ATTENTION :
Dans nos sociétés, l'intégration des individus passe notamment, vous le savez, par le travail. Or, le chômage et la précarité de certains emplois liés au manque d'emplois nuit à cette intégration. C'est pour cela qu'une grande partie des politiques économiques visent, in fine, à améliorer l'emploi non seulement du point de vue quantitatif, pour réduire le chômage, mais aussi qualitatif, pour réduire la précarité des conditions de vie. C'est dans ce chapitre que vous étudierez de manière plus précise ces politiques sur l'emploi en insistant sur les effets prévus ou prévisibles sur le chômage et l'intégration par le travail.
Comme vous l'avez étudié en détail dans le chapitre 10 le travail est source d'intégration sociale par les revenus et les droits sociaux, qu'il procure mais aussi par l'identité sociale qu'il procure aux individus.
Rappelons simplement que le travail est source de revenus qui permettent aux individus de consommer et satisfaire leurs besoins et, donc, de participer pleinement à notre société qui est une société de consommation. De plus, en cas de perte d'emplois, de problème de santé etc., le travail par le biais du versement de cotisations permet soit d’obtenir un revenu de remplacement soit des remboursements de dépenses supplémentaires. Enfin, le travail dès lors qu'il s'inscrit dans la durée, est source de statut social et de reconnaissance sociale ; bref, il apporte à individu une identité sociale.
L'évolution du nombre d'emplois résulte de créations et de destructions d'emplois. Par conséquent, l'évolution du nombre d'emplois d'une année sur l'autre ne traduit pas l'ampleur des mouvements que peuvent connaître les travailleurs. De plus, des salariés peuvent changer d'emplois alors qu'il n'y a ni destruction ou création d'emplois. Les mouvements de main d’œuvre sont donc très importants. Ainsi, une enquête de l'INSEE durant les années 1998 à 2003, en France bien sûr, montre l'importance de ces changements : 52 % des salariés du privé ont changé de poste durant cette période dont les trois quarts se font à l'extérieur de l'entreprise. La flexibilité externe apparaît ici comme très importante. Mais la façon dont elle est perçue par les salariés dépend sans doute de son caractère voulu ou non pour les salariés. Qu'en est-il ?
En effet, on peut penser que la mobilité choisie améliore la situation du travailleur et lorsque cette mobilité se fait vers un autre emploi son intégration est meilleure : on sait ainsi que les promotions sont 7 fois plus fréquentes lorsque c'est le salarié qui choisit de quitter son emploi que lorsque le départ de l'emploi provient de la volonté de l'employeur. A l'inverse, une mobilité subie peut être source d’exclusion si elle se fait vers le chômage. La même enquête que celle utilisée dans le paragraphe précédent indique que 16,5 % des hommes ont connu un passage de l'emploi vers le chômage ou l'inactivité et 6,5 % ont dû changer d'emploi et trouver un emploi à l'extérieur de l'entreprise du fait de la volonté de leur employeur. On peut aussi penser que ces flux seraient plus importants encore en période de faible croissance, les dernières années des années 1990 ayant été des années de forte croissance.
On peut retenir aussi de ces quelques données que le marché du travail connaît des mouvements, bien que l'on considère souvent le marché du travail en France comme rigide.
Du point de vue de l’intégration grâce au travail, il convient de préciser quels sont les individus qui connaissent cette mobilité. Considérons les différences entre hommes et femmes. De manière somme toute assez attendue, ce sont les femmes qui sont les plus mobiles : elles passent plus souvent que les hommes de l'emploi vers le chômage ou l'inactivité pour des raisons familiales (enfants, suivi du mari, etc.) alors que les hommes passent plus fréquemment que les femmes d'un emploi vers un autre emploi. De même la mobilité externe contrainte est plus fréquente chez les femmes tandis que la mobilité interne à l'entreprise est plus fréquente chez les hommes. L'intégration par le travail semble donc plus effective parmi les hommes que parmi les femmes.
Concernant l'âge, il est bien connu que les jeunes éprouvent des difficultés à s'insérer rapidement dans le monde du travail. Si le changement contraint d'emploi touche plus fréquemment les plus âgés (les plus de 55 ans), il faut le souligner, ce sont les plus jeunes qui connaissent plus fréquemment que les plus anciens le passage de l'emploi vers le chômage. Mais il faut tenir compte ici de la nature des emplois.
Les emplois précaires (formes particulières d'emploi pour l'INSEE) regroupent toutes les formes d'emplois qui ne sont pas des contrats à durée indéterminée. Leur caractéristique est donc de fournir un emploi et donc un revenu pour une durée déterminée. Ce sont par exemple, des stages, des emplois avec un Contrat (sous-entendu de travail) à Durée Déterminée, des emplois intérimaires etc.
Si la proportion des entrées en emploi avec une forme particulière d'emplois représente, en France, environ 3 fois celle avec un CDI (dans les entreprises de plus 50 salariés), la fin des emplois en CDD représentaient, au milieu des années 2000, environ 4 fois le nombre de démissions et environ 8 fois le nombre de licenciements. C'est donc essentiellement par ce type d'emploi que la fluidité du marché du travail en France s'opère. Or, près de la moitié de l'emploi salarié en France était des emplois précaires chez les 15-24 ans : ce sont surtout ces jeunes, une part non négligeable d'entre eux tout au moins qui vivent cette mobilité sur le marché du travail avec la précarité des revenus qu'elle entraîne.
Il est vrai que non seulement ces emplois précaires ne procurent pas une assurance de revenus à moyen terme pour les individus bien que les droits sociaux soient les mêmes (ils bénéficient aussi d'une prime de précarité pour compenser cette précarité). Toutefois, l'instabilité de l'emploi rend l'intégration sociale dans le monde du travail difficile et longue notamment pour les moins qualifiés.
Toutefois, l'intégration des jeunes ne serait-elle pas plus difficile sans ces contrats, les entreprises pouvant hésiter à embaucher directement des jeunes avec un CDI ?
Face aux effets pervers de cette fluidité du marché du travail vis-à-vis des jeunes, des femmes par exemple, ne faudrait-il pas trouver des solutions qui réduisent cette précarité ? Comment rendre employable des personnes dont la formation est inadaptée aux besoins des employeurs et qui passe d'un emploi précaire à un autre ? Ne peut-on plus globalement augmenter le nombre total d'emplois ? Ce sont ces politiques que nous allons étudier maintenant.