ATTENTION :
D'après le rapport Stern (du nom de Sir Nicholas Stern : ancien vice président de la Banque Mondiale) remis en 2006 au gouvernement britannique, qui évalue les conséquences économiques du changement climatique, la hausse des températures engendrera des coûts économiques considérables, provoquant une baisse chaque année de 5% à 20 % du P.I.B. mondial et ce, de façon continue. A l'inverse, une action globale ne nécessiterait qu'environ 1% de ce PIB mondial annuel, soit 400 milliards de dollars environ. Il semble donc bien plus rentable pour nous d'agir que de ne rien faire. Ce rapport montre qu'une intervention des États est nécessaire si nous voulons maintenir une certaine qualité de vie pour les générations futures.
Avant de présenter les différents instruments dont disposent les pouvoirs publics, nous allons d'abord expliquer pourquoi les États doivent intervenir et mener des politiques environnementales. Nous nous appuierons sur l'exemple des politiques climatiques pour exposer nos arguments.
On parle de changement climatique pour désigner les transformations du climat de la planète au cours du dernier siècle ainsi que les modifications prévues pour les prochaines décennies.
Même si certains pensent que le rapport Stern surévalue les coûts, les économistes dans leur ensemble s'accordent autour de la nécessité de lutter activement et rapidement contre le changement climatique en mettant en œuvre des politiques climatiques.
Les dérèglements climatiques révèlent l'incapacité des marchés à proposer une régulation pour ce type de biens. Le réchauffement climatique est un bon exemple pour montrer les défaillances du marché. En matière environnementale, le marché est défaillant, dans la mesure où il est confronté à des biens collectifs et à la présence d’externalités négatives
Certains biens ou services, notamment environnementaux échappent au marché. Les biens environnementaux se caractérisent par deux critères : la non exclusion et la non rivalité. Mais rappelons d'abord ce qu'on entend par rivalité et exclusion. Il y a rivalité quand le fait qu’un individu, en consommant un bien ou un service, interdit ou réduit la consommation des autres . Il y a exclusion par les prix quand ceux qui n’ont pas payé pour un bien ou un service ne peuvent pas consommer ce bien.
On peut à partir de ces deux critères, classer l'ensemble des biens comme suit :
Non exclusion | ||
Rivalité | Biens privés : pétrole,voiture, aliments, vêtements... | Biens communs : ressources halieutiques en haute mer, espèces végétales ou animales sauvages |
Non rivalité | Biens de club : parc naturel payant | Biens collectifs purs : couche d'ozone, qualité de l'air |
Précisons l'importance des biens communs dans les questions de l'analyse économique des questions environnementales. Dans cette catégorie, on retrouve les poissons pêchés en haute mer ou dans un cours d'eau, les nappes d’eau souterraines mais aussi les champignons que les promeneurs cueillent dans les forêts publiques, les espèces animales sauvages convoitées comme les rhinocéros, les éléphants...Si des mesures spécifiques ne sont pas prises (instauration d'un droit de propriété, réglementation de leur usage), ces ressources risquent d'être surexploitées et donc de disparaître très rapidement. Ces biens connaissent ce qu'on a appelé la tragédie des biens communs. Ces biens vont être la proie de nombreux agents qui cherchent à les exploiter gratuitement. Garrett Hardin prend l'exemple d'un pâturage communal où tous les fermiers ont intérêt d'amener paître leurs vaches économisant le coût du fourrage sans prendre en charge leur renouvellement. L’accès libre à une ressource limitée pour laquelle la demande est forte mène inévitablement à une surexploitation de cette ressource et, en fin de compte, à son épuisement. Ainsi, l'île de Pâques offre un exemple pour illustrer cette tragédie des biens communs puisque cette île a fait l'objet d'une surexploitation de ses ressources au point de voir sa forêt totalement disparaître. chacun a intérêt à utiliser la ressource pour accroître son profit, puisque personne ne supporte directement le coût de l’usure/l’épuisement du bien commun.
Que faire pour éviter une telle tragédie ? On peut envisager la privatisation de ces ressources communes pour éviter leur surexploitation. C'est une des solutions retenues par Hardin. Une intervention publique contraignant les conditions d'usage collectif de la ressource peut être aussi une autre piste à envisager. Elinor Ostrom, seule femme à avoir reçu en 2009 le prix Nobel de sciences économiques propose une troisième voie entre le marché et l'État. Selon elle, les biens communs sont des ressources dont la gestion peut être confiée au niveau local à une communauté, une coopérative. Elle montre que pour de nombreux biens communs, une gestion collective et solidaire de l’environnement et des ressources est la meilleur des solutions.
D'une manière générale, dès que les biens ne sont pas des biens privés, le marché a du mal a fonctionner et comme c'est le cas des biens environnementaux, les pouvoirs publics doivent souvent prendre part à la gestion de ces ressources environnementales.
Nous ne percevons pas toujours les bienfaits des biens environnementaux (l'air qu'on respire, les paysages qui nous entourent, les abeilles et autres insectes pollinisateurs...). En revanche, nous sommes très sensibles aux nuisances qu'ils produisent.
Le prix de marché ne prend pas en compte les externalités qu'elles soient positives ou négatives. Mais avant d'aller plus loin, il convient de rappeler ce qu'est une externalité.
Une externalité est une conséquence positive ou négative de l'activité d'un agent économique sur un autre agent non prise en compte par le marché pour récompenser ou sanctionner l'agent économique qui en est à l'origine.
Un exemple classique d'externalité est celui de l'apiculteur et de son voisin producteur de fruits. Du fait de leur proximité, les abeilles de l'apiculteur vont butiner dans le verger de son voisin et produire du miel sans que le producteur de fruits n'est été rétribué pour ce service. L'apiculteur bénéficie d'une externalité positive créée par la présence de son voisin. Inversement, l'arboriculteur lui aussi bénéficie d'une externalité positive puisque les abeilles jouent un rôle important dans la fécondation des fleurs des arbres fruitiers, la reproduction de plus de 80 % des espèces végétales dans le monde dépend directement des insectes pollinisateurs. Sans la présence de ces insectes pollinisateurs, l'essentiel de la production de fruits et de légumes pourrait disparaître. C'est pourquoi d'ailleurs la surmortalité des abeilles suscite des préoccupations. Les risques de pertes pécuniaires seraient très élevées pour de nombreuses régions du monde. En 2003, une étude a évalué à 12,9 milliards de dollars australiens soit 9,09 milliards d'euros l'impact économique en cas de disparition des abeilles. Aux États-Unis, où 90 plantes alimentaires sont pollinisées par les butineuses, les récoltes qui en dépendent sont évaluées à 14,9 milliards de dollars. Une étude de chercheurs de l’INRA et du CNRS permet de chiffrer la valeur de l’activité pollinisatrice des insectes, abeilles principalement, à 153 milliards d’euros en 2005 pour les principales cultures dont l’homme se nourrit .
Les dégradations environnementales sont le plus souvent dues à des externalités négatives qui induisent une mauvaise allocation des ressources. Le cas de la pollution industrielle en est un exemple. Les usines qui rejettent des fumées toxiques dans l'atmosphère ou des produits chimiques dans les fleuves, détériorant ainsi la qualité de l'air et des eaux, obligeant dans le dernier cas à construire des stations d'épuration.
Il ne faudrait pas en conclure que les industriels sont les seuls responsables des dégradations environnementales. Les ménages ont aussi leur part de responsabilité dans leurs choix de modes de transport, de chauffage ou lorsqu’ils consomment des produits importés qui augmentent les émissions de gaz à effet de serre. En France, La moitié du CO2 émis dans l'atmosphère est liée à nos comportements quotidiens puisque chaque ménage émet 15,5 tonnes de CO2 par an pour ses déplacements, son chauffage, son électricité, son eau chaude. Mais n'oublions pas qu'un ménage consomme des biens issus de l'activité industrielle et agricole. Il participe donc aussi, de manière indirecte, aux émissions de CO2 liées à la fabrication et au transport des produits et services (source : Ademe, 2008).
Précisons enfin que les prix, les coûts et le fonctionnement libre du marché ne peuvent intégrer ces problèmes.
En effet, vous le savez, qu'elles soient positives ou négatives, les externalités ne sont pas intégrées dans les prix de marché ; ce qui n'incite pas les agents à modifier leurs comportements. En effet, l'offreur qui est à l'origine d'une externalité positive ne sera pas récompensé par des prix plus élevés ou des coûts plus faibles et n'est donc pas poussé à offrir plus de production. Quant à l'offreur qui est responsable d'une externalité négative, il ne vendra pas son produit à des prix plus faibles ce qui ne l'incite pas à réduire sa production.
Prenons l'exemple d'une entreprise qui rejette des substances polluantes dans une rivière pour raisonner en termes de coûts de production. Ce cours d'eau est utilisé par les fermiers, pour faire boire leurs vaches, qui subissent donc un coût du fait de cette pollution. Mais, l'entreprise polluante ne va pas intégrer, dans son calcul de coût, le coût qu'elle fait subir aux autres usagers de la rivière, ici les fermiers ; on appelle, d'ailleurs, ces coûts des coûts sociaux. Elle ne prend en compte que les coûts directement nécessaire à sa production. La conséquence est importante du point de vue de la bonne allocation des ressources et du bien-être de la population puisque si elle tenait compte des coûts sociaux (par exemple en achetant des droits d'utilisation de la rivière), elle serait moins rentable, produirait moins et donc polluerait moins. Mais ce n'est le cas, le marché est inefficace ici.
Conclusion : Les biens environnementaux, comme la qualité de l'eau d'une rivière dans l’exemple précédent, sont pour une partie d'entre eux des biens qui échappent au marché car ils ne font pas l'objet d'un échange au sens économique et n'ont donc pas de prix. Un bien collectif ne peut pas être fourni par le marché. L'existence d'externalités peut conduire à des décisions non optimale car elles peuvent causer des dégradations environnementales. L'ampleur des dégradations sur le climat peut nous faire suggérer que les écarts entre coûts sociaux et coûts privés ne sont pas négligeables. Les mécanismes de marché dans ces situations conduisent les producteurs à produire en surabondance. L’intervention de l’État est donc nécessaire soit pour contraindre soit pour inciter les agents à limiter leurs activités nocives à l'environnement. Pour cela, il peut chercher à faire supporter le coût de l’externalité à celui qui en est à l’origine (on parle d'internaliser une externalité) et ainsi parvenir à une allocation optimale des ressources. Comment ? C'est ce que nous allons voir maintenant.
Les politiques environnementales ont pour objectif de faire évoluer les comportements des consommateurs mais aussi des producteurs. Pour protéger l’environnement, l’État dispose principalement de trois types d'instruments : la réglementation, la taxation et le système de permis échangeables. Ces trois instruments peuvent être classés en deux catégories :
les instruments réglementaires qui reposent sur la contrainte, l'objectif étant d'obliger les agents à changer leur comportement par la réglementation.
Les instruments économiques qui reposent sur l'incitation par un signal prix. L'objectif est ici de modifier les comportements des agents en matière environnementale en internalisant les externalités.
Les principes
Les instruments réglementaires reposent sur la contrainte. Il s'agit ici d'interdire ou d'autoriser certains comportements au moyen de règles et des normes. Ces instruments ne laissent aucun choix aux agents à qui ils sont imposés. En cas de non respect, ces derniers subissent des sanctions administratives ou judiciaires. Parmi ces normes on retrouve :
- les normes d'émissions ou de rejet qui définissent des seuils à ne pas dépasser ou à respecter sous peine sanction. Il y a ici une obligation de résultat.
Ex : Certains produits phytosanitaires ont été complètement interdits, normes d'émissions de polluants pour les véhicules...
- les normes de procédé imposent l'utilisation de technologies spécifiques pour empêcher la pollution ou dépolluer. Ce sont des obligations de moyens.
Exemples : pot catalytique, recyclage des déchets ...
- Les normes de produits qui imposent des caractéristiques et des exigences particulières obligatoires pour un produit.
Exemples : phosphates dans les lessives, teneur en souffre des combustibles, interdiction des gaz CFC dans les bombes aérosols...
Les normes de qualité qui précisent les caractéristiques souhaitables du milieu récepteur des pollutions (niveau de bruit maximum, concentration maximale de nitrates par litre d'eau, ..). Ces normes définissent davantage des objectifs à atteindre qui servent de base aux politiques pour élaborer des normes d'autre type.
Les atouts
La réglementation est la pratique la plus utilisée. Elle s'avère être une mesure très efficace pour les pollutions les plus dangereuses (interdiction de l’activité ou de l’utilisation d’un produit). On peut ici s'appuyer sur l'exemple de l'interdiction des gaz CFC dans les bombes aérosols. Les ChloroFluorocarbones (CFC) sont des produits chimiques de synthèse utilisés dans les aérosols, la climatisation ou la réfrigération seraient en partie responsable du « trou » dans la couche d'ozone, en diminuant la densité de l'ozone, exposant davantage les hommes aux rayons ultraviolets et augmentant le risque de cancer de la peau. C'est par le Protocole de Montréal de 1987 que ces gaz sont interdits dans les aérosols. Ce protocole qui a été ratifié par 180 Etats a permis de diminuer significativement l'usage des CFC ; la concentration de CFC dans la basse atmosphère semble s'amenuiser. Selon un rapport du PNUE, le protocole de Montréal a permis d'éviter des millions de cancers de la peau et de cataractes tout en économisant des milliards de dollars en soins de santé.
Autre avantage : si l'on fait abstraction du pouvoir des lobbys ces normes sont des décisions faciles et rapides à prendre pour les pouvoirs publics : il suffit de publier un décret ou un règlement.
Les principes
Une taxe environnementale vise à inciter les agents économiques à réduire les atteintes à l’environnement en leur donnant un prix. Comme le marché ne donne pas de valeur monétaire aux biens environnementaux gratuits, les États, pour préserver ces biens, peuvent taxer leur usage. L'intérêt de la taxe est d'envoyer un signal-prix clair aux agents économiques. L'objectif est d'augmenter le prix des produits par le biais d'une taxe afin de révéler à l'acheteur le vrai coût de la production en intégrant les coûts externes. On va donc internaliser le coût des externalités afin de modifier le comportement des agents.
Comment ?
Chaque producteur va comparer les coûts et les bénéfices d'une activité polluante. Le coût social est mesuré par le dommage lié aux émissions polluantes. L'objectif de l’État est de faire supporter par l'activité à l'origine de l'émission de polluants tous les coûts de cette activité y compris le coût social subi par les autres agents. Chaque pollueur peut comparer le coût de sa dépollution au montant de la taxe et calculera de production optimale. Le calcul économique le conduira donc nécessairement à réduire le niveau de sa pollution jusqu’à ce que son coût marginal de dépollution égalise le prix de la taxe.
Ce principe a été mis en avant par A. C. Pigou en 1920 plus connu aujourd’hui sous le nom d’écotaxe ou de principe du pollueur-payeur. C'est un instrument-prix car l’État atteint son objectif de quantité de pollution en fixant un prix à l'externalité.
Les atouts
La taxation est un instruments qui présente de nombreux avantages :
- A court terme, la taxe pousse les pollueurs à réduire leurs émissions,
- A long terme, la taxe encourage le recours à de nouvelles technologies plus propres et favorise davantage le progrès technique. Les producteurs paient la taxe sur le montant total de leur pollution. En dépolluant, les entreprises vont chercher des technologies plus novatrices et moins polluantes pour réduire leur fardeau fiscal. L'incitation à réduire leur niveau de pollution sera d'autant plus forte que le coût de la taxe est élevé.
- La taxe permet d'obtenir des recettes fiscales qui peuvent être utilisées à réparer des dommages environnementaux ou qui peuvent être affectées à réduire la pression fiscale sur d'autres facteurs comme le travail par exemple afin de stimuler l'emploi et la croissance. On parle de double dividende.
- La liberté est laissée aux agents économiques pollueurs de faire leur propre arbitrage (polluer et payer ou polluer moins pour ne pas payer la taxe)
Dans la mise en œuvre d’une taxe, les pouvoirs publics ont donc une triple tâche : en fixer le niveau, en organiser la collecte, décider de l’affectation du produit collecté. En France, le projet de « taxe carbone » initié par les concertations de 2007 dites du « Grenelle de l’environnement », répondait à cette logique : associée à l’émission de gaz à effet de serre, cette fiscalité devait concerner les particuliers et les entreprises n’étant pas déjà soumises au marché européen de quotas d’émission, le principe adopté étant celui d’une imposition proportionnelle à la consommation d’énergies fossiles. La loi votée a finalement été censurée par le Conseil constitutionnel puis abandonnée
En revanche, plusieurs pays notamment en Europe ont mis en place une taxe carbone.
Les principes
Les politiques environnementales incitatives peuvent chercher à mettre en place une politique de quantité. Il s'agit de contrôler les quantités de pollution émises par l'instauration de quotas d'émission. La taxe repose implicitement sur l'hypothèse que ce sont les pollueurs qui doivent payer pour la pollution dont ils sont responsables et suppose que les victimes de la pollution ont un droit de propriété sur une situation non polluée et doivent être dédommagés par le pollueur. Cette hypothèse est critiquée par R. H. Coase. Si on contraint le pollueur à payer, les coûts sociaux peuvent être élevés (réduction de la production, pertes d'emploi...). Il serait aussi possible de reprocher aux victimes leurs choix de localisation et de leur demander de compenser les pertes des pollueurs pour les pertes qu'ils subissent en réduisant la pollution. La redéfinition des droits de propriété privée, notamment par l'instauration de droits d'émission et la création d'un marché de ces droits peut se substituer avantageusement à l'établissement d'une éco-taxe.
Le marché des quotas d’émission a pour objectif de contrôler les quantités de pollution émises. Il fonctionne comme tout marché selon le principe d’une libre confrontation entre offre et demande de quotas d’émission. Chaque pays (protocle de Kyoto) ou chaque entreprise (sur le marché européen) dispose d'un droit à polluer qu'ils ne doivent pas dépasser sinon ils devront payer des amendes dont le coût est supérieur au droit à polluer.
Comment fonctionne ce marché ? Prenons l'exemple du marché européen ou Système Communautaire d'Echange de Quotas d'Emission (SCEQE) qui représentait en 2010, 80 % des échanges de quotas dans le monde.
Depuis 2005, chaque entreprise de l’industrie a un quota d’émission fixé. Si elle dépasse ce quota elle doit racheter sur le marché du carbone des droits à polluer et c’est ainsi que sur le marché du carbone s’établit un prix d’équilibre. Le principe est assez simple: chaque année, un quota d'émission de CO2 est alloué à chaque installation (1 quota = 1 tonne de CO2). Si une entreprise émet davantage de carbone que la limite imposée par "l'European Union Emissions Trading Scheme", elle doit alors acheter un "droit à polluer" à une entreprise qui aurait consommé moins que son quota. Inversement, un industriel qui a dépasse son niveau d'émission autorisé devient débiteur. Il doit acheter des «quotas» ou les tonnes de carbone qui lui manquent pour rester en règle et éviter une amende fixée à 100 € la tonne. Sur ce marché, le prix de la tonne de CO2 est déterminé par le jeu de l'offre et de la demande. À partir de ce prix, les agents économiques décident ou non de réduire leur niveau de pollution. Un tel système permet d’inciter les pollueurs à réduire leur niveau de pollution pour ne pas supporter un coût trop important d’achat de quotas d’émission. Il incite également les agents les moins pollueurs à diminuer encore leur niveau de pollution, de façon à bénéficier de revenus supplémentaires liés à la vente de quotas d’émission.
Le prix du quota va dépendre de la quantité de quotas accordée par les pouvoirs publics. S'ils distribuent peu de quotas par rapport aux émissions, les pollueurs sont incités à réduire leurs émissions ou à acheter des quotas. Par ce prix, les pouvoirs publics montrent l'ambition qu'ils se fixent en matière de politique climatique.
Les atouts
- On connaît à l'avance le volume des émissions polluantes
- Le dispositif est souple ; il peut s'appliquer à des individus, des entreprises, des pays.
- Le dispositif s'autorégule puisque les prix des permis droits à polluer varient selon l'offre et la demande
- La pollution baissera sinon le coût de production va s'élever nuisant ainsi à la compétitivité-prix des producteurs.
- Le mécanisme de Développement Propre prévu par le Protocole de Kyoto peut favoriser les pays pauvres les moins pollueurs car ils recevront des capitaux des gros pollueurs en échange de leur droit d'émission, ce qui peut faciliter leur développement économique.
Nous avons vu que la réglementation est un instrument efficace pour lutter contre les pollutions les plus dangereuses. Néanmoins elle présente un certain nombre de limites que nous allons examiner :
- Une des difficultés de la norme est de déterminer le niveau de la norme. Comment fixer le niveau ? S'il est trop ambitieux, l'objectif de réduction des émissions risque de ne pas être atteint. Trop laxiste, la norme risque de ne pas être utile.
- La norme, uniforme, n'est pas toujours l'instrument le plus adapté, en particulier lorsque les sources d'émission sont trop hétérogènes comme par exemple dans le secteur de l'électricité où différents combustibles sont utilisés. Il faudrait donc des normes différenciées dans ce cas.
- L’uniformité de la norme a des effets négatifs sur les petits producteurs qui peut les conduire à la faillite car le coût économique de mise au norme peut leur être fatal.
- si la norme est trop sévère alors les pollueurs peuvent chercher à la contourner en fraudant. Si cette norme n'est pas appliquée au niveau international, les producteurs vont alors délocaliser leur production dans des pays moins exigeants (dans des pollution havens).
Du point de vue économique, elle nécessite un système de contrôle qui peut s’avérer coûteux et difficile à faire fonctionner efficacement. C'est pourquoi les économistes préconisent les outils économiques qui permettent d'atteindre les mêmes résultats mais à moindre coût. De plus, la norme n'incite pas les agents économiques à faire mieux que ce qui est prescrit, contrairement à certains instruments comme la taxe.
Même si la taxe encourage les agents pollueurs à réduire leurs émissions polluantes et incite à utiliser des technologies plus respectueuses de l'environnement pour minimiser le paiement de la taxe, cet instrument n'est pas non plus sans défaut.
En effet, la taxe sera répercutée sur le prix de vente, rendant les produits plus chers, en particulier à l'export ce qui peut se traduire par une baisse de la compétitivité-prix des entreprises locales qui, pour fuir une fiscalité jugée trop lourde et préjudiciable, peuvent être tentées de délocaliser leur production vers des pollution havens, c'est-à-dire des pays où les contraintes fiscales n'existent pas ou sont moins élevées. Dans ce cas, les émissions de carbone ne sont pas supprimées ; elles sont seulement déplacées.
De plus la taxe peut être inéquitable car elle affecte davantage les ménages les plus pauvres qui consacrent une part plus élevée de leur budget aux produits énergivores sans avoir toujours la possibilité d'adopter des comportements de substitution. Les pouvoirs publics peuvent par exemple prévoir une redistribution susceptible de rétablir l'équité entre les différents types de ménages (réduction proportionnelle de l'impôt sur le revenu, crédit d'impôt pour ceux qui ne paient pas d'impôt...).
La taxe est un instrument national qui ne peut répondre aux pollutions transfrontalières. C'est pourquoi, certains économistes considèrent que seuls des instruments d'envergure internationale comme les permis d'émission peuvent être efficace pour lutter contre la pollution atmosphérique.
Malgré leur efficacité les marchés de quotas d'émission rencontrent des difficultés.
En période de difficultés économiques, le ralentissement de la production entraîne un excès de permis d’émission, dont le prix s’effondre. Mais ce n'est pas la seule raison. En effet, dans le marché de quotas de carbone européen, le nombre de permis distribués a été excessif par rapport à la demande conduisant à une chute du cours et à des pertes importantes pour les entreprises qui ont investi dans des technologies plus propres et qui ont subi la concurrence de celles qui n'ont pas dépollué.
La volatilité des prix n’incite pas nécessairement les entreprises à développer des projets d’investissements coûteux et risqués. Elles n'ont pas de visibilité claire pour investir.
Comme le marché européen n'est pas international, imposer des quotas à des entreprises non européennes risquent d'aboutir à des mesures de rétorsion comme le montre l'exemple des crédits carbone européens que devaient acheter les compagnies aériennes. Le transport aérien émet environ 3 % du dioxyde de carbone rejeté par l'homme dans l'atmosphère. La Chine, les États-Unis, l'Inde ou la Russie avaient menacé l'Europe de ne pas commander d'Airbus si cette mesure s'appliquait aux compagnies de leur pays. L’Union Européenne n'a aujourd'hui pas réussi à imposer son mécanisme d’achat de permis d’émissions aux compagnies non européennes.
Un marché de quotas n’est applicable que pour de grandes installations. Or ces installations ne représentent qu’un peu plus d’un tiers des émissions totales. Toutes les autres activités émettrices ne sont pas concernées par le processus d’allocation et quotas, et ne peuvent pas l’être compte tenu de leur taille.
On a tendance à opposer les taxes aux permis d'émission. Loin d'être concurrents, ces instruments peuvent au contraire se compléter et rendre plus efficace la politique climatique. En effet, les système de quotas d'émission ont été plutôt privilégiés au niveau européen ou international. Mais ils peuvent être couplés de manière pertinentes avec des mesures prises au niveau national : normes ou taxes. Ces derniers vont venir renforcer la crédibilité des engagements mondiaux.
C’est pourquoi les taxes semblent plus efficaces pour les sources d’émission diffuses.
Dans la pratique, les pouvoirs publics sont moins confrontés à la difficulté de choisir entre les différents instruments mais davantage au problème de trouver la bonne combinaison entre ces instruments.