L’engagement politique n’est pas que le résultat de comportements individuels détachés des groupes auxquels on appartient : lorsque l’on observe quels types de population s’engagent, on s’aperçoit que certains facteurs socioprofessionnels apparaissent explicatifs. C’est particulièrement vrai pour les catégories socioprofessionnelles et le diplôme en France.
Ainsi, certaines catégories socioprofessionnelles s’investissement plus que d’autres dans l’action politique : on le mesure le plus souvent par l’adhésion à une association ou à un parti politique (sans doute parce que repérer les PCS des participants à une manifestation sera plus difficile...).Les différences observées s’expliquent sans doute dans ce cas par des formes de socialisation secondaire dans le cadre du travail, mais aussi par des capacités et compétences initiales qui ont fait que l’on obtenu tel ou tel statut social: prendre la parole en public, écrire, planifier des actions collectives…De fait, les PCS qui se situent en haut de l’espace social sont souvent surreprésentées parmi les adhérents aux associations, syndicats et partis politiques. En France particulièrement, les cadres et professions intellectuelles supérieures sont plus souvent syndiqués que les autres groupes socioprofessionnels et sont plus nombreux dans les partis politiques. L’enquête SRCV2 (Statistiques sur les Ressources et Conditions de Vie) de 2016 montre ainsi que 9 % des cadres et professions intellectuelles supérieures sont syndiqués, contre 7 % des employés et 5,6 % des ouvriers. Contrairement à une idée préconçue, les employés et les ouvriers sont donc, aujourd’hui, moins souvent engagés syndicalement. En effet, si autrefois la culture ouvrière valorisait l’action collective, l’engagement syndical, aujourd’hui, ce serait moins le cas des nouvelles générations. On peut aussi noter que les professions indépendantes (agriculteurs et artisans commerçants chefs d’entreprise) représentent une proportion d’adhérents plus importante que leur poids relatif dans la population totale.
Pour ce qui est du diplôme, la règle semble malheureusement assez simple : plus le diplôme est élevé, plus l’engagement politique est important. On retrouve ici l’idée d’incompétence politique qui peut être ressentie chez les moins diplômés, les empêchant de participer pleinement à la vie de la Cité. Ainsi d’après l’INSEE en 2013, si le taux d’adhésion à une association est de 20 % pour les non diplômés, il passe à 55 % pour ceux disposant d’un diplôme supérieur au Bac.
À l’évidence, ces variables socioprofessionnelles sont liées au niveau de vie… mais aussi à des positions sociales dans la stratification sociale.
Aux données socioprofessionnelles s’ajoutent désormais d’autre variables, plus démographiques : il existe des liens entre âges, générations, sexe et engagement ou militantisme politique. Il semble en premier lieu exister des âges plus propices à l’engagement politique que d’autres, même s’il est difficile d’établir avec certitude une corrélation entre âge et investissement politique.
Vous l’avez sans doute observé directement : dans les meetings politiques ou les manifestations syndicales classiques, la proportion de cheveux blancs semble assez importante… C’est que l’engagement politique traditionnel est encore largement associé aux catégories plus âgées, installées et stable professionnellement. Les plus jeunes délaissent en général ces formes d’actions ou d’engagements traditionnels. On le voit notamment dans les syndicats : si 3,7 % des salariés de moins de 30 ans sont syndiqués en 2016 en France, c’est le cas de 9,3 % des trentenaires, et de 14,9 % des salariés âgés de 50 ans et plus.
Par contre, les plus jeunes font toujours l’expérience de la mobilisation et de la contestation, souvent dans le cadre des études supérieures. Cela peut commencer dès le lycée, lorsqu’on se mobilise contre une réforme ou pour obtenir de meilleures conditions d’enseignement, puis cela se poursuit en Université, ou l’engagement et les questions politiques peuvent passionner de nombreux étudiants. La plupart du temps, on observe que cette forme d’engagement est plus éphémère, peu encadrée, mais aussi souvent pour des motifs plus concrets. Les valeurs ne sont pas oubliées pour autant ! Les plus jeunes s’intéressent particulièrement aux questions climatiques par exemple (voir le chapitre « Quelle action publique pour l’environnement ? »).
Il faut cependant toujours se demander s’il s’agit d’un effet d’âge ou d’un effet de génération : l’effet âge signifie que le comportement étudié est spécifique à une tranche d’âge et que chaque population atteignant cette tranche aura un comportement similaire. L’effet génération quant à lui signifie que le comportement étudié est spécifique à une génération, qui va conserver ce comportement en progressant en âge. C’est donc l’ensemble d’une cohorte de personnes qui aura un même comportement politique. Ainsi, certaines générations ont été marquées par un engagement politique plus important, du fait de conditions conjoncturelles particulières. Par exemple, bien que cela soit un peu ancien pour vous, vous devez sans doute avoir entendu parler des soixante-huitards, cette génération qui a connu les manifestations étudiantes de 1968 en France. Pour cette génération, plusieurs idéaux ont été forgés dans la lutte (la liberté -notamment la liberté sexuelle-, l’égalité, la reconnaissance des différences, etc.) et ces idéaux ont constitué des repères pour toute la vie des soixante-huitards. Le phénomène n’a pas été que français : Dans de nombreux pays développés, en Allemagne, aux États-Unis, dans les pays de l’Est, de jeunes baby-boomers, issus de la génération née après la Seconde Guerre mondiale, ont voulu en finir avec un monde corseté et trop rigide.
Le sexe est aussi une variable démographique déterminante de l’engagement. D’abord parce que l’engagement politique reste plutôt masculin, ancré dans une pratique ancienne de la vie politique marquée par un combat « viril » sur la scène politique. Il y a donc encore une sous-représentation des femmes en politiques que ce soit à l’échelle de la participation militante ou de l’élue. Cependant, cette situation semble évoluer favorablement, notamment depuis les lois sur la parité, qui imposent sur les scrutins de listes une égalité homme femme parfaite et qui sanctionnent les partis ne présentant pas assez de femmes sur les scrutins uninominaux. Il faut aussi noter que l’engagement associatif est plutôt féminin : si l’on se focalise sur les associations les plus directement liées à un engagement de type politique, on peut constater que les femmes sont plus fréquemment que les hommes adhérentes d’une association relevant de l’action sanitaire et sociale ou humanitaire et caritative ou de la défense de droits et d’intérêts communs. Enfin, dernière particularité plus récente, il y a un nouvel essor de l’engagement politique des femmes centré sur la défense de la condition féminine (avec de nouvelles associations féministes par exemple).