ATTENTION :
Vous vous demandez peut-être ce que signifie un marché des capitaux libre. Imaginons tout d’abord le cas d’un ménage. Avant la libre-circulation des capitaux, il ne pouvait transférer son épargne librement dans d’autres pays, soit il y avait une interdiction totale soit une limite de montants soit des coûts importants. Avec la libre-circulation, il est possible de placer son argent dans un pays de l’UE dans lequel vous ne résidez pas: rappelons que la Suisse ne fait partie de l’UE!! Prenons le cas d’une entreprise qui a des disponibilités financières: sans marché libre du capital, elle ne pourrait les placer que dans son pays de résidence. Il en serait de même, pour un ménage qui déciderait de placer son épargne hors de son pays. Ou encore pour un Etat qui, de manière inverse, ne pourrait pas faire librement appel à l'épargne ou aux crédits d' "investisseurs" non résidents.
Vous voyez par ces simples exemples ce que peut apporter un marché libre du capital du point de vue microéconomique. D’un côté les offreurs de capital (ceux qui veulent placer leur argent, épargner) ont des possibilités plus larges de faire fructifier ce capital : si la rémunération du capital placé est supérieure dans un autre pays, ils pourront bénéficier de cet avantage. D’un autre côté, les demandeurs de capital, peuvent faire appel à des capitaux en provenance de non-résidents, si bien que les possibilités d’emprunts (pour tou agent économique productif) ou d’augmentation de capital (s’il s’agit d’une entreprise) sont plus grandes : les moyens financiers sont plus abondants.
D’un point de vue macroéconomique, on peut raisonnablement penser que cela peut permettre une baisse de la rémunération des apporteurs de capitaux que ce soient des taux d’intérêt ou des dividendes. La liquidité plus grande d’un marché du capital plus vaste devrait en effet favoriser ceux qui demandent ces capitaux, les risques pris en offrant son capital étant moins grands.
Toutefois, vous le savez sans doute, cela est davantage possible pour les Etats qui empruntent ou les grandes entreprises que pour l’individu ou le ménage: les activités bancaires de détail restent en effet très fragmentées. Mais l'implantation plus facile de banques non résidentes dans un autre pays pourrait accroitre la concurrence avec ses effets positifs supposés sur les prix, ici les taux d’intérêt ou les commissions récupérées par les banques sur certaines opérations.
Globalement, la taille de la sphère financière est intermédiaire entre celle du Japon, plus importante, et celle des Etats-Unis, moins importante. Du point de vue financier, l’UE est donc un acteur de premier plan. La largesse de son marché financier peut la rendre apte à attirer une épargne mondiale en recherche de zones de placements sûrs et diversifiés: un objectif des épargnants est effectivement de diversifier les risques du portefeuille à placer. Ainsi, la création d’un marché financier intégré en Europe a permis d’attirer des épargnants du monde entier. De ce point de vue, vous savez peut-être que l’Etat français a placé à l’étranger une bonne partie de sa dette: ce sont des non-résidents qui financent en partie l’action de l’Etat ! En 2011, 56 % de la dette négociable était détenue par des non-résidents qui trouvent ici un placement de leur épargne considéré comme sûr … relativement
En effet, un marché financier large signifie que les offreurs de capitaux (les épargnants) peuvent, par l’intermédiaire des banques et autres institutions financières, trouver des placements nombreux (plus par exemple que sur le seul marché français autrefois) et ceux qui demandent ces capitaux (entreprises, Etats) peuvent trouver aussi des épargnants plus nombreux (que les seuls épargnants français pour reprendre le même exemple). De plus, les épargnants (ou les institutions financières qui gèrent leur épargne) peuvent plus facilement revendre les actifs financiers (actions, obligations par exemple) sur un tel marché: l’offre et la demande de tels actifs financiers sont grandes.
Enfin, les catégories d’actifs en euros sont aussi plus nombreuses (différents titres de dette, des actions ou des obligations émises par de nombreuses entreprises etc.).
Toutes ces spécificités du marché financier de l’Union européenne (et notamment de la zone euro) facilitent l’arrivée de capitaux qui peuvent financer l’activité économique que ce soit l’activité productive des entreprises européennes, celle des Etats et la consommation des ménages.
Précisons les choses: globalement, d’après A. Brender et F. Pisani (dans «La crise de la finance globalisée», Editions La Découverte, Collection Repères, 2009), jusqu’à la fin des années 1990 tant que les mouvements de capitaux étaient faibles, l’intégration financière mondiale avait uniquement pour fonction de favoriser diversification des risques (au niveau mondial) dans les placements d’épargne. Mais, depuis lors, on peut penser qu’elle a pour fonction de favoriser un véritable transfert d’épargne entre pays ou grandes régions mondiales. Au niveau macroéconomique, tout se passe comme si les pays émergents (la Chine notamment) dégageaient une épargne qu’ils ne plaçaient pas dans leurs pays mais dans les pays développés, les E-U. bien sûr mais aussi l’UE. Cette épargne étrangère, arrivant sur les marchés financiers et dans les banques, faciliterait le financement des dépenses de tous les agents économiques (Etats, entreprises, ménages). On aboutirait au raisonnement suivant: les pays développés empruntent pour pouvoir assurer leurs dépenses, publiques et privées, grâce à l’épargne dégagée par les pays émergents (qui financent donc ces prêts). Cette épargne proviendrait elle-même d’ailleurs des revenus obtenus en exportant dans les pays développés les produits que ces derniers achètent… du fait d’une demande forte stimulée justement par la possibilité d’emprunts !
Disons quelques mots de la mise en place de l’euro qui a eu un impact très important sur les politiques conjoncturelles menées en Europe. C’est le Traité de Maastricht ou officiellement le Traité de l’Union européenne qui précise les conditions de passage à l’euro (voir notions «euro» et «union économique et monétaire»). Ce qu’il faut retenir d’important c’est que ce processus a nécessité pour les pays de l’UE de suivre des politiques budgétaires et monétaires restrictives afin d’une part de réduire les déficits publics et la dette publique et d’autre part de réduire l’inflation. Pour cela, les politiques de relance par le budget ont été proscrites de même qu’une politique de baisse des taux d’intérêt.
Dans l’économie mondiale, il s’agit du rare cas pour lequel des Etats ont décidé d’un commun accord de s’interdire des politiques de relance. Pour certains économistes, cela pourrait expliquer une autre particularité de l’UE: sa faible croissance et son fort niveau de chômage depuis les années 1990.
Quoi qu’il en soit, l’euro est devenu la monnaie de la grande majorité des pays de l’UE. Précisons que du point de vue financier et des politiques monétaires, c’est la date de 1999 qui est importante: c’est à partir du 1er janvier que les banques commerciales et les Banques centrales nouent des relations en euro; mais pour les tous les autres agents économiques, c’est l’année 2002 qui est décisive avec l’introduction des pièces et billets (et monnaie scripturale bien sûr) en euros. Au début, seuls 11 pays étaient qualifiés pour appartenir à la zone euro; aujourd’hui, c’est le cas de 19 pays (voir notions «Union économique et monétaire et «Euro» pour plus de détails).
Les autres pays de l’UE sont dans des situations diverses. En principe, ceux qui ne font partie de la zone ont vocation à y entrer (lorsqu’ils satisferont toutes les exigences prévues: voir notions «euro» et «union économique et monétaire») en faisant partie d’abord du MCE II (lire mécanisme de change deux). Ce MCE II est un mécanisme de change qui impose des marges de fluctuation entre les monnaies et le cours pivot de ± 15 % au maximum; une aide est apportée par la BCE aux Banques centrales nationales en cas de difficultés … sauf si cette action risque de nuire à la stabilité des prix dans la zone euro. Cependant, la participation au MCE II est volontaire et de nombreux pays nouvellement dans l’UE n’en font pas partie comme la République Tchèque, la Hongrie ou la Pologne.
A côté de ces pays, il existe deux pays membres plus anciens (avant la création de l’euro), le Royaume-Uni et le Danemark, qui ont négocié la clause dite de l’opting out leur permettant de rester dans l’UE sans utiliser l’euro; cependant, la Suède, qui ne l’avait pas négociée, est quand même restée hors de la zone euro alors qu’elle pourrait en faire partie. On retrouve ici la souplesse des règles au sein de l’UE …. Enfin, pour simplifier le tout (?!), le Danemark fait partie du MCE II ce qui n’est pas le cas de la Suède et du Royaume-Uni.
Donc, de nombreux pays de l’UE non membres de la zone euro ont une monnaie qui flotte plus ou moins librement (selon leur adhésion au MCE II) avec l’euro. Evidemment, cela pose des problèmes de concurrence et de compétitivité. C’est ce que nous allons étudier de manière plus large maintenant.
Si la zone euro est un espace monétaire et financier qui empêche les fluctuations des taux de change, ce n’est pas forcément le cas vis-à-vis des pays du reste du monde.
Prenons l’exemple du taux de change du dollar avec le yen. Entre 2002 et 2010, par rapport au dollar, le yen a perdu environ un tiers de sa valeur et s’est valorisé d’environ 20 % entre 2005 et 2007. Vous imaginez les conséquences de ces variations sur le commerce extérieur du Japon et des E.U. et la difficulté d’anticiper les gains possibles en exportant ou en important. La zone euro évite ces incertitudes comme nous l’avons vu. Cependant, l’euro varie vis-à-vis des autres devises: de 2002 à 2008, l’euro a vu sa valeur en dollar doubler! Vous avez vu en détail dans le chapitre précédent les conséquences pour les exportateurs européens de la zone euro.
Pour autant, la zone euro a-t-elle une politique de change? Les traités prévoient simplement que c’est le Conseil des ministres des finances, sur proposition de la Commission ou de la BCE, qui définit les orientations d’une politique de change sous condition qu’elle ne mette pas en danger la stabilité des prix. Qu’est-ce à dire? Supposons que le Conseil soit sensible aux arguments des exportateurs et décide de faire baisser l’euro de 1,32 dollars à 1,10 dollars par exemple. Les exportateurs seront satisfaits puisqu’ils vendront leur produit 1,10 $ au lieu de 1,32 $ pour obtenir la même somme en €. Qu’en est-il des produits importés? Si le pétrole importé est acheté 100 $ le baril, il coutera non plus environ 76 € (100/1,32) mais 91 €! D’où une hausse du prix de l’énergie et un risque de payer plus chers, d’une manière générale, tous les produits importés: c’est l’inflation importée. Etant donné l’objectif essentiel des politiques économiques dans la zone euro de lutte contre l’inflation, cette politique n’a pas été menée. A l’inverse, une politique de monnaie forte a-t-elle été menée? En fait, pas plus que les Etats-Unis, la zone euro n’a de véritable politique de change: on peut donc dire que le taux de change varie librement, sans intervention de la BCE … sauf avec quelques pays qui ont des accords de change avec la zone euro ou des pays de la zone euro (des pays africains ayant conservé les liens monétaires qui existaient avec la France avant la création de l’euro).
Tout d’abord, il faut savoir que quelques pays utilisent l’euro comme monnaie sans appartenir à l’UE comme Monaco ou San Marin et le Vatican mais aussi le Kosovo et le Monténégro. Cela est une preuve de la confiance vis-à-vis d’elle. On peut noter aussi que certains pays maintiennent un taux de change fixe avec l’euro comme précisé auparavant (Cote d’Ivoire, Gabon etc.) ou suivent un régime de flottement vis-à-vis de l’euro mais de manière contrôlée comme la Croatie, la Serbie et le la Macédoine. Son influence est donc grande dans l’ensemble de l’Europe et certains pays africains ce qui facilite les opérations économiques entre tous ces pays et ceux de la zone euro.
Ensuite, l’euro est aussi une monnaie avec laquelle on échange au niveau international même si c’est dans des proportions bien moindres que le dollar. Ainsi, près de 40 % des opérations sur le marché des changes (sur un total de 200 %) se faisaient en euros contre près de 85 % en dollars et 20 % en yen en 2010. Cela est intéressant pour les entreprises de la zone euro car cela limite les risques de change.
Enfin, l’euro est aussi une monnaie dans laquelle on emprunte ou on place de l’argent. En 2009, 31,4 % du stock des obligations internationales était libellé en euro, 45,8 % en dollar et 5,8 % en yen. Tous ces chiffres sont donnés par M-A. Barthe dans «Economie de l’Union européenne», Ed. Economica, 2011. Là encore, on peut penser que c’est un vrai avantage pour les entreprises et les Etats européens de pouvoir s’endetter dans leur propre monnaie.
Finalement, en quelques années, l’euro a pris une place importante dans l’économie mondiale, place que ne semble pas remettre en cause la crise des finances publiques dans la zone euro.