de formation. Le capital humain ne serait donc pas valorisé et la croissance serait bloquée.
Vous avez maintenant « fait le tour » de la question de la croissance économique (un petit tour !). Ce que vous devez retenir c'est que la croissance économique nécessite des décisions individuelles (d'embauche, d'investissement), qui elles-mêmes supposent des décisions collectives (choix d'activité des ménages, investissement dans la recherche, dans la formation, …), lesquelles enfin trouvent leur pleine efficacité quand la société présente certaines caractéristiques bien particulières (stimulation de la demande par l'innovation de produits, cadre institutionnel encourageant la recherche, investissements en faveur des biens et de services à externalités positives).
Des conditions très diverses, mettant en jeu des acteurs très nombreux, difficiles à coordonner. Pas étonnant que la croissance économique ait été un phénomène relativement rare à l'échelle de l'histoire humaine : certains auteurs estiment que l'essentiel de la croissance économique a été accomplie au cours des deux derniers siècles ! Pas étonnant non plus qu'elle soit un phénomène très fragile, instable. Ce sont les raisons de cette instabilité de la croissance que vous pouvez découvrir au chapitre suivant.