Nous venons de voir que les pouvoirs publics pouvaient influencer l’équilibre de marché par une taxe. Pourtant, la pensée libérale retient généralement que le marché autorégulateur est le plus efficace et génère des gains. Pour évaluer ces gains liés à l’échange, les économistes néo-classiques supposent d’abord que le prix de marché est mutuellement avantageux, tant pour le consommateur que le producteur, et pour le démontrer ils ont notamment développé l’idée d’un surplus, qui serait à son maximum au point d’équilibre de marché. Ce surplus pourrait se décomposer en surplus du consommateur et du surplus du producteur.
Cette notion de surplus est d’une grande utilité dans la démarche néo-classique : elle permet de montrer que le marché concurrentiel est la situation la plus satisfaisante ou optimale. En effet, si le marché en concurrence pure et parfaite fonctionne librement, les mécanismes de marché conduisent à un prix d’équilibre qui maximise le surplus global (la somme des 2 surplus). Avec ce point d’équilibre, la somme des surplus du consommateur et du producteur est la plus grande possible : il y a des gains à l’échange.
L’aire des deux zones rouge et verte serait en effet plus faible s’il y avait par exemple un rationnement des quantités produites, inférieures aux quantités d’équilibre. Prenons l’exemple du marché du logement, où une intervention des pouvoirs publics visant à plafonner le montant des loyers (afin d’éviter l’envolée des prix, pour permettre au plus grand nombre de se loger) peut finalement conduire à une situation de rationnement de la demande. Dans une telle situation, si les propriétaires ne peuvent louer à un prix supérieur au plafond, l’offre de logement va diminuer, puisque certains propriétaires ne jugeront pas suffisant le prix plafond. La demande de logement ne pourra donc pas être entièrement satisfaite, ce qui crée le rationnement. Le surplus global enregistrera alors une perte sèche : le surplus des consommateurs est amputé par le fait que certains ne trouvent pas de logement à louer. Le surplus du producteur est également diminué par la baisse du nombre d’offreurs sur le marché. Cela correspond à la zone noire de notre graphique.
Faire apparaître le surplus permet finalement de montrer que le marché est un mode de régulation efficace, théoriquement supérieur à d’autres formes d’affectation des ressources. En revanche, rien n’assure que le marché aboutisse à une situation où le surplus global est équitablement réparti entre producteurs et consommateurs : le partage du surplus dépend des caractéristiques de la demande et de l’offre, des préférences de la société, qui déterminent la pente des courbes d’offre et de demande. La part dévolue à chacun peut donc être très déséquilibrée.
Au terme de l’analyse, les marchés concurrentiels conduisent donc idéalement à satisfaire les consommateurs et les producteurs. Pour le démontrer, l’économiste est malheureusement bien souvent conduit à accepter des règles ou des hypothèses qui ne semblent parfois guère réalistes. Dans bien des cas, la concurrence n’est pas parfaite. Expliquer le fonctionnement des marchés imparfaitement concurrentiels sera donc l’objet du chapitre suivant.