ATTENTION :

ce cours correspond au programme de 2013, il n'est pas conforme au programme de terminale de SES en vigueur depuis 2019.

5. Second débat : déclassement réel ou peur du déclassement ?

Ici il ne s'agit pas d'un débat portant sur les causes de l'importance de la reproduction sociale mais sur l'interprétation de l'évolution de la structure sociale. Précisons tout d'abord de quoi il s'agit d'une manière générale. Le déclassement peut se résumer comme un perte de ce statut social, que ce soit celui de son milieu d'origine, celui que l'on avait atteint ou que laissait espérer le diplôme obtenu. Par contre, la peur de déclassement est la peur de perdre ce statut ou de ne pas pouvoir l'acquérir.

Ici il ne s'agit pas d'un débat portant sur les causes de l'importance de la reproduction sociale mais sur l'interprétation de l'évolution de la structure sociale.
Précisons tout d'abord de quoi il s'agit d'une manière générale. Le déclassement peut se résumer comme un perte de ce statut social, que ce soit celui de son milieu d'origine, celui que l'on avait atteint ou que laissait espérer le diplôme obtenu. Par contre, la peur de déclassement est la peur de perdre ce statut ou de ne pas pouvoir l'acquérir.

5.1. Une tendance au déclassement ?

5.1.1. La stabilisation récente de la mobilité sociale inter-générationnelle

En effet, les données de l'INSEE montrent que, depuis 1983, la proportion d'individus qui ont connu une mobilité sociale stagne à 65 % et, de plus, la mobilité nette qui concernait 43 % des individus ne touche plus due 40 % d’entre eux. De plus, on sait que beaucoup d'individus ont connu non pas l'emploi stable procurant un statut social mais le chômage ou les emplois précaires.

En terme de revenu, cela se traduit par une ralentissement de la progression des revenus entre la situation des pères au même âge qu'eux aujourd'hui (par exemple durant la période des Trente glorieuses) et la progression qu'ils connaissent actuellement.

5.1.2. Les difficultés de la mobilité intra-générationnelle

Du fait de la crise économique et du chômage de masse, une partie de la population n'a pu maintenir son statut social du fait des licenciements. Dans une société comme celle de la France, perdre son emploi peut être source de grandes difficultés étant donné la difficulté de parfois de retrouver un emploi, la durée de chômage étant relativement long et l'accès à un CDI assez difficile. Toutefois, il semble que le risque de déclassement est plus important chez les femmes notamment ouvrières et chez les plus âgés après 50 ans notamment.

Enfin, l'intégration des jeunes sur le marché du travail se fait de plus en plus souvent par le biais d'emplois à durée déterminée. Dans ces situations, le passage par des situations d'emplois précaires et de chômage empêche l'intégration définitive des jeunes ; on peut comprendre que les perspectives d'ascension sociale se font de plus en plus lointaines et incertaines.

5.1.3. Un moindre rendement des diplômes

Le déclassement scolaire correspond, nous l'avons vu, au fait que le diplôme acquis ne permet pas d'obtenir l'emploi qu'il permettrait d'escompter ; il y a donc une sur-qualification des emplois. Ce phénomène est lié, en premier lieu, au chômage de masse qui fait qu'il y a une « file d'attente » dans l'accès aux emplois. Dans cette situation, les employeurs préfèrent prendre les personnes ayant le niveau de formation le plus élevé que les autres : pour les uns c'est l'exclusion du marché du travail et pour les autres c'est le déclassement.

Un autre facteur explicatif est le développement de la scolarisation et la tendance à l'inflation des diplômes que nous avons vu pour expliquer la paradoxe d'Anderson. Le ralentissement de la progression du nombre de cadre et de professions intermédiaires ne permet plus ce qu'avaient en gros obtenu les jeunes entrés sur le marché du travail au début des Trente glorieuses : avoir uniquement le bac ne suffit plus en général pour obtenir un poste de professions intermédiaires et même de cadres.

5.2. Une simple peur du déclassement ?

5.2.1. Une progression du déclassement inter-générationnel qui ne concerne que peu de personnes

D'autres sociologues mettent en évidence que l'évolution n'est pas très sensible et en concerne finalement que peu d'individus. Si la dynamique précédente est cassée, elle est loin d'être inversée : la mobilité nette concerne encore 40 % des individus en 2003. De même, pour d'autres années, les probabilités d'être cadre plutôt qu'ouvrier étaient environ 100 fois plus élevée lorsque l'on est fils de cadre plutôt que fils d'ouvrier en 1985 et 30 fois plus élevée en 2003 (27,52 fois plus exactement comme nous l'avons vu plus haut. L'inégalité des chances a donc fortement diminué entre ces deux groupes socioprofessionnels.

5.2.2. La précarisation ne concerne qu'une marge de la population

Voyons maintenant ce que répondent ces sociologues à l'idée de précarisation et de chômage. Ils font simplement remarqué que le déclassement professionnel ne touche que peur de personnes : environ 1 % des salariés seraient licenciés en moyenne. En ce sens, parler de déclassement dans la société française serait exagéré. Ils mettent en évidence que c'est plus la part du déclassement qui est importante : ce n'est pas le risque effectif de licenciement qui compte chez les salariés mais plutôt l’ampleur des pertes liés à cette situation. Comme nous l'avons vu, le travail est source de de revenus, de protection contre différents risques et d'identité social, perdre cette protection c'est quasiment tout perdre e ce qui fait qu'un individu est intégré à la société.

Pour nuancer cette thèse, il faut préciser que des personne peuvent travailler et perdre leur emploi sans être licencié, lorsqu'ils avaient un emploi à durée déterminée.

5.2.3. Le diplôme protège plus qu'autrefois du risque du chômage

Concernant le déclassement scolaire, ces auteurs font remarquer qu'il n'y a pas une baisse de la valeur des diplômes mais au contraire une augmentation de la valeur des diplômes. Même si c'est contraire à tout ce que l'on entend et à ce que de nombreux sociologues disent. Comment peuvent-ils affirmer cela ?

Pour eux, la valeur des diplômes se mesure entre ceux qui en ont et ceux qui n'en ont pas : il ne faut pas regarder simplement ce que deviennent les titulaires du bac aujourd'hui et il y a 30 ans.

Appliquons cela au risque d'être au chômage si l'on a le bac. Que nous disent les chiffres de l'INSEE ?

En 2012, le taux de chômage des titulaires du bac ou du brevet professionnel était de 10 % et celui des personnes n'ayant pas de diplôme ou seulement le certificat d'études primaires était de 17,1 %. Donc le risque d’être au chômage était 1,71 fois plus élevé quand les individus n'avait pas de diplôme par rapport à ceux ayant le bac. En 1982, les données étaient respectivement de 5,9 % et 7,8 % soit un rapport de 1,3 : la protection apporté par le bac en 1982 était moindre.

Le fait que les diplômes protègent de plus en plus du chômage (y compris le bac comme diplôme le plus élevé) montre une augmentation de la valeur des diplômes et c'est ce qui explique la volonté de chacun de réussir à l'école et d'attendre de plus en plus de l'école.


Conclusion : Sous la question de la mobilité sociale, il y a donc des enjeux : comment les individus vont-ils accéder aux positions socialement valorisées ? Est-ce sur la base des mérites personnels ? Est-ce en fonction de l'origine sociale ? Vous avez là les deux pôles possibles. Mais la réalité conjugue les deux. L'origine sociale pèse encore largement mais des choix, des stratégies individuels sont toujours possibles. Ainsi les inégalités qui différencient et hiérarchisent les groupes sociaux entre eux sont pour une part " héritables ". La question qui se pose est alors une question de légitimité : est-il juste qu'il en soit ainsi ? C'est à chaque société de le dire en fonction des valeurs qui la sous-tendent. Voyons comment les sociétés démocratiques abordent cette question.