La monnaie, vous le savez, permet de régler achats de biens ou de services. Vous voulez acheter un kilo de pommes : en échange de ces pommes vous devez donner de l’argent, ce que l’on appelle en sciences économiques de la monnaie. Elle est donc un intermédiaire des échanges … à condition bien sûr qu’elle soit acceptée par tous sur tout le territoire. Elle a un aspect social, la confiance qu’elle nécessite, et politique, l’obligation de l’accepter. Précisons tout de même que, plus largement, elle sert aussi à payer ses impôts, à faire des dons, etc.
Une condition pour que cette monnaie remplisse bien cette fonction, une condition de nature plus économique, est qu’elle doit être suffisante, en quantité, pour que l’ensemble des échanges puissent se dérouler.
La monnaie permet aussi de mesurer la valeur des choses : une baguette peut valoir 1 euro, une heure de travail 15 euros, le remboursement mensuel d’un emprunt 400 euros, etc. Ainsi, une des fonctions de la monnaie est de mesurer la valeur des choses. Cette fonction à laquelle on ne peut prêter que peu d’attention a été bien mise en évidence lors du passage des francs aux euros ; les références de prix que les personnes avaient en tête et dans leur mémoire ont brusquement disparu. Les individus ont du se réhabituer à cette nouvelle unité de compte. Si autrefois la monnaie qui était une unité de compte pouvait être différente de la monnaie intermédiaire des échanges, ce n’est plus le cas, vous le savez.
Évidemment, entre deux achats, les agents économiques doivent garder cette monnaie. Cela signifie que la monnaie est par elle-même une réserve de valeur. Pour que la monnaie joue son rôle de réserve de valeur de manière convenable, il faut qu’elle garde sa valeur dans le temps : il ne doit donc pas y avoir d’inflation car si les prix augmentent, vous en pouvez pas acheter avec une même quantité de monnaie (la monnaie perd de sa valeur). On peut dès lors craindre que, s’il y a trop de monnaie en circulation, elle perde de sa valeur.
Vous voyez d’ores et déjà que les fonctions de la monnaie pouvant nécessiter d’un côté beaucoup de monnaie et de l’autre, peu. Le réglage de la quantité de monnaie en circulation est important d’un point de vue économique.
Finalement, la monnaie, caractérisée par ses différentes fonctions, est un donc un actif liquide qui permet de régler toutes ses dépenses (ses achats, ses impôts, ses dettes etc.) et qui est accepté par tous sur un territoire donné.
Mais il faut préciser que cet actif n’est, aujourd’hui, une monnaie que si il a une reconnaissance légale : la loi impose que la monnaie soit acceptée par tous … ce qui pose des questions de nature politique mais aussi sociale.
Vous le savez, l’État oblige les agents économiques à accepter la monnaie comme moyen pour des clients de se libérer de leur « dette ». La monnaie peut donc être considérée comme une institution sociale nécessaire au fonctionnement des échanges marchands et des dépenses de toutes sorte. C’est l’État qui a décidé de l’imposition d’un « cours légal » (qui oblige les agents économiques à accepter la monnaie comme moyen de paiement). De plus, le niveau suffisant de monnaies en circulation (no trop ni pas assez) permet de garder confiance en la monnaie. La solidité du système des paiements (dont les banques sont un acteur essentiel) nécessite l’intervention des pouvoirs publics (nous verrons cela en détail un peu plus loin en précisant le rôle de la Banque centrale).
On comprend dès lors que les rois, les chefs d’État, etc. aient voulu, par leur effigie sur les pièces et sur les billets, assurer la confiance dans la monnaie … peut-être était-ce aussi pour renforcer leur pouvoir, puisque l’État s’est arrogé finalement le monopole de création de monnaie.
Si la monnaie possède ce lien si fort avec le pouvoir politique, c’est qu’elle remplit, en fait, une fonction sociale plus large que ses seules fonctions économiques. En effet, la monnaie a la capacité de relier tous les individus qui échangent ; dit autrement, elle permet les échanges entre les membres d’un même groupe et renforce ainsi le sentiment d’appartenir au même groupe. Pensez au rôle de l’euro qui favorise sans doute le rapprochement entre membres de pays différents mais partageant la même monnaie et le sentiment d’appartenance à une même communauté.
De plus, si l’on considère que la monnaie en elle-même n’a pas d’utilité (elle en acquiert en la « donnant » à d’autres pour obtenir des choses qui, elles, sont utiles : de la nourriture, des CD, des vêtements, etc.), on peut considérer que la monnaie qui circule représente elle-même une dette de la société dans son ensemble vis-à-vis de chaque individu détenant de la monnaie. En effet, en réglant ses achats par de la monnaie, l’individu reconnait sa dette vis-à-vis du vendeur, une dette de nature particulière parce qu’elle ne sera définitivement remboursée qu’en bien et services par l’ensemble des autres acteurs du marché (lorsqu’ils vendront les biens et services désirés au détenteur de cette monnaie qui l’utilisera). Vous le voyez la monnaie relie chaque individu particulier à tous les individus participant au marché. Vous le voyez, la monnaie ne relie pas seulement deux individus qui s’échangent entre eux mais l’ensemble des individus qui partagent la même monnaie ; elle lie et intègre tous les agents économiques à la société … à condition d’en posséder !! Mais là, il s’agit plus d’une question de revenus que de monnaie.
Historiquement, les formes de monnaie ont changé. Le trait fondamental de cette évolution est le processus de dématérialisation de la monnaie. Les premières formes de monnaie semblent avoir été des monnaies-marchandises c’est-à-dire des monnaies qui étaient des biens très appréciés, qui pouvaient être se conservés et stockés (bétail dans les peuples d’éleveur, coquillage, vase, etc.) : ils ont pu devenir des intermédiaires généraux des échanges. Par la suite, ce sont certains métaux qui se sont imposés : on parle de monnaie métallique. C’est la quantité d’or permet d’établir la valeur de la pièce et la capacité d’acheter tel ou tel bien. Mais, devant la difficulté voire les dangers d’utilisation des métaux précieux, l’habitude a été prise d’utiliser un papier représentant une valeur déterminée de monnaie : c’est un « billet convertible », un certificat d’or par exemple. Ce sont ces certificats qui ont servi d’intermédiaire des échanges, l’or restant dans les « banques » de l’époque. Par la suite, il a été décrété, par la puissance publique, que les billets seront monopole d’État puis auraient cours forcé et cours légal. Cela signifie d’abord que les billets ne sont plus convertibles en or mais auront pour valeur celle indiquée : 20 euros, 50 euros etc. et ensuite que personne ne peut plus refuser ces billets, fabriqués et mis en circulation par l’État, en règlement d’achats. Cela nécessite, on l’a vu, une confiance dans cette monnaie : on parle de monnaie fiduciaire. Dernier stade important de cette évolution, décrite à grands traits, l’apparition de la monnaie scripturale : la monnaie est inscrite sur un compte dans une banque et elle peut être utilisée grâce à des virements de compte à compte, en utilisant des chèques ou une carte bancaire notamment. Nous allons voir maintenant que, de nos jours, cette dernière forme est la forme principale de la monnaie.
Aujourd’hui, la monnaie est composée à la fois de pièces, de billets et donc d’ « argent » sur les comptes en banque (les comptes courants des clients des banques). Précisons que ces pièces comme les billets ont une valeur qui est indiquée sur leur face : ce ne sont pas des monnaies métalliques. La monnaie manuelle regroupe les pièces, appelée aussi monnaie divisionnaire, et les billets de banque. Ces pièces sont comme les billets de la monnaie fiduciaire.
Il est possible de mesurer dans un pays, ou dans une zone monétaire comme la zone euro, la quantité de monnaie qui circule. Mais toute mesure nécessite des précisions. Ces précisons concernent d’abord ceux qui possèdent la monnaie dont on va mesurer le montant détenu. Il s’agit globalement de l’ensemble des agents économiques sauf les établissements de crédit (c’est-à-dire des banques qui distribuent des crédits et gèrent des dépôts à vue, des « comptes en banque ») et la Banque de France. Donc, mesurer la masse monétaire revient à mesurer ce que possèdent comme monnaie fiduciaire et monnaie scripturale ces agents économiques.
Ainsi, dans la zone euro, en février 2024, la masse monétaire, définie par ces deux formes de monnaie, était d’environ 10 248 milliards d’euros dont 1 503 milliards d’euros pour les pièces et billets et 8 715 milliards d’euro sur les comptes courants (dans les banques). Vous voyez donc l’importance de la dématérialisation de la monnaie : la monnaie scripturale représente 85 % du total.
Malheureusement, les choses sont un peu plus compliquées. En effet, certaines sommes placées dans les banques, par exemple sous forme de livret A ou livret de développement durable, peuvent être facilement transférer sur un compte courant qui permet de régler directement les dépenses par CB ou chèque. Dès lors, on peut avoir une vision plus extensive, élargie, de la masse monétaire qui tienne compte de ce type d’épargne. D’autres formes d’épargne peuvent être aussi plus ou moins facilement transférées sur les comptes courants. On dit que plus cette épargne peut être facilement (sans délai, sans coût notamment) transférée sur un compte à vue, plus la liquidité est forte. Les autorités monétaires comme la Banque de France ou la Banque Centrale Européenne classent l’ensemble de ces types d’actifs du plus liquide (utilisable directement comme moyen de règlement) au moins liquide (nécessitant donc certaines opérations). Ce classement officiel est donc le suivant :
Précisions de vocabulaire :
Dépôts à terme : dépôts qui ne peuvent être convertis en espèces avant un terme fixe convenu ou qui ne peuvent être convertis en espèces avant ce terme que moyennant une réfaction totale ou partielle de la rémunération convenue. Dépôts avec un préavis inférieur ou égal à trois mois : dépôts d’épargne liquide qui présentent une liquidité moins immédiate que les dépôts à vue. Il s’agit en France des livrets A et bleus, des livrets de développement durable, des comptes d’épargne-logement, des livrets d’épargne populaire, des livrets jeunes et des livrets soumis à l’impôt.
Accord de pensions : convention par laquelle une valeur est cédée à un prix donné tandis que le débiteur obtient simultanément le droit et l’obligation de la racheter à un prix déterminé et à un terme fixé à l’avance.
Titres d’OPC monétaires = titres d’organismes de placement collectifs qui placent ces fonds dans de l’épargne à court terme très peu risquée.
Titres de créance de durée initiale inférieure ou égale à deux ans émis par des IFM (Institutions Financières Monétaires, en gros les banques) = titres émis par les IFM d’une durée initiale inférieure ou égale à deux ans, lesquels sont considérés comme de proches substituts des dépôts
On considère ainsi que la monnaie au sens strict est M1 et au sens large est M3. La masse monétaire M1 est la plus liquide : les agents économiques peuvent l’utiliser instantanément. M3, ou plutôt M3 – M2, vous l’avez compirs, est la moins liquide : pour pouvoir utiliser les sommes placées, il faut vendre les actifs correspondants avec des risques de perte et des délais de transfert.
Vous le voyez, la monnaie ainsi mesurée circule entre des agents non financiers … mais évidemment grâce aux banques qui gèrent leurs moyens de paiement : utilisation des comptes courants (dépôts à vue) grâce aux chèques, aux virements de compte à compte ou aux cartes bancaires. Toutefois, il existe un autre type de monnaie qui ne circule qu’entre les institutions financières monétaires. En effet, lorsqu’un individu achète un produit à un commerçant par carte bancaire, sa banque va débiter son compte et transférer le montant à la banque du commerçant qui va créditer son compte. Donc, de la monnaie doit circuler entre les banques et cette circulation passe en fait par une banque qui est la banque des banques : on l’appelle Banque centrale (ou banque de premier rang). Chaque banque de second rang possède un compte auprès de cette Banque centrale : et ce sont ces comptes à vue qui sont débités ou crédités au cours de ces opérations. La monnaie qui est déposée sur ces comptes est appelée monnaie centrale ou monnaie banque centrale (ou M0). On peut noter aussi que les pièces et les billets qui sont distribués par la Banque centrale aux banques de second rang en font partie. Nous verrons qu’une des questions essentielles porte sur les relations entre cette monnaie centrale et la monnaie qui circule entre individus, entre entreprises non bancaires.