ATTENTION :

ce cours correspond au programme de 2013, il n'est pas conforme au programme de terminale de SES en vigueur depuis 2019.

3. Les limites de l’intervention de l’État pour une plus grande justice sociale

3.1. L’intervention de l’État pour lutter contre les inégalités de revenu peut être limitée par des contraintes de nature budgétaire ou fiscale

null
Depuis les années 1970, l’État a un déficit pratiquement constant de ses comptes. On peut prendre notamment l’exemple des comptes sociaux. Ils ont eu tendance à se dégrader du fait d’un effet de ciseaux. En effet, la hausse du chômage qui a démarré dans les années 1970 se traduit par un double effet négatif : l’augmentation du nombre de chômeurs se traduit, d’un côté, par une hausse des dépenses de protection sociale puisque les personnes perçoivent une allocation chômage (dans la limite de leurs droits), mais aussi, dans le même temps, par une baisse du nombre de cotisants et donc une baisse des recettes de la protection sociale. Ce deuxième effet est souvent plus important que le premier. Évidemment cela réduit la possibilité d’aider plus les chômeurs : ouvrir des droits plus larges (avec moins de temps de cotisations par exemple pour mieux protéger les individus ayant des emplois précaires) ou augmenter les allocations chômage. De façon plus générale, l’État a aussi connu un déficit constant correspondant en partie à une logique d’investissement (un État se développe souvent en augmentant ses dépenses) mais aussi à une gestion plus ou moins pertinente des ressources publiques : les gouvernements de droite comme de gauche ont de la peine à réduire la dette publique dans les périodes de croissance pour pouvoir l’augmenter dans les périodes de ralentissement de l’activité économique et donc la dette, qu’il faut rembourser, augmente en permanence réduisant la part des ressources pouvant être consacrée au développement de certains services publics. Enfin, la nature de la fiscalité joue un rôle. On constate, pour différentes raisons (facilité politique : succès électoral pour une baisse des impôts notamment les plus ressentis comme l’impôt sur le revenu) une tendance à la réduction de la part des impôts comme l’impôt sur le revenu ou les impôts sur la succession qui sont progressifs et une hausse des impôts ou des cotisations sociales qui sont plutôt proportionnels comme la TVA ou les cotisations sociales. Le résultat est une structure des prélèvements obligatoires assez peu progressive et qui ne permet que très peu de lutter contre les inégalités de revenu.

Depuis les années 1970, l’État a un déficit pratiquement constant de ses comptes. On peut prendre notamment l’exemple des comptes sociaux. Ils ont eu tendance à se dégrader du fait d’un effet de ciseaux. En effet, la hausse du chômage qui a démarré dans les années 1970 se traduit par un double effet négatif : l’augmentation du nombre de chômeurs se traduit, d’un côté, par une hausse des dépenses de protection sociale puisque les personnes perçoivent une allocation chômage (dans la limite de leurs droits), mais aussi, dans le même temps, par une baisse du nombre de cotisants et donc une baisse des recettes de la protection sociale. Ce deuxième effet est souvent plus important que le premier. Évidemment cela réduit la possibilité d’aider plus les chômeurs : ouvrir des droits plus larges (avec moins de temps de cotisations par exemple pour mieux protéger les individus ayant des emplois précaires) ou augmenter les allocations chômage.

De façon plus générale, l’État a aussi connu un déficit constant correspondant en partie à une logique d’investissement (un État se développe souvent en augmentant ses dépenses) mais aussi à une gestion plus ou moins pertinente des ressources publiques : les gouvernements de droite comme de gauche ont de la peine à réduire la dette publique dans les périodes de croissance pour pouvoir l’augmenter dans les périodes de ralentissement de l’activité économique et donc la dette, qu’il faut rembourser, augmente en permanence réduisant la part des ressources pouvant être consacrée au développement de certains services publics.

Enfin, la nature de la fiscalité joue un rôle. On constate, pour différentes raisons (facilité politique : succès électoral pour une baisse des impôts notamment les plus ressentis comme l’impôt sur le revenu) une tendance à la réduction de la part des impôts comme l’impôt sur le revenu ou les impôts sur la succession qui sont progressifs et une hausse des impôts ou des cotisations sociales qui sont plutôt proportionnels comme la TVA ou les cotisations sociales. Le résultat est une structure des prélèvements obligatoires assez peu progressive et qui ne permet que très peu de lutter contre les inégalités de revenu.

3.2. L’intervention de l’État fait aussi l’objet de critiques quant à sa pertinence ou son efficacité.

null
En effet, des auteurs qui s’inscrivent en général dans un raisonnement économique de type néoclassique ou dans une perspective libérale critiquent l’intervention de l’État quand elle se fait hors des domaines régaliens (justice, sécurité intérieure et extérieure, diplomatie). Pour ce qui nous intéresse ici, ils considèrent ainsi que le système de redistribution est fondé sur une redistribution injuste puisqu’elle modifie la répartition primaire des revenus, la seule légitime à leurs yeux car elle reflète les mérites respectifs des individus dans le champ économique. Dans ce raisonnement, si certains sont plus riches que d’autres, cela est dû à leur plus grande efficacité et leur talent qu’ils expriment sur un marché libre et concurrentiel. Dès lors, il est injuste de redistribuer de façon verticale des revenus. C’est donc une critique assez radicale : le système de redistribution désavantage les individus les plus productifs et avantage les individus qui le sont moins. Le fondement de cette critique repose sur une valeur fondamentale, la liberté ; l’État ne doit pas prendre une partie des revenus sur ceux qui sont les plus efficaces et les mieux rémunérés, c’est contraire à la libre disposition de revenus librement gagnés. Ces auteurs considèrent également que cette intervention de l'État induit des effets pervers notamment à l’autre bout de la hiérarchie des revenus. En effet, si l’individu raisonne en termes de calcul coûts-avantages, il risque de s’enfermer dans le chômage ou la pauvreté, préférant percevoir une allocation sans travailler plutôt qu’un salaire modeste en travaillant. Ces auteurs considèrent ainsi que les allocations chômage ou les revenus d’assistance, trop élevés par rapport aux revenus qu’ils pourraient obtenir en travaillant, créent ce qu’ils appellent des « trappes à chômage » ou des « trappes à inactivité ». Ce sont des situations dans lesquelles la reprise d’un emploi faiblement rémunéré par un allocataire d’un minimum social conduit à une stabilité voire une baisse du niveau de vie, de telle sorte que celui-ci pourrait « préférer » demeurer dans le dispositif d’assistance. Ces revenus sociaux peuvent ainsi désinciter l’individu à fournir les efforts pour occuper un emploi salarié normal et l’inciter à rester dans une situation de pauvreté, d’exclusion et d’assistance. Ils auraient un effet contre-productif. Il faut savoir que cette analyse fait elle-même l’objet de critiques. Car, si l’aspect financier rentre certainement en ligne de compte dans le raisonnement des individus, il n’est pas le seul. Tout d’abord, le travail ne se réduit pas à un revenu et est un facteur central d’intégration sociale (voir chapitre sur les instances d’intégration). La situation d' « assisté » n’est pas confortable, valorisée et recherchée. Les individus préféreraient travailler (ainsi, en France, une partie importante des personnes ne réclament d’ailleurs pas les aides auxquelles elles ont droit). Ensuite, les personnes au chômage de façon durable sont les moins « employables » du fait de leur absence de qualification ou d’autres caractéristiques comme leur âge : si elles ne travaillent pas, c’est souvent lié à l’absence d’employeurs prêts à les recruter. Ce qui est important n’est donc pas le calcul que feraient les chômeurs mais les choix des employeurs. Enfin, pour certaines personnes, l’accès au travail est parfois compliqué pour des raisons matérielles : c’est le cas, par exemple, des familles monoparentales (problème de la garde d’enfants) et des problèmes de transport. Tant que le problème n’est pas pris en compte et résolu, l’accès à l’emploi est difficile. Ces auteurs en déduisent, contrairement aux économistes néoclassiques et libéraux, que la réduction des aides sociales augmenterait les inégalités de revenu et sans réduire celles qui concernent l’accès au travail.

En effet, des auteurs qui s’inscrivent en général dans un raisonnement économique de type néoclassique ou dans une perspective libérale critiquent l’intervention de l’État quand elle se fait hors des domaines régaliens (justice, sécurité intérieure et extérieure, diplomatie). Pour ce qui nous intéresse ici, ils considèrent ainsi que le système de redistribution est fondé sur une redistribution injuste puisqu’elle modifie la répartition primaire des revenus, la seule légitime à leurs yeux car elle reflète les mérites respectifs des individus dans le champ économique. Dans ce raisonnement, si certains sont plus riches que d’autres, cela est dû à leur plus grande efficacité et leur talent qu’ils expriment sur un marché libre et concurrentiel. Dès lors, il est injuste de redistribuer de façon verticale des revenus. C’est donc une critique assez radicale : le système de redistribution désavantage les individus les plus productifs et avantage les individus qui le sont moins. Le fondement de cette critique repose sur une valeur fondamentale, la liberté ; l’État ne doit pas prendre une partie des revenus sur ceux qui sont les plus efficaces et les mieux rémunérés, c’est contraire à la libre disposition de revenus librement gagnés.

Ces auteurs considèrent également que cette intervention de l'État induit des effets pervers notamment à l’autre bout de la hiérarchie des revenus. En effet, si l’individu raisonne en termes de calcul coûts-avantages, il risque de s’enfermer dans le chômage ou la pauvreté, préférant percevoir une allocation sans travailler plutôt qu’un salaire modeste en travaillant. Ces auteurs considèrent ainsi que les allocations chômage ou les revenus d’assistance, trop élevés par rapport aux revenus qu’ils pourraient obtenir en travaillant, créent ce qu’ils appellent des « trappes à chômage » ou des « trappes à inactivité ». Ce sont des situations dans lesquelles la reprise d’un emploi faiblement rémunéré par un allocataire d’un minimum social conduit à une stabilité voire une baisse du niveau de vie, de telle sorte que celui-ci pourrait « préférer » demeurer dans le dispositif d’assistance. Ces revenus sociaux peuvent ainsi désinciter l’individu à fournir les efforts pour occuper un emploi salarié normal et l’inciter à rester dans une situation de pauvreté, d’exclusion et d’assistance. Ils auraient un effet contre-productif.

Il faut savoir que cette analyse fait elle-même l’objet de critiques. Car, si l’aspect financier rentre certainement en ligne de compte dans le raisonnement des individus, il n’est pas le seul.

Tout d’abord, le travail ne se réduit pas à un revenu et est un facteur central d’intégration sociale (voir chapitre sur les instances d’intégration). La situation d' « assisté » n’est pas confortable, valorisée et recherchée. Les individus préféreraient travailler (ainsi, en France, une partie importante des personnes ne réclament d’ailleurs pas les aides auxquelles elles ont droit).

Ensuite, les personnes au chômage de façon durable sont les moins « employables » du fait de leur absence de qualification ou d’autres caractéristiques comme leur âge : si elles ne travaillent pas, c’est souvent lié à l’absence d’employeurs prêts à les recruter. Ce qui est important n’est donc pas le calcul que feraient les chômeurs mais les choix des employeurs.

Enfin, pour certaines personnes, l’accès au travail est parfois compliqué pour des raisons matérielles : c’est le cas, par exemple, des familles monoparentales (problème de la garde d’enfants) et des problèmes de transport. Tant que le problème n’est pas pris en compte et résolu, l’accès à l’emploi est difficile.

Ces auteurs en déduisent, contrairement aux économistes néoclassiques et libéraux, que la réduction des aides sociales augmenterait les inégalités de revenu et sans réduire celles qui concernent l’accès au travail.

3.3. L’intervention de l’État fait enfin l’objet d’une critique fondée sur le fait qu’elle ne profite pas toujours aux plus défavorisés.

null
Certains auteurs mettent en évidence le fait que les moyens mis en œuvre par l’État, en France, ne sont pas toujours utilisés par les populations les plus démunies et donc qu’il existe une forme de « redistribution à l’envers ». On peut notamment illustrer cette idée à travers les dépenses d’éducation. En effet, ces dépenses sont plus élevées en moyenne pour les enfants de cadres que d’ouvriers. Pour 2 raisons. D’une part, les enfants de cadres font en moyenne davantage d’années d’étude que les enfants d’ouvriers. D’autre part, il existe une série de dispositifs scolaires réservés aux élèves les meilleurs et dont le coût est plus élevé (classes bilangues, section européennes, classes préparatoires, IUT…). Or, ces dispositifs, si ils sont ouverts à tous en théorie, réunissent souvent en proportion beaucoup plus d’enfants de cadres que d’ouvriers. On retrouve ce même écart dans l’utilisation des services culturels (musées, bibliothèques, théâtre, etc.) : ce sont bien davantage les classes moyennes que les classes populaires qui consomment abondamment ces services. Ce qui pose la question de leur rôle dans la réduction réelle des inégalités face à l’école et à la culture. Dans le même ordre d’idées, certains reprochent à l’État de davantage déplacer les inégalités plutôt que de les réduire. Là aussi, on peut prendre l’exemple de l’école : l’enfant d’ouvrier a davantage le bac aujourd’hui que 30 ans auparavant mais il s’agit plutôt d’un bac professionnel ou technologique qu’un bac général. On parle dans ce cas de processus de « démocratisation ségrégative ». C’est donc une critique davantage centrée sur l’utilisation des moyens de l’État que le montant de ces derniers. Ainsi, face à la difficulté d’intervention de l’État directement dans le domaine scolaire pour assurer l’égalité des chances, certains sociologues estiment que lutter contre l’inégalité des chances à l’école passe d’abord, aussi ?, surtout ? par une lutte contre l’inégalité des situations en termes de revenus ou d’accès à la culture. L’intervention de l’État, indispensable pour réduire les inégalités, est donc loin d’être exempte de critiques de nature diverse et même opposée. Ce qui renvoie à la question politique. En démocratie, ce sont les électeurs qui décident en dernier ressort des orientations qu’ils considèrent comme les plus souhaitables.

Certains auteurs mettent en évidence le fait que les moyens mis en œuvre par l’État, en France, ne sont pas toujours utilisés par les populations les plus démunies et donc qu’il existe une forme de « redistribution à l’envers ». On peut notamment illustrer cette idée à travers les dépenses d’éducation. En effet, ces dépenses sont plus élevées en moyenne pour les enfants de cadres que d’ouvriers. Pour 2 raisons. D’une part, les enfants de cadres font en moyenne davantage d’années d’étude que les enfants d’ouvriers. D’autre part, il existe une série de dispositifs scolaires réservés aux élèves les meilleurs et dont le coût est plus élevé (classes bilangues, section européennes, classes préparatoires, IUT…). Or, ces dispositifs, si ils sont ouverts à tous en théorie, réunissent souvent en proportion beaucoup plus d’enfants de cadres que d’ouvriers. On retrouve ce même écart dans l’utilisation des services culturels (musées, bibliothèques, théâtre, etc.) : ce sont bien davantage les classes moyennes que les classes populaires qui consomment abondamment ces services. Ce qui pose la question de leur rôle dans la réduction réelle des inégalités face à l’école et à la culture.

Dans le même ordre d’idées, certains reprochent à l’État de davantage déplacer les inégalités plutôt que de les réduire. Là aussi, on peut prendre l’exemple de l’école : l’enfant d’ouvrier a davantage le bac aujourd’hui que 30 ans auparavant mais il s’agit plutôt d’un bac professionnel ou technologique qu’un bac général. On parle dans ce cas de processus de « démocratisation ségrégative ». C’est donc une critique davantage centrée sur l’utilisation des moyens de l’État que le montant de ces derniers.

Ainsi, face à la difficulté d’intervention de l’État directement dans le domaine scolaire pour assurer l’égalité des chances, certains sociologues estiment que lutter contre l’inégalité des chances à l’école passe d’abord, aussi ?, surtout ? par une lutte contre l’inégalité des situations en termes de revenus ou d’accès à la culture.

L’intervention de l’État, indispensable pour réduire les inégalités, est donc loin d’être exempte de critiques de nature diverse et même opposée. Ce qui renvoie à la question politique. En démocratie, ce sont les électeurs qui décident en dernier ressort des orientations qu’ils considèrent comme les plus souhaitables.