Au programme de ce cours :
Dans le modèle de la concurrence pure et parfaite, les offreurs sont price taker : aucun d’entre eux ne maîtrise le prix du marché comme vous l’avez vu dans le premier chapitre. La réalité économique montre que ces situations de concurrence pure et parfaite sont rares et que de nombreux marchés ne respectent pas les hypothèses que supposent le modèle. Si sur les marchés des actions, du blé, du soja et de nombreuses matières premières, les hypothèses en question sont plutôt bien respectées, d’autres marchés s’en éloignent plus ou moins. Peut-on décrire le marché de l’automobile comme un marché de concurrence parfaite ? Qu’en est-il du marché des services médicaux, des services de transport collectifs, de la distribution du courrier, des téléphones portables ou des fournisseurs d’accès à internet ? Dans ces cas, peut-être, le modèle apparaît moins pertinent. Dès lors, les économistes néoclassiques construisent d’autres modèles théoriques plus proches du fonctionnement réel de ces marchés. Si ces modèles permettent de mieux comprendre leur fonctionnement, leur efficacité demeure comparée à celui du modèle de concurrence pure et parfaite. Les questions qui se posent sont dès lors les suivantes : comment sont fixés les prix ? sont-ils plus élevés ou moins élevés que sur des marchés de concurrence parfaite ? les quantités échangées sont-elles plus élevées ou moins élevées ? En bref, l’équilibre du marché est-il modifié et si, oui, à l’avantage de qui ?
Vous le savez, sur de nombreux marchés, les entreprises ont la volonté de maîtriser les prix auxquels elles offrent leurs produits et il se peut qu’elles y arrivent du moins en partie. Pensez aux I-phones par exemple. Lorsqu’elles y parviennent, c’est qu’elles peuvent échapper à la concurrence d’autres entreprises ou passer des accords plus ou moins explicites. Comment est-ce possible ? Comment une entreprise ou quelques-unes peuvent-elles empêcher d’autres entreprises de participer au marché ou de ne pas attirer certains clients par des prix plus faibles ? Vous le devinez sans doute : le produit n’est pas totalement le même en réalité. Mais ce n’est pas la seule raison. Il existe des barrières à l’entrée, c’est l’expression utilisée par les économistes, qui permettent à une entreprise de se dégager de la concurrence et d’avoir un pouvoir de marché sur la fixation de ses prix (on dit que ces entreprises sont price maker).
Le nombre d’offreurs est évidemment l’un des facteurs de la plus ou moins forte concurrence entre offreurs. Prenons les cas extrêmes : si le nombre d’offreurs est infini (parce que toute entreprise peut entrer sur le marché et accroître le nombre d’offreurs), la concurrence sera donc très forte. À l’opposé, s’il n’y a qu’un seul offreur sur le marché (et qu’aucun autre offreur ne puisse entrer sur le marché), la concurrence est inexistante. Évidemment les monopoles sont plutôt rares, mais pensez aux logiciels d’exploitation sur lequel Microsoft a un quasi-monopole : cette entreprise a pu pendant se développer et toucher intégrer d’autres marchés, voire les créer : sans doute que le prix de vente de ses logiciels aux constructeurs d’ordinateurs a dû être élevé ! Peut-on dire aussi que le boucher, seul dans son quartier est en situation de monopole : sans doute en partie, car il peut être coûteux d’aller acheter sa viande chez un autre boucher (il n’y a pas de produits d’autres producteurs facilement substituables) : il a donc lui aussi un certain pouvoir de fixation des prix.
Le plus souvent, vous le comprenez, les marchés sont entre ces deux situations extrêmes ou typiques. Les économistes parlent d’oligopoles. Les exemples sont multiples. Le cas déjà cité des fournisseurs d’accès est caractéristique de ce qui peut se passer : les offreurs ont des stratégiques visibles qui se répondent les unes aux autres. Les uns baissent leurs prix ce qui poussent les autres à le baisser aussi ; d’autres offrent de nouveaux services ou de nouveaux types d’abonnements auxquels les concurrents doivent répondre. Bref, chacun a un certain pouvoir notamment dans la fixation des prix.
La faiblesse du nombre d’offreurs permet aussi de former des ententes pour se partager le marché, par exemple selon les zones géographiques, ou de se mettre d’accord sur des prix pour qu’ils ne soient pas trop bas. Un exemple bien connu, mais un peu particulier, est la création de l’OPEP : il s’agit d’un accord entre gouvernements de certains pays producteurs de pétrole (et non pas entre entreprises elles-mêmes) pour faire augmenter les cours de pétrole. En effet, les pays en question étaient au départ plutôt des pays pauvres (Venezuela, Irak, Iran, Arabie saoudite, Koweït) et pouvaient espérer tirer d’un prix du pétrole plus élevé des ressources plus importante pour s’enrichir. Avec les nationalisations des compagnies pétrolières et le rôle de plus en plus important du pétrole dans les années 1960-1970, elles réussirent effectivement à imposer des hausses substantielles du prix du pétrole. Vous en connaissez peut-être les conséquences. Pour les consommateurs, situés notamment à l’époque dans les pays développés, cela s’est traduit logiquement par une baisse de leur pouvoir d’achat et a été une des origines de la crise de 1974 (premier choc pétrolier). Par contre, cela a enrichit les pays producteurs notamment l’Arabie saoudite et le Koweït. On peut voir d’hors et déjà les effets possibles d’une restriction de la concurrence (on détaillera plus loin les mécanismes en cause) : une hausse des prix néfaste pour les consommateurs (pensez dès maintenant en termes de surplus du consommateur …) mais un avantage pour les producteurs qui récupèrent des revenus plus élevés de leur production.
l existe aussi sur certains marchés des barrières à l’entrée qui sont des obstacles empêchant l’arrivée de concurrents sur le marché et limitant donc la concurrence. Les producteurs déjà présents sur le marché peuvent pour cela essayer de garder une avance technologique comme dans la production de smartphones, de médicaments, etc. en faisant breveter leurs inventions ou, sans forcément innover, différencier ses produits avec les revenus tirés de ses produits déjà présents sur le marché.
Ces barrières peuvent exister en dehors d’une volonté particulière des offreurs. Par exemple, les coûts liés au commencement de la production pour une nouvelle entreprise peuvent être si élevés qu’il serait risqué de vouloir entrer sur ce marché comme dans le domaine de la sidérurgie, de la production d’électricité, d’automobile, etc.
Enfin, l’État peut réglementer l’entrée sur un marché sous la pression des entreprises ou pour des raisons techniques ou financières. C’est ainsi que des pharmaciens ne peuvent s’installer complètement librement ; c’est le cas aussi des fournisseurs d’accès à internet ou des stations de radios. Dès lors ces barrières à l’entrée réduisent la concurrence entre entreprises et risquent d’empêcher l’existence de prix plus faibles. Nous verrons plus en détail tous ces points en étudiant les situations de monopoles et d’oligopoles.