ATTENTION :

ce cours correspond au programme de 2013, il n'est pas conforme au programme de terminale de SES en vigueur depuis 2019.

CH01. Quelles sont les sources de la croissance économique ? (Attention : programme précédent)

Ce chapitre a un objectif simple, mais ambitieux : vous faire comprendre par quels mécanismes s'opère la croissance économique. Bien entendu, il s'agira d'une présentation simplifiée, mais vous verrez qu'elle est déjà bien approfondie par rapport à ce que vous avez pu étudier en première. Cette analyse sera centrée sur ce qui se passe du côté de la production, c'est-à-dire que nous étudierons principalement les facteurs qui permettent d'augmenter la capacité de production de l'économie. Bien entendu, pour qu'il y ait production, il faut qu'il y ait en face une demande de biens et services, et les fluctuations de celle-ci peuvent avoir un impact sur la croissance économique. Mais cet aspect-là sera étudié au chapitre suivant, consacré à « l'instabilité de la croissance ». Nous allons d'abord essayer de préciser la façon de mesurer la croissance à partir du PIB et ce qu'elle représente par rapport à l'enrichissement de la nation ou l'amélioration du bien-être souvent mesuré par l'IDH. Puis, nous aborderons les mécanismes de la croissance proprement dit, à partir de l'analyse néoclassique que l'on dépassera avec les théories de la croissance endogène, avant de terminer par la mise en évidence du rôle des institutions et des droits de propriété.

Ce chapitre a un objectif simple, mais ambitieux : vous faire comprendre par quels mécanismes s'opère la croissance économique. Bien entendu, il s'agira d'une présentation simplifiée, mais vous verrez qu'elle est déjà bien approfondie par rapport à ce que vous avez pu étudier en première.

Cette analyse sera centrée sur ce qui se passe du côté de la production, c'est-à-dire que nous étudierons principalement les facteurs qui permettent d'augmenter la capacité de production de l'économie. Bien entendu, pour qu'il y ait production, il faut qu'il y ait en face une demande de biens et services, et les fluctuations de celle-ci peuvent avoir un impact sur la croissance économique. Mais cet aspect-là sera étudié au chapitre suivant, consacré à « l'instabilité de la croissance ».

Nous allons d'abord essayer de préciser la façon de mesurer la croissance à partir du PIB et ce qu'elle représente par rapport à l'enrichissement de la nation ou l'amélioration du bien-être souvent mesuré par l'IDH. Puis, nous aborderons les mécanismes de la croissance proprement dit, à partir de l'analyse néoclassique que l'on dépassera avec les théories de la croissance endogène, avant de terminer par la mise en évidence du rôle des institutions et des droits de propriété.

1. De la croissance économique à l'enrichissement des individus

Peut-on dire que, dès lors qu'il y a croissance économique, il y a une hausse du niveau de vie de la population ? La question peut paraître ridicule tellement elle est évidente. La croissance, c'est l'augmentation de la quantité de biens et services produits – dans un pays et sur une période donnée, généralement l'année. Si on produit plus de biens et services, il doit donc y avoir plus de richesses disponibles, au moins globalement. Inversement, on voit mal comment on pourrait être plus riche, c'est-à-dire disposer de plus de biens et services, sans qu'il y ait eu croissance : il faut bien que ces nouvelles richesses aient été produites. Et pourtant, en réalité, les choses ne sont pas si simples, et le lien entre croissance et niveau de vie n'est ni si direct, ni si automatique.

Peut-on dire que, dès lors qu'il y a croissance économique, il y a une hausse du niveau de vie de la population ? La question peut paraître ridicule tellement elle est évidente. La croissance, c'est l'augmentation de la quantité de biens et services produits – dans un pays et sur une période donnée, généralement l'année. Si on produit plus de biens et services, il doit donc y avoir plus de richesses disponibles, au moins globalement. Inversement, on voit mal comment on pourrait être plus riche, c'est-à-dire disposer de plus de biens et services, sans qu'il y ait eu croissance : il faut bien que ces nouvelles richesses aient été produites. Et pourtant, en réalité, les choses ne sont pas si simples, et le lien entre croissance et niveau de vie n'est ni si direct, ni si automatique.

1.1. Comment mesurer l'activité économique ? L’intérêt du PIB, addition des valeurs ajoutées, pour mesurer les activités productives

Vous l’avez vu en première, la valeur ajoutée est la mesure la plus exacte de l’activité productive. En ajoutant les valeurs ajoutées de tous les agents économiques, vous n’ajoutez pas deux fois la même production puisqu’en calculant la valeur ajoutée vous avez enlevez à la valeur de ce que l’entreprise produit tous ses achats de consommations intermédiaires : ces dernières ne sont pas comptabilisées deux fois. Au niveau national (voir la notion PIB pour plus de détails), il faut tenir compte aussi de l’intervention de l’Etat : on évalue en général au prix du marché, il faut donc ajouter à la valeur de production au prix de base (en gros départ usine) la TVA et les taxes du même ordre et enlever les subventions d’exploitation aux entreprises qui réduisent le prix d’achat par rapport au prix du marché. Qu’en est-il de la production de l’Etat et celle toutes les organisations qui produisent des services sans les vendre ? Elles sont intégrées dans le PIB en supposant que ces organisations ne font pas de profit et offrent leur produit qui a pour valeur uniquement l’ensemble des coûts de production. Ainsi, la production réalisée par l’Education nationale est évaluée par l’ensemble des dépenses (personnels, ordinateurs, etc.). Enfin, on pourrait penser que le P.I.B. n'intègre pas l'économie souterraine mais les statisticiens s'efforcent de l'intégrer. Ils tiennent compte de la fraude et de l'évasion fiscale (à partir de données des contrôles fiscaux), du travail au noir. Au total, ces corrections représentaient 6,5 % du PIB en France en 1995 dont 3,8 % pour le travail au noir. Toutefois, les activités illégales ne sont pas mesurées et donc pas intégrées au PIB, tout du moins jusqu'en 2018 en France : à partir de cette date, les activités liées au trafic de stupéfiants devraient être prises en compte dans le PIB.

Vous l’avez vu en première, la valeur ajoutée est la mesure la plus exacte de l’activité productive. En ajoutant les valeurs ajoutées de tous les agents économiques, vous n’ajoutez pas deux fois la même production puisqu’en calculant la valeur ajoutée vous avez enlevez à la valeur de ce que l’entreprise produit tous ses achats de consommations intermédiaires : ces dernières ne sont pas comptabilisées deux fois. Au niveau national (voir la notion PIB pour plus de détails), il faut tenir compte aussi de l’intervention de l’Etat : on évalue en général au prix du marché, il faut donc ajouter à la valeur de production au prix de base (en gros départ usine) la TVA et les taxes du même ordre et enlever les subventions d’exploitation aux entreprises qui réduisent le prix d’achat par rapport au prix du marché.

Qu’en est-il de la production de l’Etat et celle toutes les organisations qui produisent des services sans les vendre ? Elles sont intégrées dans le PIB en supposant que ces organisations ne font pas de profit et offrent leur produit qui a pour valeur uniquement l’ensemble des coûts de production. Ainsi, la production réalisée par l’Education nationale est évaluée par l’ensemble des dépenses (personnels, ordinateurs, etc.).

Enfin, on pourrait penser que le P.I.B. n'intègre pas l'économie souterraine mais les statisticiens s'efforcent de l'intégrer. Ils tiennent compte de la fraude et de l'évasion fiscale (à partir de données des contrôles fiscaux), du travail au noir. Au total, ces corrections représentaient 6,5 % du PIB en France en 1995 dont 3,8 % pour le travail au noir. Toutefois, les activités illégales ne sont pas mesurées et donc pas intégrées au PIB, tout du moins jusqu'en 2018 en France : à partir de cette date, les activités liées au trafic de stupéfiants devraient être prises en compte dans le PIB.

1.2. De la croissance économique à celle du niveau de vie

1.2.1. Une croissance économique forte favorise la hausse du niveau de vie

Il est légitime de se demander, avant d’étudier en détail les facteurs de la croissance, en quoi elle est désirable. Si le PIB augmente, cela signifie que les valeurs ajoutées globalement augmentent. Or, la valeur ajoutée sera utilisée par les entreprises pour payer différentes choses qui seront des revenus pour ceux qui seront payés. Citons seulement les salariés qui travaillent à transformer les consommations intermédiaires en produits finis et les propriétaires des entreprises qui ont avancé ou apporté de l’argent à l’entreprise pour qu’elle puisse fonctionner. Ainsi, le PIB peut être une mesure de l’ensemble des revenus distribués par les unités productives d’un pays. Donc, si le PIB augmente, les revenus augmentent.

Deux précisions cependant. Une partie de la richesse produite sert à payer des revenus à des agents situés à l'étranger : des travailleurs frontaliers qui travaillent en France, des revenus que des travailleurs immigrés envoient à leurs familles restées dans leur pays d'origine, mais aussi et surtout les revenus de la propriété versés à des actionnaires ou des créanciers étrangers. Pareillement, mais en sens inverse, des revenus tirés des productions étrangères sont rapatriés en France grâce à des travailleurs français émigrés à l'étranger ou grâce aux capitaux français investis dans les entreprises étrangères. Le PIB, corrigé de ce double mouvement de revenus, constitue le Revenu National Brut (autrefois appelé PNB) : c'est en effet plus un indicateur de revenu que de production comme le PIB.

La population peut croître en même temps que la richesse produite, voire plus rapidement. Il est évident que plus nombreux on est à se partager la richesse nationale, plus petite est la part dont chacun pourra disposer. L'indicateur de la richesse individuelle est donc plutôt le Revenu par habitant, rapport du revenu au nombre de personnes présentes sur le territoire national, en ayant par ailleurs bien à l'esprit qu'un revenu moyen n'est qu'un indicateur, et qu'il peut recouvrir des situations concrètes très différentes d'un individu à l'autre – en clair, derrière un même revenu par habitant, il peut y avoir des inégalités de revenus plus ou moins grandes entre les individus.

Retenons néanmoins que la croissance du PIB par habitant ou du RNB par habitant reste le meilleur indicateur pour mesurer la hausse du niveau de vie voire la croissance économique à long terme.

1.2.2. La croissance économique et la hausse du niveau de vie dans le monde

Que nous apprennent ces indicateurs sur la croissance économique et la croissance du niveau de vie dans le monde ?

Ils nous apprennent que la croissance économique s'est accélérée à partir du XIXème siècle et qu'elle s'est traduite par une accélération de l'augmentation du niveau de vie … sauf durant la première moitié du XXème siècle du fait des guerres mondiales et de la crise de 1929.

Étudions plus précisément les données sur très longue période et pour les différentes régions du monde, en précisant que bien sûr ces chiffres ne sont que des estimations : ils ne peuvent présenter, partant de 1 500, la « vraie » mesure aussi bien de l'augmentation de production que de celle du niveau de vie … mais ils restent les plus fiables.

Croissance du PIB et du PIB/hab depuis 1500 dans le monde

Taux de croissance annuel moyen (en%)

1500 à 1820

1820 à 1870

1870 à 1913

1913 à 1950

1950 à 1973

1973 à 1998

Europe occidentale

PIB

0,411,652,101,194,812,11

PIB / Hab

0,150,951,320,764,081,78

Europe de l'Est

PIB

0,411,362,311,144,860,73

PIB / Hab

0,100,631,310,764,081,78

Ex-URSS

PIB

0,471,612,402,154,84-1,15

PIB / Hab

0,100,631,061,763,36-1,75

États-Unis

PIB

0,864,203,942,843,932,99

PIB / Hab

0,361,341,821,612,451,99

Pays d'immigration européenne

PIB

0,784,333,922,814,032,98

PIB / Hab

0,341,421,811,552,441,94

Amérique latine

PIB

0,211,373,483,435,333,02

PIB / Hab

0,150,101,811,432,520,99

Japon

PIB

0,310,412,442,219,292,97

PIB / Hab

0,090,191,480,898,052,34

Chine

PIB

0,41-0,370,56-0,025,026,84

PIB / Hab

0,00-0,250,10-0,622,865,39

Asie (sauf Japon)

PIB

0,290,030,940,905,185,46

PIB / Hab

0,00-0,110,38-0,022,923,54

Afrique

PIB

0,160,521,402,694,452,74

PIB / Hab

0,010,120,641,022,070,01

Monde

PIB

0,320,932,111,854,913,01

PIB / Hab

0,050,531,300,912,931,33

Source : A. Maddison, L'économie mondiale, une perspective millénaire, Études du Centre de Développement, OCDE, 2001

Il apparaît net que la croissance du niveau de vie suit celle de la production. Lorsque la production mondiale accélère, celle du niveau de vie accélère aussi ; il en est de même des phases de ralentissement. Prenons les périodes récentes, entre 1950 et 1973, le PIB mondial a augmenté de 4,91 % en moyenne par an et de 3,01 % par an entre 1973 et 1998 ; on constate aussi un ralentissement de la croissance du niveau de vie : augmentation de 2,93 % puis de 1,33 % en moyenne par an.

Comparons maintenant l'Europe occidentale et l'Afrique : l'augmentation du PIB a toujours été supérieure en Europe occidentale qu'en Afrique sauf 1913 et 1950 (deux guerres mondiales et crise de 1929) ; il en est de même pour l'augmentation du niveau de vie. Ces évolutions aboutissent à des écarts considérables de niveau entre l'Europe occidentale et l'Afrique. D'après A. Maddison, en 1820, le PIB par habitant était 3 fois plus élevé en Europe de l'ouest qu'en Afrique et 14 fois plus élevé en 1998 : les inégalités de niveau de vie se sont donc accrues entre ces deux grandes régions et la croissance économique différenciée en est la cause. Mais avant de préciser d'où peut provenir la croissance, apportons quelques précisions sur ce que mesure et ne mesure pas ce PIB par habitant.

1.3. Du niveau de vie à l'IDH

1.3.1. Les limites du PIB/habitant

Bien entendu, le niveau de vie mesuré par le PIB (ou le RNB) par habitant est un revenu moyen et il permet donc de mesurer ce qu'en moyenne une personne peut consommer pour satisfaire ses besoins matériels (se nourrir, se vêtir, etc.). Toutefois, ses limites sont nombreuses : tous les individus perçoivent-ils ce revenu moyen ? Comment ces revenus et cette production ont-ils été obtenus ? Une augmentation des revenus est-elle automatiquement perçue comme une amélioration du bien-être ?

Tout d'abord, un revenu moyen élevé peut cacher de fortes inégalités et donc, ne pas refléter fidèlement le niveau de vie de la population : une petite partie de la population peut très bien percevoir une grande partie des revenus. On met souvent en évidence que ces dernières années une grande partie de l’augmentation du PIB et des revenus aux États-Unis a été perçue par les individus ayant les revenus les plus élevés.

Ensuite, la façon dont cette augmentation du PIB par habitant a été obtenue peut aussi avoir eu des effets néfastes sur la population ou au moins sur une partie d'entre elle. Produire plus peut se faire en exploitant plus que raisonnablement énergies et matières premières (c'est la question du développement durable que vous étudierez dans le chapitre 5) mais aussi en exploitant la main d’œuvre qui peut travailler dans des conditions néfastes pour sa santé (cadences élevées, stress, outils dangereux, poussières, etc.). Dans ces circonstances, les gains en revenu sont, en terme de bien-être, réduits par une détérioration de la santé de travailleurs (handicaps, problèmes respiratoires, etc.).

Enfin, la hausse du niveau de vie peut se traduire par une ponction plus grande de l'État par l'impôt qui peut financer des dépenses qui ne sont pas nécessairement source de bien-être pour la population (achats de matériels militaires par exemple). En dehors de cela, si le niveau de la population augmente, ce qui peut compter aux yeux des individus est leur place relative par rapport aux autres : si le revenu d'un individu augmente mais moins que celui d'autres individus par rapport auxquels il se compare : sa hausse du niveau de vie n'aura pas d'effet positif sur son sentiment de bien-être.

1.3.2. L'intérêt de l'Indicateur de Développement Humain (IDH)

L'IDH a pour objectif de mesurer le niveau de développement humain d'un pays, en quelque sorte le niveau de bien-être de la population. S'il ne tient pas compte des problèmes d'inégalité et d'environnement, il se veut plus qualitatif que le simple PIB/habitant. En plus, du RNB/habitant, il comprend l'espérance de vie et un indicateur de niveau de formation. (voir rubrique « notions » pour plus de détail)

On peut effectivement penser que l'allongement de l’espérance de vie permet à l’individu d’élargir son horizon temporel, lui permet d’avoir des projets à long terme (ce n’est pas une vie au jour le jour) surtout qu’elle est un signe d’amélioration de sa santé qui lui permet d'accroître les possibilités d'activités professionnelles ou autres.

De même, une hausse du niveau de formation développe les possibilités d'activités des individus et favorise leur autonomie. Une individu qui ne sait ni lire ni écrire est dans une situation de dépendance et voit ses possibilités d'activités, professionnelles largement réduites.

Selon les dernières statistiques du PNUD, les pays ayant l'IDH le plus élevé sont la Norvège, l'Australie, la Suisse, la France étant au 20ème rang. Ceux ayant l'IDH le plus faible sont le Niger, le Congo, la République Centrafricaine. A l'énoncé de ces pays, on peut facilement lier le niveau d'IDH avec le niveau de vie de la population du pays. Il existe un lien évident entre les deux : un niveau de vie élevé permet de fiancer plus facilement les infrastructures scolaires et sanitaires, de payer enseignants et médecins … ce qui a un effet en retour sur la croissance économique (voir plus loin, la théorie de la croissance endogène). Malgré tout, un pays qui a un niveau de vie élevé peut très bien décider de ne pas investir dans l'éducation et la santé et avoir un IDH relativement faible. La France a un RNB par habitant plus faible que celui, par exemple, du Qatar, de l'Arabie saoudite, le Koweit ou les Émirats Arabes Unis mais un IDH plus élevé.