ATTENTION :

ce cours correspond au programme de 2013, il n'est pas conforme au programme de terminale de SES en vigueur depuis 2019.

Synthèse CH07. Comment rendre compte de la mobilité sociale ? (Attention : programme précédent)

Comme les inégalités structurent la société en groupes distincts hiérarchisés et que les statuts sociaux ne sont pas assignés par la naissance (ils ne sont pas héréditaires), normalement les individus doivent pouvoir circuler entre ces groupes sociaux. Étudier la mobilité sociale, c’est se demander dans quelle mesure les statuts sociaux sont héréditaires. Par ailleurs, on peut penser, comme P. Bourdieu qu’une classe sociale n’existe en tant que classe que si elle a une certaine permanence dans le temps, en particulier pour pouvoir transmettre à ses membres (et aux enfants de ses membres) une culture commune. Par conséquent, plus le système de classes est constitué, plus les résistances à la mobilité sociale va probablement être forte, et inversement. Étudier la mobilité sociale permet donc de compléter la réflexion sur l’existence des classes que nous avons menée dans le chapitre précédent. Avant de présenter l’état de la mobilité sociale en France, nous verrons comment cette mobilité sociale, comment l’importance de l’hérédité sociale peuvent être mesurées. Ensuite, nous expliquerons à la fois l’existence de mobilité sociale en France, et, pourtant d’une tendance à la reproduction sociale.

Comme les inégalités structurent la société en groupes distincts hiérarchisés et que les statuts sociaux ne sont pas assignés par la naissance (ils ne sont pas héréditaires), normalement les individus doivent pouvoir circuler entre ces groupes sociaux. Étudier la mobilité sociale, c’est se demander dans quelle mesure les statuts sociaux sont héréditaires.

Par ailleurs, on peut penser, comme P. Bourdieu qu’une classe sociale n’existe en tant que classe que si elle a une certaine permanence dans le temps, en particulier pour pouvoir transmettre à ses membres (et aux enfants de ses membres) une culture commune. Par conséquent, plus le système de classes est constitué, plus les résistances à la mobilité sociale va probablement être forte, et inversement. Étudier la mobilité sociale permet donc de compléter la réflexion sur l’existence des classes que nous avons menée dans le chapitre précédent.

Avant de présenter l’état de la mobilité sociale en France, nous verrons comment cette mobilité sociale, comment l’importance de l’hérédité sociale peuvent être mesurées. Ensuite, nous expliquerons à la fois l’existence de mobilité sociale en France, et, pourtant d’une tendance à la reproduction sociale.

1. La mesure de la mobilité sociale

1.1. Les différentes formes de mobilité sociale.

1.1.1. Mobilité géographique et mobilité professionnelle

Précisons tout d’abord que nous ne nous intéresserons pas à la mobilité géographique qui est un changement de lieu de profession ou de lieu de vie, la profession restant la même : il n’y a pas forcément de changement de position sociale.

1.1.2. Les différents types de mobilité professionnelle

De manière générale, la mobilité sociale est, pour les sociologues, la circulation des individus d’une société donnée entre des positions sociales dont on sait qu’elles ne sont pas toutes équivalentes, donc qu’elles sont hiérarchisées, car elles ne procurent pas toutes les mêmes avantages, économiques et symboliques. De plus, la position sociale est souvent mesurée par la profession (ou un regroupement de professions) ; c’est pour cela que l’on parle parfois de mobilité professionnelle.

De ce point de vue, on parle de mobilité horizontale lorsque le changement de profession ne correspond pas vraiment à un changement de position sociale dans la hiérarchie sociale ; on parle, à l’inverse, de mobilité verticale lorsque la changement de profession implique un changement de position sociale, vers le haut ou vers le bas de la hiérarchie sociale.
On peut distinguer aussi la mobilité sociale intra-générationnelle (celle d’un individu au cours de sa vie professionnelle) de la mobilité intergénérationnelle (celle d’un individu par rapport à la position sociale de ses parents). La mobilité intra-générationnelle est relativement faible si l’on excepte les tout premiers emplois. C’est donc l’étude de la mobilité intergénérationnelle qui va nous occuper, d’autant qu’elle est bien plus intéressante du point de vue des enjeux dont on vient de parler.

1.2. La mesure de la mobilité sociale par les tables de mobilité : recrutement et destinée

1.2.1. Les tables de destinée

Les tables de destinée sont des tableaux statistiques qui nous renseignent sur ce que deviennent les fils issus d’un groupe socioprofessionnel donné.

Prenons la dernière table de destinée dressée par l’INSEE et regardons un peu comme elle est construite :

Catégorie socioprofessionnelle du fils en 2003 (en %)

Catégorie socioprofessionnelle du père Agriculteur exploitantArtisan, commerçant et chef d’entrepriseCadre et profession intellectuelle supérieureProfession intermédiaireEmployéOuvrierEnsemble

Agriculteur exploitant

226917937100

Artisan, commerçant et chef d’entreprise

1

212224924100

Cadre et profession intellectuelle supérieure

0

6522669100

Profession intermédiaire

0

83333917100

Employé

0

722281726100

Ouvrier

1

810231246100

Ensemble

4

919241134100

Champ : hommes, actifs occupés ou anciens ayant eu un emploi, âgés de 40 à 59 ans, en mai 2003

Source : INSEE

Vous observez d’abord qu’elle concerne des hommes suffisamment âgés en 2003 pour que leur profession corresponde à leur milieu social. On les a interrogés sur la profession de leur père. Pourquoi les hommes uniquement ? Simplement parce que les femmes qui étaient aussi nombreuses à êtres actives que les hommes en 2003 avaient des mères qui elles étaient bien moins nombreuses à êtres actives : la comparaison entre position sociale de la mère et celle de la fille n’aurait pas eu beaucoup de signification sociologique. Remarquons que plus le temps passe et plus les tables de mobilité féminine ont un sens. Souvent aussi on ne tient pas compte des immigrés car la position sociale du père (qui vit dans un autre pays) est mal connue et correspond à une structure socioprofessionnelle très différente de celle de la France.

Quoi qu’il en soit, les chiffres obtenus se lisent de la manière suivante : en France, 9 % des fils, âgés de 40 à 59 ans en 2003, qui avaient un père « agriculteur exploitant », étaient devenus « cadre ou profession intellectuelle supérieure ». Ce chiffre répond donc à la question : que sont devenu les fils d’agriculteurs exploitants ?

1.2.2. Les tables de recrutement

Les tables de recrutement nous renseignent sur l’origine sociale des individus composant un groupe socioprofessionnel : pour cela, en gardant les mêmes principes méthodologiques que pour les tables de destinée, on va se demander d’où viennent, socialement, les ouvriers, les cadres, etc. Le tableau suivant nous l’indique :

Catégorie socioprofessionnelle du fils en 2003 (en %)

Catégorie socioprofessionnelle du père

Agriculteur exploitant

Artisan, commerçant et chef d’entreprise

Cadre et profession intellectuelle supérieure

Profession intermédiaire

Employé

Ouvrier

Ensemble

Agriculteur exploitant

88

12811131816

Artisan, commerçant et chef d’entreprise

2

29141210912

Cadre et profession intellectuelle supérieure

1

6249528

Profession intermédiaire

1

1020169611

Employé

1

711111479

Ouvrier

7

362341495843

Ensemble

100

100

100

100

100

100

100

Champ : hommes, actifs occupés ou anciens ayant eu un emploi, âgés de 40 à 59 ans, en mai 2003

Source : INSEE

Ainsi, en France, 18 % des ouvriers qui avaient entre 40 à 59 ans en 2003 avaient un père « agriculteur exploitant » et, autre exemple, 58 % avaient un père lui-même ouvrier.

1.2.3. Les limites des tables de mobilité

La critique essentielle aux tables de mobilité est qu’elle ne couvre pas toute la population vivant en France.

Tout d’abord, il peut y avoir un problème d’âge : les plus jeunes interrogés ont 40 ans. Ces personnes sont susceptibles de connaître des changements professionnels : leur groupe social d’appartenance peut donc évoluer (mobilité intragénérationnelle).

Ensuite, ces tables de mobilité ignorent complètement les femmes pour les raisons que l’on a vu plus haut. Parfois, on croise dans un même tableau la profession des femmes avec celle de leur père ; mais, évidemment, la signification des données change. D’autant plus, que l’on peut se demander si la profession d’un seul membre de la famille suffit à décrire le milieu social de la personne.

Enfin, ces tables excluent les personnes dont le père vivait à l’étranger. Cela peut avoir un impact sur l’analyse que l’on peut faire de la mobilité sociale. Imaginez que les immigrés soient une partie non négligeable d’un groupe social, les ouvriers par exemple, l’étude de la mobilité des ouvriers en sera moins représentative de la réalité sociale.

La dernière limite est qu’entre la période des pères et celle des fils la structure socioprofessionnelle a aussi changé ce qui induit plusieurs problèmes. Le premier est qu’une profession qui se développe peut perdre de son prestige : ainsi, ce qui peut apparaître comme une stabilité de la position sociale entre fils et père serait en réalité une baisse dans la hiérarchie sociale. Le second est que des professions qui se développent vont obligatoirement engendrer des flux de mobilité importants quelle que soit l’évolution de l’inégalité des chances. Si le nombre de cadres se développe, la proportion de fils d’ouvriers devenant cadre peut augmenter mais celle des fils de professions intermédiaires peut augmenter encore plus vite : la mobilité sociale des ouvriers augmente mais pas l’égalité des chances.