Quand une actrice célèbre vend un de ses baisers à 140 000 dollars…
Un produit rare est cher. C’est la fameuse « loi de l’offre et de la demande » : la rareté du produit signifie qu’il est plus fortement demandé qu’offert (la demande est supérieure à l’offre), ce qui entraîne une élévation de sa valeur et de son prix.
Alors quand un produit est très rare, il peut devenir très cher… L’actrice Charlize Theron* a donné une illustration tout à fait originale de cette « loi » le jeudi 22 octobre 2009 à San Fransisco lors d’une vente aux enchères organisée au profit d’une association humanitaire qui aide les enfants défavorisés d’Afrique du Sud (le pays d’origine de l’actrice). En effet, estimant que la vente ne rapportait pas assez à l’association, et en particulier que les enchères pour un séjour exceptionnel dans son pays natal (comportant des billets pour la Coupe du Monde de football de 2010, un safari et une rencontre avec Nelson Mandela) ne montaient pas assez haut, Charlize Theron a offert un baiser de 7 secondes à la personne qui proposerait de surenchérir. L’actrice a ainsi fait le pari que la mise en vente de ce « produit » unique (son baiser) ferait grimper les prix. Pari gagné ! La rareté de ce « produit » un peu spécial a eu l’effet attendu : les prix se sont envolés !
De 37 000 dollars, les enchères sont soudainement passées à 130 000 dollars ! Mais l’homme qui a fait cette offre n’a pas eu de veine, car Charlize Theron n’a pas hésité a proposé immédiatement un baiser plus long, de 20 secondes, pour faire encore monter les enchères… C’est finalement une femme qui a eu la chance de faire cette acquisition peu commune, au prix plutôt impressionnant de 140 000 dollars !
Pas de doute donc : les baisers de Charlize Theron valent de l’or ! Probablement du fait de leur rareté, mais certainement aussi du fait de leur « utilité », c’est-à-dire la satisfaction procurée au consommateur, ou en l’occurrence ici à la consommatrice (l’heureuse acquéreuse de ce bisou de 20 secondes). Rares et utiles, les baisers de Charlize Theron s’achètent à un prix très élevé sur le « marché des baisers » !
A vous maintenant de décider s’il vous paraît pertinent de commencer à économiser dans l’espoir d’acquérir un jour un des baisers de Zendaya (ou d’une autre célébrité de votre choix) ! Notons d’ailleurs que si toutes les célébrités se mettent à vendre leurs baisers, l’offre va augmenter, ce qui devrait faire chuter les prix. Peut-être pourrez-vous alors acheter le baiser de votre célébrité préférée à petit prix ? Mais peut-être préférez-vous le baiser d’une personne certes moins connue, mais plus sincère ?
* Elle a joué dans les films suivants : Scandale, Atomic Blonde, Mad Max Fury Road, Blanche-Neige et le chasseur, Monster, mais aussi dans la publicité pour le parfum J’adore de Dior.
Quand le petit-déjeuner de Zendaya et de Tom Holland prend une dimension sociologique.
Des œufs pochés, des burritos et des beans.* Plus exactement des beans sur des toasts. En bon britannique, Tom Holland apprécie ces différents mets pour son petit-déjeuner. Il le reconnaît volontiers dans une interview du 16 décembre 2021 (pour Wired).
Ce n’est en revanche clairement pas le cas de Zendaya ! Plus exactement, au cours de la même interview, à l’idée des tartines de beans, elle fait la grimace, et explique sans détour qu’en tant qu’américaine, c’est quelque chose qu’elle ne peut pas comprendre.
Le jeune couple se trouve donc confronté à un conflit culturel à l’heure du petit-déjeuner : Zendaya et Tom s’aiment mais ils ne partagent pas les mêmes coutumes alimentaires, et la première a visiblement un peu de mal à accepter les habitudes du second. Au moment du breakfast, leur culture et leur socialisation familiale respectives les éloignent au lieu de les rapprocher. Ils n’ont pas intériorisé les mêmes façons de faire, de penser et d’être au cours de leur enfance (lors de leur socialisation primaire), et cela crée un « fossé gastronomique » entre eux.
La socialisation secondaire, et plus précisément la socialisation conjugale permettra-t-elle de combler ce fossé ? Est-ce qu’au contact de Zendaya, Tom finira par abandonner ses habitudes et par préférer un petit-déjeuner moins british ? Ou est-ce au contraire Zendaya qui finira par apprécier les curieuses habitudes de son amoureux ? Finira-t-elle par se régaler avec des beans sur des toasts de bon matin ? Sa grimace à l’évocation de ce plat ne présage pas d’une évolution de ses habitudes dans ce sens. Zendaya semble plutôt prête à faire de la résistance.
La socialisation conjugale est pleine de ces petits désaccords et de ces différences de comportements au quotidien. Quand un couple se forme, ce n’est pas seulement l’union de deux personnes qui s’aiment, c’est aussi la rencontre de deux socialisations familiales, voire de deux cultures différentes. Quand « on se met en couple », il faut donc d’abord faire la découverte de ces différences, puis si possible les comprendre, afin de faire des compromis, et d’accepter les habitudes et les usages de l’autre. Il faut apprendre à accepter que l’autre ne range pas toujours les clés à l’endroit le plus logique et/ou le plus pratique, il faut accepter que l’autre soit un « pouitcheur » du tube de dentifrice (alors que c’est tellement mieux de le vider petit à petit, de manière très méticuleuse), il faut accepter que l’autre ne fasse pas la distinction entre le torchon pour la vaisselle et celui pour les mains, il faut accepter que l’autre mange des beans sur des toasts au petit-déjeuner…
Cette tolérance des habitudes de l’autre et ces compromis ne sont pas toujours faciles à obtenir, et supposent souvent de supporter d’abord des énervements et des conflits, comme le montre le sociologue Jean-Claude Kaufmann dans son livre Agacements paru en 2007. Parfois même, ces énervements et ces agacements finissent par l’emporter, et contribuent au délitement de la vie à deux ; le couple finit par se séparer.
Alors afin qu’ils évitent la rupture, souhaitons à Tom Holland et Zendaya un compromis gastronomique : un peu plus de beans dans la vie de Zendaya ? un peu moins dans celle de Tom ? ou des petits-déjeuners partagés mais avec des assiettes séparées ?
* L'œuf poché est un œuf cuit entier, sans sa coquille, dans un liquide frémissant : eau, vin, bouillon ou lait. Les burritos, d’origine mexicaine, ressemblent très fortement aux tacos. Quant aux beans, ce sont des haricots blancs, généralement cuits dans une sauce tomate.
Le « geek dans le fauteuil » de Spiderman serait-il un consomm-acteur du multiverse ?
« Je peux être ton geek dans le fauteuil ? » C’est la question que Ned pose à son ami Peter Parker lorsqu’il découvre l’identité secrète de celui-ci (Peter Parker est Spiderman) et décide de l’aider pour contrer le danger que représente le Vautour (dans Spiderman Homecoming). « Tu sais, il y a toujours un geek dans le fauteuil, avec des écouteurs, qui guide le héros ! » On imagine alors aisément Ned, l’œil rivé sur son écran, suivant les déplacements de son ami super-héros, lui donnant des conseils avisés, et négligeant de se nourrir correctement, préférant les sodas et les hamburgers vite avalés plutôt que des mets équilibrés, se souciant peu de l’impact de sa consommation sur la planète : il faut dire qu’il a quelque chose de plus urgent et important à faire, il doit aider Spiderman à sauver le monde !
Ce portrait ne ressemble toutefois pas à Jacob Batalon, l’acteur qui interprète le personnage de Ned. Loin de ce rôle de geek certes sympathique et enthousiaste, mais un peu immature du premier opus des aventures de Spiderman dans l’Univers cinématographique de Marvel (MCU), Jacob Batalon défend la cause du bien-être animal, se préoccupe de l’avenir de la planète Terre et s’implique pour que l’environnement soit préservé. Ainsi, il opte pour une consommation engagée : il est vegan.
Mais il n’est pas le seul dans le multiverse ! Doctor Strange a un interprète qui a également adopté un mode de consommation engagée : Benedict Cumberbatch est vegan lui aussi. Ainsi, dans la fiction (dans Spiderman No way home), Ned et Doctor Strange ont tous les deux la capacité d’ouvrir des portails pour passer d’un univers à un autre, et dans le monde réel, les interprètes de ces deux personnages, Jacob Batalon et Benedict Cumberbatch expriment tous les deux leur capacité à passer d’un monde de consommation insouciante à un monde de consommation plus réfléchie tenant compte d’externalités positives pour la planète.
Mais ce n’est pas tout ! Toujours dans Spiderman No way home*, un de deux Spiderman qui rejoignent le Peter Parker/Spiderman de Tom Holland dans son univers, est aussi interprété par un adepte du veganisme en la personne de Tobey Maguire. Et si on ajoute que Chris Hemsworth, l’interprète de Thor (qui combat dans le même camp que Spiderman dans Avengers Infinity War et à ses côtés à la fin de Avengers Endgame), est un autre vegan, cela fait potentiellement beaucoup de consommateurs engagés ou de « consomm-acteurs » dans le multiverse !
Mais alors, si les super-héros sont des « consomm-acteurs », les « consomm-acteurs » sont-ils des super-héros ? (à suivre…)
* Le multiverse correspond à l’idée selon laquelle de multiples univers parallèles existeraient en même temps, avec des passages possibles entre ces univers différents. Dans Spiderman No way home, trois hommes araignées, appartenant à des univers différents, se rejoignent dans un même univers et unissent leurs forces pour lutter contre plusieurs ennemis.
Quand Nick Fury faisait un cours de Sciences économiques et sociales pour des jeunes de Seine-Saint-Denis en 2010
Non, aucune invasion Chitauri* n’a eu lieu en banlieue parisienne sans que personne ne s’en aperçoive, et non, Loki* n’a pas secrètement élu domicile dans le « 93 » depuis une dizaine d’années… Mais alors, comment expliquer la présence de Nick Fury* en Seine-Saint-Denis au printemps 2010 ?
En fait, le mardi 13 avril 2010, à Bondy dans le « 93 », c’est l’acteur Samuel L. Jackson (et non pas Nick Fury, le personnage qu’il interprète dans plusieurs films des Studios Marvel) qui a rencontré, lors d'une visite initiée par l'ambassadeur des États-Unis en France, une cinquantaine de jeunes pour évoquer avec eux la question de l’intégration. A cette occasion, par son témoignage et par le récit de sa propre histoire, il a illustré le programme de spécialité SES de première. En effet, son discours a mis en valeur l’importance des 4 types de liens sociaux.
Pour expliquer sa réussite personnelle et professionnelle, et son intégration réussie dans une société américaine au sein de laquelle être noir est souvent un désavantage, Samuel L. Jackson a tout d’abord insisté sur l’importance de la famille et des liens de filiation, en précisant : « Mes parents ont cru très fort en moi et m'ont donné une bonne éducation. »
Ensuite, il a souligné le rôle essentiel de l’école, des groupes de pairs et des liens de participation élective, en rappelant qu’avant d’opter pour le métier d’acteur, il a été scolarisé à Atlanta et a poursuivi des études (d’océanographie), ce qui lui a donné l’opportunité non seulement d’acquérir des connaissances, des savoirs, et des savoir-faire, mais aussi de tisser des liens et de faire des rencontres qui lui ont permis d’avancer dans la vie.
Il a aussi tenu à rappeler d’une manière très appuyée, qu’il est indispensable, pour s’assurer une bonne intégration et faire évoluer les mentalités concernant les populations immigrées ou issues de l’immigration, de ne pas oublier les liens de citoyenneté et de s’emparer de son rôle de citoyen, en allant voter, et en étant convaincu que chaque vote, chaque voix compte et a du poids.
Enfin, il a bien sûr donné l’exemple d’une intégration réussie par le travail et les liens de participation organique, en évoquant son parcours professionnel et sa carrière d’acteur.
Merci M. Jackson pour ce beau cours de SES !
Tout bien considéré, ce n’était pas « Nick Fury le stratège », mais plutôt « Mace Windu** le sage » qui était présent à Bondy ce jour-là : les propos réalistes, mais chaleureux et optimistes du Jedi ont trouvé un écho auprès des jeunes du 93 !
* Nick Fury est un personnage protagoniste de l’univers des Avengers : il s’agit du directeur du SHIELD, une organisation secrète de préservation de la paix sur Terre. A l’inverse, Loki est un personnage antagoniste, un des principaux « vilains », qui a favorisé l’invasion de la ville de New York (au début des années 2010) par les Chitauri, des extra-terrestres belliqueux.
** Mace Windu est un personnage de Star Wars : un puissant maître Jedi, membre de l’Ordre des Jedi, dont le sabre laser est violet, et qui compte Yoda parmi ses amis.
Quand Ed Sheeran revêt le costume d’agent socialisateur
Je ne vous apprendrai rien si je vous dis qu’Ed Sheeran est un chanteur. Et je ne vous apprendrai pas grand-chose si j’ajoute qu’il est un chanteur hyper populaire : il fait des milliards de vues sur youtube, il est régulièrement n°1 des ventes d’albums un peu partout dans le monde, et les billets de ses concerts se vendent en un temps record !
Mais avez-vous déjà envisagé Ed Sheeran comme un agent socialisateur ?
Mais qu’est-ce qu’un agent socialisateur ? Cela n’a pas grand-chose à voir avec l’agent 007 d’une célèbre série de films d’espionnage, ni avec les agents J et K en costume noir et lunettes noires de MIB… En fait, ce terme désigne les individus qui contribuent au processus de socialisation par leur rôle, comme par exemple, les parents, les enseignants, mais aussi les artistes ou les youtubeurs. La socialisation, c’est le processus d’intériorisation, de manière consciente ou inconsciente, des manières de faire, de penser et d’être du groupe social dans lequel on vit.
Etant donné son exposition dans les médias, on conçoit aisément que l’interprète de Bad Habits exerce une influence sur son public. Peut-être avez-vous vous-même déjà eu le sentiment que les textes de ses chansons avaient un impact sur vos manières de penser ? Ou bien, après avoir vu un de ses clips, peut-être vous êtes-vous senti.e libre d’avoir votre propre style vestimentaire ? Ou encore, peut-être l’avez-vous secrètement remercié de contribuer à rendre les roux plus populaires et plus sexys ?
Mais cet impact sur son public, au fond, ce n’est pas ce qui préoccupe le plus Ed… Non, ce qui le préoccupe, c’est l’éducation de sa fille Lyra. Car depuis le mois d’août 2020, Ed Sheeran est papa, et c’est une source de stress pour lui. A tel point qu’il a demandé conseil à des amis pour savoir comment tenir au mieux son nouveau rôle de père. Et quand on est Ed Sheeran, demander conseil à un ami, cela signifie appeler Bono, le chanteur du groupe U2. Car Bono a lui aussi connu la paternité alors que le succès de son groupe ne cessait de croître.
Comment concilier la célébrité, les tournées, l’éloignement du domicile familial d’une part, et la vie de famille et l’éducation des enfants d’autre part ?
- Tout d’abord, en n’oubliant pas que les liens familiaux, les liens de filiation comme les nomme le sociologue Serge Paugam, sont essentiels pour les individus et leur intégration dans la société.
- Ensuite, en ayant conscience que la famille est une instance de socialisation fondamentale, et que c’est en son sein que les enfants intériorisent les normes et les valeurs de la société dans laquelle ils vivent, par imitation, en suivant le modèle de leurs parents, mais aussi par la pratique, en faisant des expériences diverses : faire du sport, aller au cinéma, manger des sushis, des pizzas et/ou du foie gras (mais peut-être pas lors du même repas…), rendre visite à ses grands-parents ou à ses cousins, partir en vacances…
La petite Lyra Seaborn Sheeran, elle, a eu la chance de découvrir Paris alors qu’elle était toute petite ! Car son papa a tenu compte des conseils de son ami Bono et a souhaité que son épouse et sa fille l’accompagnent lors de ses déplacements professionnels, afin d’éviter la rupture de ce lien social primordial : la famille.
Ed Sheeran n’est donc vraisemblablement pas un agent double, mais il a un double rôle d’agent socialisateur : à l’égard de ses fans et de son public (de manière largement inconsciente et involontaire), et bien évidemment, à l’égard de sa fille (de manière beaucoup plus consciente et volontaire).