2. Le monopole, une maîtrise des prix … qui reste partielle

2.1. Le monopole maîtrise ses prix de vente

2.1.1. L’absence de concurrents lui permet de fixer des prix plus élevés qu’en situation de concurrentielle

Comme nous l’avons vu, l’absence de concurrence peut amener l’offreur en situation de monopole de pratiquer des prix élevés qui nuisent au bien-être des consommateurs : moins de demande est satisfaite et à des prix élevés. Si évidemment, on ne peut pas comparer, dans la réalité, ce qu’est le prix de concurrence sur un marché quelconque et, en même temps, le prix de monopole, on peut essayer d’étudier l’évolution des prix lorsque l’on passe d’une situation dans une autre. Il y a quelques années, en France, certains marchés ont été ouverts à la concurrence notamment dans les télécommunications dans les années 1990. Or, nous constatons que les prix des télécommunications ont globalement diminué comme le montre le graphique depuis cette période. Dans ce domaine, de nouveaux opérateurs sont apparus (neuf, SFR, Bouygues, Free par exemple) et ont fait concurrence à l’opérateur historique en situation de monopole (France Télécom). Ce dernier ne fixe plus les prix qu’il souhaite, il n’est plus faiseur de prix. Donc, a contrario, on peut penser qu’avant la situation de concurrence, il pouvait fixer ses prix.

2.1.2. La réaction des demandeurs peut l’inciter à ne pas augmenter trop ses prix de vente

Toutefois, même en situation de monopole, une entreprise n’est pas complétement maîtresse de son prix. D’abord, parce qu’en réalité un monopole n’est rarement total : des entreprises peuvent entrer sur le marché ou proposer des produits substituables. Par exemple, le monopole du transport ferroviaire, de personnes comme de marchandises, détenu pendant longtemps par la SNCF était en partie concurrencé par les autres modes de transport comme le transport par route, le transport fluvial ou aérien. Ensuite, l’offreur doit tenir compte de la réaction des demandeurs au prix qu’il impose. Si le produit qu’il vend est peu important, on peut penser que les ménages réduiront leur demande ; à l’inverse, si le produit est vital, la demande ne changera pas ou très peu et le producteur pourra fixer le prix qu’il souhaite. Vous l’aurez compris, tout dépendra de l’élasticité de la demande par rapport au prix, pour reprendre les termes des économistes.

2.2. Trois types ou origines possibles de monopole

2.2.1. Le monopole naturel et l’importance des coûts fixes

La première explication de l’existence d’entreprises en situation de monopole met en évidence qu’un monopole est plus efficace en termes de coûts de production qu’un marché avec une multitude de producteurs. Imaginez ainsi une compagnie ferroviaire qui doit poser ses propres rails à côté de ceux de ses concurrents pour desservir une vile quelconque : les coûts seront doublés alors qu’il est possible pour les deux entreprises de se réunir et mettre en commun les voies et de réduire les coûts de production. D’une manière plus générale, lorsqu’une activité productive nécessité d’engager des coûts importants au départ de l’activité donc des coûts fixes élevés, répartir ces coûts sur une production importante permet de réduire les coûts par unité produire (le coût moyen donc). Cette situation favorise donc l’entreprise qui produit le plus : elle va éliminer toutes ses concurrentes et rester seule le marché. On parle d’un monopole naturel. C’est une des raisons qui pouvait expliquer certains monopoles en France. Ainsi, dans les transports ferroviaires comme nous venons de le voir, mais aussi les activités postales (coût important de la distribution du courrier : centres de tris, boites aux lettres, etc.) avec La Poste ou la production d’électricité avec EDF (le coût de construction et de fonctionnement des centrales, le coût aussi de la distribution d’électricité étant très importants).

2.2.2. Le monopole d’innovation : la première entreprise à exploiter une innovation

Si le monopole naturel reposait sur la capacité à supporter des prix plus que des concurrents potentiels en produisant en plus grande quantité, d’autres situations de monopole peuvent s’expliquer par la maîtrise d’innovations. Certaines innovations permettent de produire de manière plus efficace et donc moins coûteuse ce qui élimine les producteurs concurrents. Par exemple, il peut exister des nouvelles façons de produire des services de commercialisation des produits : pensons aux grandes surfaces qui peuvent éliminer toute concurrence pour certains produits sur certains territoires. Dans ce cas-là, les coûts liés à la vente peuvent être très bas et les prix offerts très bas évinçant la concurrence. N’y a-t-il pas, d’ailleurs, un risque potentiel de monopole pour l’entreprise Amazon sur certains produits ?

Bien sûr, les monopoles liés à la création, la production et la vente d’un nouveau produit sont plus fréquents. Toutefois, ces monopoles sont très souvent temporaires : ils ne durent qu’un temps … le temps que les concurrents potentiels trouvent des produits substituables ou les imitent. Précisons que ces monopoles sont protégés par des brevets d’invention qui souvent durent 20 ans. Là encore, il est difficile de saisir la réalité des situations de monopoles du fait de produits un peu différents mais pouvant satisfaire les mêmes besoins : il faudrait ainsi connaître la facilité avec laquelle on peut substituer un produit par un autre. Certains économistes affirment ainsi que les monopoles sont partout (par exemple, dans les villages, où la diversité des offreurs est souvent nulle pour un même produit) ou sont nulle part : on trouve toujours des produits substituables pour satisfaire un besoin. Quoi qu’il en soit, prenons deux exemples de marché qui s’apparentent à un monopole. Commençons par l’exemple de la machine Nespresso et des capsules Nespresso qui lui sont liées techniquement (le mécanisme d’ouverture des capsules ne fonctionnait qu’avec les capsules Nespresso) : nous sommes ici sur le marché du café en dosette ! Pendant quelques années, Nestlé est resté dans une position de monopole sur la production et la vente de dosettes sur ce type de marché, d’une part parce que le succès de ce type de produit n’a pas été immédiat (il est donc resté le seul à en produire) et d’autre part parce que Nespresso (qui appartient à Nestlé) a déposé des brevets d’invention (plus de 70 sur l’ensemble machines, capsules, services) qui empêchaient toute concurrence. Ainsi, jusqu’aux année 2010, l’entreprise a pu être seule sur ce marché en fixant des prix bien plus élevés que le café vendu sous forme de filtres (le produit en partie substituable). Depuis, des capsules ont pu voir le jour face au succès du marché et à la fin des premiers brevets déposés par Nespresso.

Deuxième exemple : celui des médicaments. Un nouveau médicament est un produit coûteux à inventer mais qui peut être produit assez facilement en grande quantité. Les brevets protègent donc les entreprises qui innovent durant 20 ans ce qui permet de les vendre à des prix élevés pour rentabiliser le coût et les risques pris lors de la phase de recherche. Que constate-t-on sur ce marché ? En France, depuis qu’il a été juridiquement reconnu dans les années 1990, il s’est développé grâce à des prix plus faibles d’environ 40 à 60 % du prix du médicament de référence d’après l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé. Un rapport de commission des comptes de la Sécurité sociale datant de 2012 a évalué à une économie de 7 milliards d’euros pour les consommateurs de l’introduction des génériques entre 2002 et 2012. On voit ainsi l’importance du pouvoir sur les prix que peuvent détenir les firmes en situation de monopole sur des marchés précis.