Adam Smith (1723-1790) est le premier économiste à avoir mis en évidence le lien entre division du travail et gains de productivité du travail, c’est-à-dire hausse de la productivité du travail. La division du travail est une décomposition du processus de production en un certain nombre de tâches partielles, qui s’accompagnent de spécialisation lorsque ces tâches partielles sont confiées à des personnes différentes.
Il montre, à travers son célèbre exemple de la manufacture d’épingles, qu’en divisant la fabrication d’un produit en tâches bien distinctes, la productivité du travail des ouvriers augmente fortement et ce pour trois raisons :
L’organisation scientifique du travail (OST) mise au point par l’ingénieur américain Frederic Winslow Taylor (1856-1915) à la fin du XIXe siècle, par la suite approfondie et amendée par Henry Ford, s’est imposée comme la modalité exemplaire de l’organisation du travail des sociétés capitalistes industrielles avant de faire l’objet de critiques qui ont conduit à l’introduction d’organisations post-tayloriennes du travail. Par organisation du travail, on entend ici l’ensemble des dispositifs et mesures de coordination des tâches liées à la production dont le but est d’améliorer ou de rationaliser le processus productif.
F.W.Taylor (1856-1915), ingénieur américain, a cherché à rationaliser le travail c’est-à-dire à adapter au mieux des moyens à des fins. En effet, par son métier d’ingénieur, il constate un penchant naturel des ouvriers à freiner le rythme de travail ce qu’il nomme « flânerie systématique ». En effet, étant les seuls à maîtriser la réalisation de leur tâche, les ouvriers risquent de perpétuer des méthodes traditionnelles, qui occasionnent de nombreux temps morts et sont donc inefficaces, peu productives. Taylor préconise de limiter ces gaspillages en confiant à des experts, des scientifiques, (travaillant dans le bureau des méthodes) le soin d’analyser le travail ouvrier pour en déduire le « one best way », les modes opératoires les plus efficaces en un temps le plus limité possible.
Dansun de ses livres, La direction des ateliers (1911), Taylor expose de manière pionnière l’idée que la gestion des ouvriers et l’organisation du travail au sein des ateliers ne sont pas seulement un savoir-faire artisanal mais relèvent bien d’une science. Par l’expérimentation et l’observation, il est possible de découvrir les méthodes les plus efficaces d’organisation du travail. Le découpage des gestes et des temps productifs, le chronométrage des tâches figurent au cœur de cette organisation scientifique du travail qui se décompose finalement en une double division du travail.
La division verticale du travail vise à séparer strictement les activités d’exécution et les tâches de conception. La conception des produits et de l’organisation du travail est confiée au « bureau des méthodes », composé d’ingénieurs, qui va codifier les gestes des ouvriers, définir la manière de procéder (conception des procédés, choix des techniques, description des tâches, organisation de la production...) et le temps qu’il faut pour chaque opération, pour chaque geste à réaliser.
La division horizontale du travail correspond quant à elle à la décomposition poussée des tâches d’exécution des ouvriers. Chaque phase de la production se voit décomposée en un grand nombre de tâches et gestes, les plus élémentaires, les plus simples possibles (définis par le bureau des méthodes). Cette parcellisation des tâches s’accompagne d’une spécialisation des ouvriers sur les tâches ainsi décomposées.
Retrouvant les résultats classiques de Smith, Taylor montre que cette division horizontale doit générer des gains de productivité grâce à l’amélioration de l’efficacité et l’habileté dans chaque tâche, et grâce aux pertes de temps évitées (changement de poste et de tâche).
De plus, la mise en œuvre de schémas incitatifs de rémunération, scientifiquement fondés, est nécessaire pour motiver les ouvriers. Le travail ouvrier perdant son caractère artisanal, devenant moins autonome et plus répétitif ne peut engendrer de la satisfaction : seule une rémunération incitative peut pousser à accepter le travail et les cadences imposées. Pour cette raison, le salaire au rendement s’impose : à chaque tâche correspond un temps d’exécution, scientifiquement défini ; le chronomètre détermine alors la rémunération de l’ouvrier en écart au temps de référence (système des « boni »), ce qui nécessite une surveillance réalisée par des chronométreurs et plus largement par des contremaîtres.
Enfin, la coordination et le contrôle du travail se font au moyen de la hiérarchie fonctionnelle. Cette dernière consiste en une multiplicité de lignes hiérarchiques. Selon Taylor, l’ouvrier doit avoir autant de chefs spécialisés que l’on peut distinguer de fonctions différentes impliquées par son travail : un pour son rythme de fabrication, un pour ses outils, un pour ses affectations...
Cette organisation du travail permet d’améliorer la productivité du travail qui fait d’ailleurs plus que compenser la hausse des salaires. Ainsi, en appliquant cette organisation du travail dans la Midvale Steel Company, une aciérie de Pennsylvanie dans laquelle Taylor travaillait comme chef d’équipe puis ingénieur, elle est multipliée par 4, soit une hausse de 300 %. Ces gains de productivité permettent notamment de financer des hausses de salaires (de 60 % environ passant de 1,15 à 1,85 dollar par jour) en baissant les coûts de production.
Les propositions de Taylor ont connu un grand succès et ont appliquées au XXe siècle dans de nombreuses entreprises de secteurs d’activité très divers. C’est Henry Ford (1863-1947) qui leur apporte la célébrité en en en transformant certains aspects dans ses usines automobiles de Detroit.
Le travail à la chaîne est le changement fondamental du point de vue de l’organisation du travail : l’utilisation d’un convoyeur à partir de 1913 amène les pièces au poste de travail. Ce ne sont donc plus des ouvriers qui sont en charge de la circulation des pièces entre les postes mais la chaîne qui les convoie automatiquement. Les manœuvres se voient ainsi remplacés par la machine, les déplacements des ouvriers étant encore plus limités. L’introduction de la chaîne permet par ailleurs un contrôle plus étroit des cadences de travail, désormais imposées par la chaîne. Auparavant, il fallait 12 heures 28 minutes pour monter un châssis de la célèbre automobile Ford, le modèle T. contre 1 h 33 en 1913 notamment grâce à l’utilisation du convoyeur.
La standardisation et la production de masse est une autre modification importante. Le nombre de produits fabriqués est limité (« les gens peuvent choisir n’importe quelle couleur pour la Ford T, du moment que c’est noir » disait Ford !) afin de simplifier la production et la réparation. Cette standardisation permet d’éviter les changements d’organisation du travail et favorise l’exploitation au maximum des économies d’échelle. En diminuant considérablement les coûts de production, elle rend massivement accessible des biens de consommation nouveaux.
Une autre innovation importante apportée par Ford est le « five dollars day ». Ford augmente les salaires qui passent de 2,34 $ par jour à 5 $. Les conditions de travail imposées par la chaîne génèrent en effet des souffrances lourdes pour les salariés et provoquent un turnover très important : en moyenne, les ouvriers ne restent que trois mois dans les usines Ford. Et c’est notamment afin de limiter ce turnover et conserver sa main-d’œuvre que Ford met en place cette politique salariale généreuse en doublant donc le salaire journalier.
La Première Guerre mondiale donnera un élan nouveau à l’organisation scientifique du travail dont le fordisme fait désormais partie. Elle va s’imposer et se généraliser à l’ensemble de la grande industrie aux Etats-Unis, à une période où les besoins industriels requièrent une forte rationalisation de la production. En France, l’OST s’implante également à partir de cette période, bien que plus progressivement, notamment dans l’industrie automobile. L’organisation fordiste va s’imposer dans les Trente Glorieuses en proposant un partage des gains de productivité entre salariés et détenteurs du capital des entreprises plus favorable au travail et où les rémunérations sont indexées sur les gains de productivité (on parle de « compromis fordiste »). Mais ces organisations tayloro-fordiennes vont peu à peu être remises en cause à partir des années 1960, ouvrant la voie à de nouvelles formes d’organisation du travail … même si elles semblent se développer, sous de nouveaux aspects, dans certaines activités de service comme les centres d’appel ou la restauration rapide.
Les dysfonctionnements du taylorisme et du fordisme liés à la moindre acceptation des conditions de travail par des ouvriers plus instruits et mieux formés, ainsi que la diffusion de nouvelles technologies (automatisation, robotisation…) ont conduit à la mise en place de nouvelles organisations du travail.
Ces changements s’effectuent d’abord dans le sens d’une limitation du travail répétitif afin de redonner de l’intérêt au travail avec :
Ces formes d’organisation du travail vont, vous le voyez, chercher à impliquer et valoriser davantage les salariés, afin de susciter leur intérêt, leur motivation … et accroître ainsi leur productivité.
Pour cela, il faut enrichir les tâches des salariés en leur confiant davantage de responsabilités, de la nouveauté, et également les associer à la prise de décision. C’est le management participatif. Le management participatif consiste à impliquer et faire participer les salariés aux prises de décision. Il repose sur les principes d’autonomie, de qualité, de responsabilité.
Dans ce cadre, les salariés travaillent davantage collectivement en groupes autonomes ou semi-autonomes pour déterminer la meilleure manière d’organiser le travail, d’améliorer la qualité des produits réalisés, ou de réfléchir à une amélioration des conditions de travail. Les ouvriers souvent nommés opérateurs acquièrent plus de responsabilité, l’autorité hiérarchique s’assouplit.
Dans les année 1980, apparaît un besoin de diversification de la production, lié à une demande de plus en plus différenciée des clients et à l’exigence d’une compétitivité hors-prix. Cela est lié à la hausse du niveau de vie (diversification de la demande) et à l’ouverture économique internationale. D’autres méthodes de production et donc d’organisation du travail apparaissent : le juste-à-temps ou le toyotisme sont de plus en plus suivis. Ce type d’organisation du travail vise à réduire les stocks, car ils sont coûteux (certains produits pouvant ne pas trouver acheteurs), et pour cela à produire en fonction de la demande. Cela se fait grâce au kanban (informations qui circulent de l’aval vers l’amont de l’entreprise) ou grâce à des machines reprogrammables. Les ateliers de l’amont sont prévenus par les ateliers de l’aval et en bout de chaîne par le service commercial de ce qu’il faut produire. Le principe d’autonomisation est une autre caractéristique du toyotisme. Elle a pour fonction de réduire les coûts liés aux pannes ou aux défauts de qualité. Les équipes de production , les ouvriers, ont le pouvoir d’arrêter le processus de production en cas de problème : c’est le « zéro papier ». (Stratégie des 5 zéros : zéro stock, zéro papier, zéro papier, zéro délai, zéro panne) On est loin des principes de l’organisation scientifique du travail ! Elles ont aussi le devoir de proposer des améliorations dans le processus de production ce qui s’est traduit par ce que l’on a appelé en France les cercles de qualité. On retrouve ici une idée forte du management participatif.
Les modèles post-tayloriens sont en fait très divers mais, souvent, cherchent une plus grande flexibilité du processus de production ce qui demande une capacité d’adaptation de la main d’œuvre et une participation accrue de la main d’œuvre. L’intensité du travail ne provient pas de la pression de la hiérarchie (contre-maître ou agent de maîtrise ou dans le vocabulaire actuel) mais plutôt des exigences des consommateurs sur ce qu’il faut produire : quantités à produire bien sûr mais aussi types de produits. Elle nécessite donc l’implication des salariés dans la capacité à répondre aux besoins des clients.
Les conditions de travail recouvrent les aspects matériels (contraintes physiques, conditions sanitaires, etc.), organisationnels (temps de travail, rythme de travail, autonomie et marge de manœuvre, etc.), et psychosociaux (relations avec les clients, la hiérarchie et les collègues, sentiment d’utilité, etc.) dans lesquels est exercée l'activité professionnelle des travailleurs.
Le travail a de nombreux effets, positifs ou négatifs, sur la santé physique et psychique, et c’est son organisation qui peut permettre de l’améliorer ou la fragiliser. Par exemple, avoir les moyens de faire un travail de qualité est facteur de bien-être psychologique ; de même, les conséquences négatives du port de charges lourdes (douleurs, fatigue notamment) sont atténuées si l’organisation du travail laisse du temps pour réaliser les bons gestes, limite leur répétition et aussi s’il existe un collectif de travail sur lequel s’appuyer pour aider dans l’effectuation des gestes les plus dangereux par exemple. À l’inverse, de mauvaises conditions de travail peuvent engendrer des troubles variés : sentiment de dévalorisation voire dépression, fatigue, usure, troubles musculo-squelettiques ou cardio-vasculaires, cancers, accidents, etc.
Dès les années 1960 se manifeste une opposition croissante à l’organisation tayloro-fordiste du travail. Eclaté en tâches interchangeables, le travail devient impersonnel, anonyme, ennuyeux et n’assure plus l’intérêt et la satisfaction dans le travail de nombreux ouvriers. La diminution des tâches manuelles d’exécution et la multiplication des tâches d’analyse, de supervision … accroît la distance du travailleur à l’objet de son travail. Par ailleurs, l’ouvrier perd en créativité, en culture technique, en savoir-faire artisanal, en capacité d’élaboration de solutions, pour être confiné à l’exécution de consignes définies et contrôlées par d’autres. Il n’intervient qu’à une étape donnée de l’élaboration du produit, répétée à longueur de journée, ce qui produit un sens d’inachèvement (le travailleur n’a jamais l’impression d’achever le produit). Le travail passe d’un travail qualifié où l’ouvrier, à la manière de l’artisan, maintenait un contrôle sur la définition et la réalisation de sa tâche productive et avait en vue l’achèvement du produit, vers un travail parcellisé, dénué de responsabilités et d’intérêt et générateur de souffrances : la séparation entre conception et exécution engendre un sentiment de dépossession de son travail, c’est-à-dire une aliénation dans le travail.
Cette « crise » va contraindre les entreprises à introduire des modifications profondes dans l’organisation du travail, en relâchant certaines des contraintes du tayloro-fordisme et en cherchant à éliminer certains des désavantages de la chaîne.
Les nouvelles formes d’organisation ont des effets significatifs sur les conditions de travail. En remédiant, comme nous l’avons vu, à certaines limites du modèle taylorien, par la participation des salariés, la polyvalence ou la recomposition des tâches, ces organisations ont permis davantage d’autonomie dans le travail, favorisant l’esprit d’initiative. Ces formes d’organisations conduisent ainsi à une augmentation du niveau de qualification des salariés. En donnant plus d’autonomie aux travailleurs et en prêtant plus d’attention à leur parole, les groupes semi-autonomes ou les cercles de qualité contribuent à la reconnaissance des travailleurs à travers leurs expériences et leurs savoirs. La polyvalence et la rotation des postes permettent à chaque travailleur de diversifier ses interventions qui portent ainsi sur différentes phases de l’élaboration des biens ou des services ce qui leur donne une vision plus large du processus de production auquel il participe. De même, l’individualisation des rémunérations permet d’une certaine façon de prendre en compte plus spécifiquement – donc plus équitablement en théorie – la contribution et l’engagement de chacun. Par ailleurs, ces organisations ont permis de réduire un peu la pénibilité physique du travail, les nuisances et certains risques toxiques. Par exemple, l’automatisation des ateliers de peinture dans l’industrie automobile a permis de supprimer ces tâches dangereuses.
Cependant, un certain nombre de travaux d’économistes, de sociologues et d’ergonomes mettent en évidence une intensification des rythmes et des contraintes qui pèsent sur le travail.
Les nouvelles formes de management et d’organisation du travail qui s’imposent à partir des années 1980, aux côtés des mutations technologiques et de l’intensification de la concurrence, ont profondément transformé les conditions de travail dans le sens d’une intensification du travail. La plus grande flexibilité de l’organisation, la responsabilisation croissante des salariés face à des contraintes d’objectifs toujours élevées, la production en flux tendus dans un jeu concurrentiel qui exige une adaptation permanente… exercent une pression plus forte sur les salariés, qu’il s’agisse des cadres chargés de s’adapter rapidement aux évolutions du marché que des échelons inférieurs appelés à devenir plus mobiles, plus dépendants des rythmes de travail imposés par la direction. De plus, la polyvalence parfois exigée peut donner un sentiment de dévalorisation du travail fait, les travailleurs pouvant faire toutes les tâches ne demandant finalement que peu de savoirs spécialisés.
Les enquêtes « Conditions de travail » de la DARES (service statistique du ministère du travail) permettent de suivre l’évolution des contraintes, des efforts et des risques ressentis par les salariés dans le temps long. On observe que la part des salariés déclarant subir des contraintes sur le rythme de travail s’est accrue de manière continue, bien que l’on note une récente stabilisation depuis 2013. Ainsi en 2016, plus de 35 % des salariés déclaraient subir au moins trois contraintes de rythme de travail. La hausse se poursuit en particulier pour les ouvriers non-qualifiés. Entre 1978 et 2016, la part de salariés déclarant être contraint dans leur rythme de travail par une demande extérieure (par les contraintes du marché plutôt que les contraintes hiérarchiques de la firme) a augmenté de manière continue, passant de 34 % à 70 %. Ainsi, les contraintes de nature taylorienne s’effacent peu à peu par rapport à celles résultant du toyotisme ; cependant, les principes tayloriens continuent d’imprégner, sous des formes variées et pour des catégories de salariés particulières, nombre d’organisations du travail.
Ainsi, la proportion de salariés déclarant travailler à la chaîne ou avoir un rythme de travail imposé par la cadence d’une machine a continué d’augmenter fortement depuis les années 1970. Les ouvriers restent bien sûr les plus touchés : en 2016, 32 % des ouvriers travaillent sous contrainte automatique, contre 1,7 % des cadres… pour qui la proportion a tout de même été multipliée par 6 depuis 1984 même si cela reste marginal.
Le principe du juste-à-temps mis en œuvre avec le toyotisme n’implique pas la libération des contraintes extérieures, mais au contraire une dépendance accrue et une capacité d’adaptation aux exigences des clients. De même, on constate une tendance à la baisse, légère mais continue, de l’autonomie déclarée dans le travail, et ce quelle que soit la profession et catégorie socioprofessionnelle (PCS). Les salariés sont de moins en moins nombreux à « choisir eux-mêmes la façon d’atteindre les objectifs fixés » et à « ne pas avoir de délais ou à pouvoir faire varier les délais fixés ». Notons qu’à PCS égale, les femmes continuent à avoir moins de latitude pour organiser leur travail.
Cette intensification du travail et de ses rythmes, la responsabilisation croissante des travailleurs, la demande d’auto-contrôle, de performance, peuvent être génératrices de souffrances et de pathologies dont certaines prennent de nouveaux visages : stress, burn-out, harcèlement moral... ce que l’on qualifie de risques psychosociaux : « risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental » (Dares). Les enquêtes confirment l’accroissement de la pénibilité physique et mentale. La satisfaction au travail n’a donc pas augmenté avec la diffusion des dispositifs post-tayloriens.
Les maladies qui demeurent les plus fréquentes dans le monde professionnel sont aujourd’hui les troubles musculo-squelettiques (TMS), provoqués par une trop forte sollicitation des articulations. Ils touchent les métiers manuels et répétitifs (OS, caissiers..) : ¼ des ouvriers non-qualifiés sont aujourd’hui concernés par les TMS en France et les femmes un peu plus que les hommes.
On le voit, les organisations du travail ont des effets ambivalents sur les conditions de travail. Même s’ils ont permis d’accorder plus d’autonomie au travailleur, d’enrichir les tâches, de réduire la pénibilité physique du travail ainsi que sa dureté, les modèles post-tayloriens, multiples et hybrides ont tendance à ajouter de nouvelles contraintes sans forcément supprimer les anciennes, ils n’ont donc pas toujours nécessairement amélioré les conditions de travail (intensification, stress, contrôle accru…). Toutefois, pour un bilan plus juste, il peut être intéressant de comparer les conditions de travail en France par rapport à des pays proches : c’est que nous allons faire maintenant.
Une enquête européenne sur les conditions de travail, passée en 2010, souligne la médiocrité des conditions de travail françaises par rapports aux autres pays européens. 27 % des salariés français se déclarent stressés dans leur travail contre 10 % aux Pays-Bas, 12 % au Danemark, 15 % en Finlande ; 54 % déclarent souffrir d’une fatigue générale contre une moyenne européenne de 35 % ; 21 % se déclarent très satisfaits de leurs conditions de travail, alors que 25 % des Européens, 23 % des Espagnols, 29 % des Allemands et 39 % des Britanniques le sont…
Globalement, lorsque l’on classe les pays selon leur rang dans les conditions de travail, la France se retrouve au dernier rang, immédiatement derrière la Grèce, la Slovaquie et l’Allemagne, les pays connaissant les meilleures conditions de travail étant le Danemark et les Pays-Bas. En effet, les salariés en France se déclarent plus que la moyenne européenne exposés à des risques biologiques ou chimiques, au bruit ou températures basse ou élevées. C’est surtout en matière de pénibilités physiques que les salariés français souffrent : manipuler des charges lourdes ou avoir des postures pénibles est particulièrement fréquent puisque 45 % des salariés en France déclarent travailler dans une posture pénible au moins la moitié du temps contre 29 % des autres pays européens ! Cependant, la France est bien classée en matière de longueur de journée de travail, dans le fait de travailler plus rarement que dans les autres pays européens certaines nuits ou certains dimanches.