Les autorités publiques (ministère de l’économie, banque centrale) surveillent l’activité des banques car elles font fonctionner le système des paiements et participent au financement de l’économie. Leur objectif est de protéger les déposants mais aussi de rendre les banques et le système financier plus sûrs. En effet, le seul moyen de se protéger qu’auraient ces déposants face à la situation critique de leur banque est de retirer leurs dépôts ce qui ne peut qu’accroitre les difficultés financières de la banque. Pour éviter une crise du système des moyens de paiement et du financement de l’activité économique, les Banques centrales jouent leur rôle traditionnel de « prêteur en dernier ressort » : elles aident les banques par des prêts par exemple ou par une large distribution de liquidités pour éviter leur faillite. Par ailleurs, elles peuvent déterminer un niveau de protection des dépôts (100 000 euros par exemple) pour rassurer les déposants. Ainsi quoi qu’il arrive les déposants pourront toujours posséder au maximum ces 100 000 €. Cette procédure évite d’autre part les bank run qui peuvent déstabiliser le système bancaire dans son ensemble.
Cette protection a cependant un inconvénient : si les banques savent que, quoi qu’il arrive, elles seront sauvées par la Banque centrale, elles peuvent prendre des risques excessifs. C’est une forme d’aléa moral que vous aviez étudié en classe de Première. Mais, cette protection est évidemment exceptionnelle. De manière plus courante, la surveillance des banques prend d’autres voies notamment la surveillance du respect de ratios de solvabilité bancaire. C’est ce que nous allons voir maintenant même si ces questions sont un peu techniques.
Un ratio de solvabilité bancaire est un ratio, un rapport entre deux grandeurs financières, mesurant la solvabilité que les banques doivent respecter. Comme les banques exercent une activité risquée, les autorités monétaires leur imposent d’avoir suffisamment de ressources pour faire face aux différents risques possibles. Ces risques sont les risques de crédit (c’est-à-dire le risque que certains ne soient pas remboursés), les risques liés aux opérations sur les marchés financiers (dévalorisation des actifs financiers qu’elles possèdent par exemple), comme nous l’avons déjà vu, mais aussi des risques divers (dits opérationnels : les erreurs humaines, les fraudes et malveillances, les défaillances des systèmes d'information, les problèmes liés à la gestion du personnel, les litiges commerciaux, les accidents, incendies, inondations). Pour cela, les banques doivent posséder suffisamment de ressources stables, non empruntées : ce sont les fonds propres, en gros l’argent laissé à disposition des banques par leurs propriétaires. Ces fonds propres sont bien sûr mesurés dans le bilan des banques. La mesure des risques divers est plus délicate, plus arbitraire : cette mesure ne provient pas directement du bilan ou des comptes des banques. Il faut évaluer par exemple le risque que la banque prend lorsqu’elle accorde un crédit ; ce risque combine l’importance des pertes qui peuvent survenir sur les crédits accordés mais aussi la probabilité que ces pertes surviennent.
Quoi qu’il en soit, les ratios ont la forme suivante : ratio de solvabilité = Fonds propres / ensemble des crédits pondérés par les risques. Ce sont des règles internationales qui déterminent ce taux par exemple : 5 %. Prenons un exemple pour illustrer la logique de ces ratios : si une banque prête 100 millions d’euros à une entreprise peu solide financièrement, elle devra posséder au moins 5 % de 100 millions d’euros soit 5 millions d’euros de fonds propres. Nous supposons maintenant que cette même banque prête à un État (sous forme d’obligations par exemple) là encore 100 millions d’euros. Les risques sont plus faibles qu’un État ne puisse rembourser (même si cela dépend des États bien sûr !) : estimons ces risques à 20 %, le risque de crédit est donc de 20 % x 100 = 20 millions d’euros (qui peuvent ne pas être remboursés). La banque devra avoir des fonds propres d’un montant de 5 % de 20 millions d’euros soit 1 million d’euros. Donc sur les 200 millions d’euros de crédits accordés, la banque doit avoir au moins 6 millions d’euros de fonds propres. On voit que les fonds propres doivent permettre de faire face à une baisse de la valeur des crédits accordés ou des prêts obligataires souscrits par la banque : dans l’exemple cité, les fonds propres doivent pouvoir absorber une baisse de la valeur des crédits accordés de 6 / 200 soit de 3 %. Une baisse de la valeur de ces créances, si les fonds propres sont suffisants, ne nécessite pas pour la banque d’emprunter ou de vendre des actifs pour se couvrir des différents risques courus : c’est une sécurité pour les banques.
Mais, évidemment, avoir plus de fonds propres pour exercer la même activité est coûteux pour les banques : elles ne peuvent utiliser ces fonds supplémentaires pour accroitre leur activité puisqu’ils servent justement de « coussin de sécurité ». Il faut donc une contrainte obligeant les banques à respecter ces règles de solvabilité. Ce sont les pouvoirs publics qui imposent ces règles, le respect des ratios de solvabilité.
Les accords de Bâle III qui suivent ceux de Bâle I et Bâle II établissent de nouvelles règles suite à la crise financière de 2008. Ces règles sont bien sûr assez complexes. Pour l’essentiel, la Banque des Règlements Internationaux qui fixe ces règles pose que le ratio de solvabilité doit être de 8 % : les fonds propres doivent représenter au minimum 8 % des engagements des banques (crédits accordés etc.) pondérés par les risques. En plus de ce ratio de solvabilité, il existe aussi un « coussin de conservation » d’un taux de 2,5 % pour faire face aux pertes possibles des banques en cas de crise ce qui porte le total à 10,5 % des engagements sous forme de fonds propres. Pour les 6 plus grandes banques françaises, ce type de ratio de solvabilité est passé de 5,8 % en 2008 à 14,4 % en 2019 soit donc un taux plus élevé que le ratio exigé. On voit ainsi le renforcement des exigences de solvabilité imposées aux banques a été largement respecté.
De plus, il existe un « coussin de sécurité » contracyclique qui représente entre 0 % et 2,5 % des engagements pondérés par les risques : lorsqu’on est dans une phase ascendante du cycle économique, avec un bon niveau de croissance économique et le risque de laisser se développer de manière trop rapide les crédits (période un peu euphorique où la tendance à minorer les risques est forte), ce taux peut être fixé à 2,5 % des engagements. À l’inverse, en période de ralentissement de la croissance économique (phase descendante du cycle), ce taux peut être ramené à 0 %. Il s’agit de réduire, vous le comprenez, les risques pris par les banques lors de la phase de hausse de la croissance économique. Il existe d’autres règles, également assez complexes.
Contracyclique signifie qui vient contrecarrer ou s’opposer au cycle économique (mettre un frein en phase de croissance, ou au contraire mettre un accélérateur en phase de ralentissement de la croissance).
Mettons simplement l’accent sur un problème posé par ces règles. L’appréciation des risques peut être faite par la banque elle-même qui établit les risques qu’elle prend (les 20 % de l’exemple du 3.2.1 peuvent être 18 % ou 22 %). Vous comprenez que c’est une latitude donnée aux banques dont elles peuvent se servir pour minorer leur risque et augmenter artificiellement leur ratio de solvabilité. Il existe donc un autre ratio dit ratio d’endettement qui est simplement le rapport des fonds propres sur l’ensemble des engagements des banques (non pondérés par les risques) que les banques doivent respecter : ce ratio évite un jugement des risques pris par la banque par elle-même.
Enfin, dernière règle importante : la surveillance de la liquidité bancaire. Là encore, des ratios sont définis qui, brièvement, obligent les banques à détenir suffisamment d’actifs liquides de haute qualité (qu’elles peuvent vendre rapidement sans risque de perte) pour faire face à des besoins de liquidité.
Voilà donc l’essentiel des règles qui s’appliquent aux différentes banques. Mais, la surveillance individuelle et identique de chaque banque ne suffit pas face à des risques qui concernent le système bancaire dans son ensemble : les banques sont interdépendantes, nous l’avons vu, et la réglementation doit en tenir compte notamment en surveillant de manière spécifique les banques les plus importantes dites systémiques. C’est ce que font les pouvoirs publics dans l’Union européenne, comme nous allons le préciser maintenant.
Comment s’organise cette surveillance dans l’Union européenne ? Elle n’est pas différente de celle des autres pays notamment pour le respect des ratios de solvabilité bancaire et de liquidité mais avec une particularité propre à L’Union européenne. Dans le cadre de l’union bancaire, il existe ce qui est appelé une supervision unique qui est réalisée par le système européen des banques centrales (SEBC) qui comprend les Banques centrales nationales et la Banque Centrale Européenne (BCE). L’objectif est d‘avoir un cadre réglementaire unique au sein de l’Union européenne malgré la diversité des pays. La BCE est chargée de la surveillance des banques les plus importantes (par exemple, les 11 plus grandes banques françaises), les banques dites systémiques dont la faillite aurait des conséquences sur le système financier européen dans son ensemble et sur l’activité économique de l’Union européenne. Précisons d’ailleurs ces banques systémiques sont soumises à des contraintes supplémentaires en termes de ratios (de 1 à 5 % des engagements des banques). Les Banques centrales nationales sont chargées, quant à elles, des autres banques plus petites dont l’organisation et les activités sont moins complexes. Précisons maintenant les autres points les plus importants de cette réglementation.
La règle peut-être la plus connue, née de la crise financière de 2008, est celle de la garantie de dépôt. Avant la crise financière, chaque pays avait ses propres règles. Depuis, chaque déposant dans une banque de l’Union européenne est garanti pour un montant de 100 000 € : si une banque fait faillite, le déposant est sûr de pouvoir garder le montant de son dépôt dans une limite de 100 000 €. Cela signifie que quelle que soit la banque ou le pays de l’UE, un euro déposé sur un compte a la même valeur lorsqu’il y a faillite d’une banque ; ce n’était pas le cas autrefois (on disait parfois que l’euro était une monnaie incomplète pour cette raison notamment).
Deuxième règle suivie dans l’ensemble de l’UE : le renflouement interne. Il s’agit tout simplement d’éviter que l’État utilise les impôts pour sauver une banque de la faillite comme cela a pu être le cas durant la crise financière de 2007-2008. Les créanciers de la banque sont mis à contribution par exemple en transformant une partie de leur créance en fonds propres : cela soulage les finances des banques (car vous le savez les fonds propres n’ont pas à être remboursés)… et aussi de l’État.
Dernières règles communes que nous pouvons citer : la recapitalisation de banques en difficulté grâce à un fonds alimenté par les banques elles-mêmes en fonction de leur taille et aussi la liquidation dite ordonnée des banques en faillite (par exemple, choix de l’ordre des créanciers à rembourser) pour éviter une panique chez tous les créanciers des banques.