Rendements croissants

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Lexique

On dit qu’une production se fait à rendements croissants quand le coût moyen de production diminue au fur et à mesure que la quantité produite augmente.

Définition

Une production se fait à rendements croissants si le coût moyen de production diminue quand la quantité produite s’accroît. Le coût moyen de production est ce que l’entreprise doit en moyenne dépenser pour produire une unité de bien ou de service (on parle aussi de coût unitaire de production ou de prix de revient).

Pour que le coût moyen de production diminue, il faut que la quantité de facteur de production (travail ou capital) nécessaire pour la production d’une unité de bien ou de service soit plus faible, autrement dit il faut que la productivité augmente. L’existence de rendements croissants implique donc que plus l’entreprise produit, plus les facteurs de production sont efficaces.

Comment cela peut-il s’expliquer ?

Il se peut tout d’abord qu’un des facteurs de production ne soit pas divisible, ce qui oblige à en utiliser une grande quantité même quand la production est faible. C’est le cas, par exemple, du local qui héberge un restaurant : impossible d’en réduire la taille si, un soir, le nombre de clients se réduit de moitié ! Le coût de ce type de facteur est un coût fixe pour l’entreprise, elle doit le payer quel que soit le niveau de production. Et quand le niveau de production est bas, une partie de ce facteur « indivisible » est superflue, donc improductive. Inversement, quand le niveau de production augmente, on utilise mieux ce facteur de production (la salle de restaurant se remplit), et son coût peut être réparti sur une plus grande quantité de bien ou de service vendu. Dans cette situation, la théorie économique parle de « rendements factoriels croissants ».

Mais il se peut aussi que l’efficacité de l’ensemble des facteurs de production augmente quand l’entreprise augmente sa taille (c’est-à-dire quand elle utilise plus de travail et plus de capital, pour pouvoir répondre à une demande en hausse). Ce phénomène peut avoir plusieurs explications, mais nous n’en retiendrons que deux, en lien avec le programme de terminale. La première est que l’augmentation de la quantité de facteur permet des combinaisons productives plus efficaces, notamment grâce à une division du travail plus approfondie : plus il y a de travailleurs et de capital, plus il est possible de parcelliser le travail en tâches élémentaires. La seconde est que l’augmentation de la production, au niveau d’une branche industrielle, pas seulement d’une entreprise, améliore la productivité des travailleurs, qui sont d’autant plus efficaces qu’ils ont une grande expérience dans leur activité. C’est ce qu’on appelle en anglais le « learning by doing » (« effet d’apprentissage » en français), ce qui correspond au proverbe français « c’est en forgeant qu’on devient forgeron ». Quand l’augmentation de la taille de l’entreprise ou de la branche industrielle accroît ainsi la productivité de l’ensemble des facteurs et fait baisser les coûts unitaires, la théorie économique parle cette fois de « rendements d’échelle croissants », ou encore « d’économies d’échelle ».

Tendances

De multiples enquêtes statistiques ont largement montré la réalité des rendements croissants dans l'économie contemporaine, toujours à l'origine de structures de marché non concurrentielles, généralement oligopolistiques. C'est notamment le cas pour le secteur automobile, où les dix premiers des cinquante constructeurs mondiaux assurent 70 % de la production totale [1]. L'origine de ces rendements croissants est très variable selon les industries. Dans bien des cas, cependant, elles peuvent s'expliquer par la présence de coûts fixes importants, liés par exemple à des dépenses de recherche préalables, ou à l'utilisation d'équipements importants (machines-outils, réseau de distribution, …). Il s'agit donc de gains d'efficacité liés à une meilleure utilisation de facteurs de production, donc des rendements factoriels croissants. Il y a sans doute aussi des rendements d'échelle croissants, mais ils sont beaucoup plus difficiles à mettre en évidence. On a toutefois de bonne raison de penser que ce type de rendements croissants existe aussi. Toujours est-il que cela incite les entreprises à mener des opérations de concentration ou de regroupement, afin d'atteindre une taille importante qui permet de bénéficier des rendements croissants.

Cependant, dans certains secteurs, il faut prendre en compte les mutations liées à l'émergence de l'Internet dans l'économie, notamment dans l'échange de biens immatériels tels que l'image et le son, ou encore les services en ligne. Non seulement ils ne sont plus " exclusifs " (je peux copier un fichier sans en priver mon voisin) mais de plus ils sont copiables de manière illimitée, pour un coût pratiquement nul. Ainsi, la rareté et le contrôle de ces biens sont remis en cause, et le producteur risque de ne pas pouvoir en maîtriser la diffusion. Dans ce contexte, il n'est pas certain que les économies d'échelle demeurent un passage obligé de la réussite économique. En effet, l'Internet permet d'offrir aux consommateurs une infinité de biens dans un domaine donné, à la dimension du monde, et pour de multiples " niches " du marché. Comme aucune dépense de stockage n'existe, l'offreur peut proposer un très grand nombre d'articles différents en petite quantité chacun ! C'est la notion de " longue traîne " (en anglais, “long tail”) mise en évidence par le journaliste scientifique Chris ANDERSON : la courbe de la demande, décroissante, montre tout d'abord de fortes quantités vendues pour quelques produits (des " best-sellers "), puis des quantités de plus en plus faibles pour de très nombreux produits dits " de niche ".

1 : Données recueillies par l'OICA pour l'année 2007, disponibles sur http://oica.net/category/production-statistics.

Enjeux

L'existence de rendements croissants modifie profondément le fonctionnement de l'économie de marché, et en même temps elle constitue un argument de plus en faveur de l'ouverture au commerce international.

Si dans une branche de l'économie la production se fait à rendements croissants, alors le libre jeu de la concurrence entre les entreprises mène à la constitution d'un monopole, c'est-à-dire à la fin de la concurrence ! En effet, si le coût moyen décroît avec la quantité produite, alors dès qu'entreprise produit un peu plus que sa concurrente, elle produit également moins cher, et peut donc baisser ses prix. Cet avantage de prix lui amène de nouveaux clients, tandis que sa concurrente en perd du fait d'un prix de vente plus élevé. Mais l'entreprise qui a gagné des clients, et donc accru sa production, voit son coût moyen baisser encore, tandis que celle qui a perdu des clients voit au contraire le coût unitaire de ses produits s'accroître. L'écart compétitif entre les deux entreprises ne fait donc que se creuser, jusqu'à la disparition de l'entreprise qui avait un désavantage initial. Il ne reste alors plus qu'une seule entreprise sur le marché, on est en situation de monopole.

Quand l'existence de rendements croissants entraîne ainsi la disparition de la concurrence, la théorie économique parle de monopole naturel. Dans cette situation, beaucoup d'économistes jugent l'intervention de l'Etat justifiée : une entreprise en situation de monopole peut imposer à ses clients un prix de vente élevé, ce qui freine la consommation d'un bien peut-être essentiel au bien-être. Pour éviter cela, l'intervention de l'Etat peut prendre plusieurs formes, par exemple imposer au monopole un prix de vente assez bas, soit fractionner d'autorité le monopole en plusieurs entreprises, soit enfin nationaliser purement et simplement le monopole pour pouvoir contrôler sa politique de prix au nom de l'intérêt collectif.

Parallèlement, l'existence de rendements croissants fait que l'augmentation de la taille du marché entraîne une baisse du coût de production : plus il y a de clients, plus on produit, et moins le coût unitaire est élevé. Il y a donc là une bonne raison pour ouvrir les économies au commerce international : les entreprises auront ainsi accès à un marché plus grand, elles pourront augmenter leur niveau de production, donc réduire leur coût de production et leur prix, ce qui accroît le bien-être des consommateurs. Evidemment, la contrepartie de cette ouverture est la réduction du nombre d'entreprises au niveau mondial, et peut-être même la constitution d'un monopole international.

Cette évolution peut néanmoins être freinée par la tendance des entreprises à différencier leurs produits. Les biens étant moins parfaitement substituables, des écarts de prix peuvent subsister entre eux sans que cela entraîne la disparition du plus cher. Par exemple, une FIAT et une MERCEDES sont difficilement interchangeables aux yeux de beaucoup de consommateurs, ce qui fait que la seconde peut être plus chère que la première sans pour autant perdre ses clients.

Le risque de constitution de monopoles internationaux peut aussi faire l'objet d'une intervention publique supranationale, comme en Europe ou la commission européenne dispose des pouvoirs judiciaires nécessaires pour maintenir la concurrence sur le marché unique.

Indicateurs

Pour vérifier, l’existence de rendements croissants, il faut mesurer l’évolution du coût moyen lorsque la production augmente. La difficulté de la mesure des rendements d'échelle croissants internes tient au fait qu'ils ne peuvent apparaître qu'au bout d'un certain temps : or dans la durée, le changement de dimension s'accompagne le plus souvent de progrès technique, ce qui signifie qu'une baisse des coûts que l'on constate n'est pas forcément due à des économies d'échelle. En pratique, on isole la variation des quantités de facteurs d'une part, et celle des quantités produites d'autre part, de façon à pouvoir comparer leur coefficient multiplicateur respectif. Si le premier est inférieur au second, les rendements sont croissants. Autrement dit, on peut calculer une " élasticité de coût " comme le rapport entre la variation en pourcentage des coûts et celle de la production : si cette élasticité est inférieure à 1, les rendements sont croissants. Ce type d'étude statistique est largement exploité dans les approches dites d' " économie " - ou encore d' " organisation " - " industrielle ", laquelle au demeurant s'intéresse tout autant aux services qu'à l'industrie.

Un indicateur indirect, donc moins précis, est la configuration du marché : s’il est oligopolistique, il y a des chances que ce soit en raison de rendements croissants.

Erreurs Fréquentes

Deux erreurs principales peuvent être commises : d'une part dans l'interprétation des rendements d'échelle, et d'autre part dans celle des rendements d'échelle croissants.

La première porte sur la confusion avec les rendements factoriels, et la seconde avec les rendements de substitution.

Les rendements factoriels désignent une situation dans laquelle un seul facteur varie, tous les autres restant constants. On suppose que ces " intrants " ne sont pas strictement complémentaires, car sinon on ne pourrait pas imaginer que l'on puisse obtenir plus de production en n'en faisant varier qu'un seul ! Comme on estime en général que c'est le travail qui peut le plus aisément être modifié dans des délais courts, c'est lui qui constitue le facteur variable. Raisonnant ainsi en courte période, par opposition à la longue période caractérisée par la variation possible de tous les facteurs, il s'agit alors de comparer la variation du facteur travail à celle de la production obtenue.

On sait que ce type de comparaison passe par le calcul des productivités moyenne et marginale (productivités que l'on peut indifféremment appeler " produit " ou " rendement "). Dès la fin du XVIIIème siècle, l'homme politique et économiste physiocrate français TURGOT (1727-1781) avait exprimé une relation entre les deux variations qui est formulée aujourd'hui sous forme d'une " loi des rendements décroissants " : elle affirme qu'avec des techniques inchangées, l'utilisation d'une quantité croissante d'un facteur de production, tous les autres étant fixes, conduit inévitablement à ce que le produit marginal de ce facteur diminue à un certain moment.

Comme l'illustre l'exemple célèbre de la production de céréales obtenue grâce à un facteur variable (le travail) et un facteur fixe (la terre), on comprend facilement que les rendements factoriels sont souvent d'abord croissants, puis décroissants. Mais ils diffèrent des rendements d'échelle qui prennent en compte la variation de l'ensemble des facteurs de prdouction.

Les rendements de substitution apparaissent quant à eux en longue période, et incorporent du progrès technique. Il s'agit en effet de gains de productivité obtenus par une entreprise qui substitue un input à un autre. Alors que les rendements d'échelle conservent toujours la même proportion de facteurs – pour simplifier de travail (L) et de capital (K) -, il n'en va plus de même ici : avec la substitution d'un facteur à l'autre, le rapport K/L (soit l'" intensité capitalistique " de la production comprise comme le stock de capital par salarié) est modifié.

Cette stratégie de la firme se justifie par le fait qu'une fois atteinte la meilleure division du travail dans le cadre d'un processus technique de production donné (un certain rapport K/L), l'entreprise ne pourra plus augmenter la productivité sans avoir recours à de nouveaux procédés de production, c'est-à-dire une autre combinaison technique entre les inputs, donc un nouveau rapport K/L.

Les rendements d'échelle croissants sont obtenus, rappelons-le, avec la seule augmentation des quantités de facteurs lesquels restent utilisés dans les mêmes proportions, donc avec le même état des techniques. Il en est tout autrement en cas de rendements de substitution, qui signifient que la firme change de processus de production en incorporant un progrès technique qui jusque là était considéré comme donné une fois pour toutes : c'est la fonction de production qui est alors modifiée.

Cependant, dans la mesure où certaines innovations ne peuvent être mises en place qu'à partir d'une taille minimale de l'unité de production, du fait des indivisibilités, les rendements de substitution sont en partie tributaires des rendements d'échelle croissants.