4. La mobilité sociale dans la France contemporaine.

4.1. La société française est marquée par une forte reproduction sociale.

Souvenez-vous : dans le paragraphe 2.2.1, nous nous sommes intéressés aux principaux enseignements de la table de destinée (document du 2.1.2), et nous en avions conclu qu’il existe une forte immobilité sociale en France, en 2014-2015. En effet, nous avions observé que la diagonale de cette table comporte des valeurs élevées, voire les plus élevées. Par exemple, en France, en 2014-2015, 47 % des fils de cadres sont devenus cadres, et 47,6 % des fils d’ouvriers sont devenus ouvriers ; autrement dit, près de la moitié des fils de cadres et des fils d’ouvriers sont immobiles. C’est également le cas de près du tiers des fils de professions intermédiaires, d’un quart des fils d’agriculteurs et d’un cinquième des fils d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise. Ces proportions élevées qui témoignent d’une forte immobilité sociale nous conduisent à dire que la société française est caractérisée par une forte reproduction sociale. La reproduction sociale désigne le fait d’appartenir à la même catégorie sociale que ses parents ; on peut parler également d’immobilité sociale. Pour celles et ceux parmi vous qui ne seraient pas pleinement convaincus de l’importance de la reproduction sociale en France, étant donné que les pourcentages d'individus immobiles sont toujours inférieurs à 50 %, nous vous invitons à comparer les chiffres de la diagonale avec ceux de la ligne " ensemble " : les chiffres de la diagonale sont toujours plus élevés que ceux de la ligne " ensemble " (c’est-à-dire de la moyenne des actifs occupés). Par exemple, en France, en 2014-2015, un fils d'agriculteurs avait presque 10 fois plus de chances de devenir agriculteur que la moyenne des actifs occupés (25 / 2,6 = 9,6 » 10). S'il y avait une parfaite égalité des chances, on trouverait le même chiffre dans toutes les cases de la colonne « agriculteurs exploitants » : 4 % des fils d'agriculteurs (et non 25 %) comme 4 % des fils de cadre (et non 0,2 %), etc. seraient devenus agriculteurs. De même, puisqu'il y a 19,3 % de cadres dans la population (ligne " ensemble ", colonne " cadres "), il devrait y avoir 19 % de cadres parmi les fils de chaque groupe socioprofessionnel (pour une parfaite égalité des chances). Retenez donc quelque chose d'important : pour étudier l'immobilité sociale, il est pertinent de comparer le chiffre de la diagonale avec le chiffre de la « marge » (ligne ou colonne « ensemble » ou « total »). Finalement, l'immobilité est plus forte chez les fils d'agriculteurs que chez les fils d'ouvriers (47,6 / 33 = 1,44) : les fils d’ouvriers ont seulement 1,44 fois plus de chances de devenir ouvriers que la moyenne des actifs occupés… mais c'est le % le plus élevé de la colonne ! De plus, remarquez que c'est le cas pour chaque colonne : le chiffre de la diagonale est toujours le plus élevé, ce qui veut dire que la probabilité d'être dans tel ou tel GSP est toujours plus forte pour les fils de ce même GSP, ce qui signifie bien que la reproduction sociale est forte en France.

Souvenez-vous : dans le paragraphe 2.2.1, nous nous sommes intéressés aux principaux enseignements de la table de destinée (document du 2.1.2), et nous en avions conclu qu’il existe une forte immobilité sociale en France, en 2014-2015.

En effet, nous avions observé que la diagonale de cette table comporte des valeurs élevées, voire les plus élevées. Par exemple, en France, en 2014-2015, 47 % des fils de cadres sont devenus cadres, et 47,6 % des fils d’ouvriers sont devenus ouvriers ; autrement dit, près de la moitié des fils de cadres et des fils d’ouvriers sont immobiles. C’est également le cas de près du tiers des fils de professions intermédiaires, d’un quart des fils d’agriculteurs et d’un cinquième des fils d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise. Ces proportions élevées qui témoignent d’une forte immobilité sociale nous conduisent à dire que la société française est caractérisée par une forte reproduction sociale. La reproduction sociale désigne le fait d’appartenir à la même catégorie sociale que ses parents ; on peut parler également d’immobilité sociale.

Pour celles et ceux parmi vous qui ne seraient pas pleinement convaincus de l’importance de la reproduction sociale en France, étant donné que les pourcentages d'individus immobiles sont toujours inférieurs à 50 %, nous vous invitons à comparer les chiffres de la diagonale avec ceux de la ligne " ensemble " : les chiffres de la diagonale sont toujours plus élevés que ceux de la ligne " ensemble " (c’est-à-dire de la moyenne des actifs occupés). Par exemple, en France, en 2014-2015, un fils d'agriculteurs avait presque 10 fois plus de chances de devenir agriculteur que la moyenne des actifs occupés (25 / 2,6 = 9,6 » 10). S'il y avait une parfaite égalité des chances, on trouverait le même chiffre dans toutes les cases de la colonne « agriculteurs exploitants » : 4 % des fils d'agriculteurs (et non 25 %) comme 4 % des fils de cadre (et non 0,2 %), etc. seraient devenus agriculteurs. De même, puisqu'il y a 19,3 % de cadres dans la population (ligne " ensemble ", colonne " cadres "), il devrait y avoir 19 % de cadres parmi les fils de chaque groupe socioprofessionnel (pour une parfaite égalité des chances). Retenez donc quelque chose d'important : pour étudier l'immobilité sociale, il est pertinent de comparer le chiffre de la diagonale avec le chiffre de la « marge » (ligne ou colonne « ensemble » ou « total »).

Finalement, l'immobilité est plus forte chez les fils d'agriculteurs que chez les fils d'ouvriers (47,6 / 33 = 1,44) : les fils d’ouvriers ont seulement 1,44 fois plus de chances de devenir ouvriers que la moyenne des actifs occupés… mais c'est le % le plus élevé de la colonne ! De plus, remarquez que c'est le cas pour chaque colonne : le chiffre de la diagonale est toujours le plus élevé, ce qui veut dire que la probabilité d'être dans tel ou tel GSP est toujours plus forte pour les fils de ce même GSP, ce qui signifie bien que la reproduction sociale est forte en France.

4.2. La mobilité ascendante est supérieure au déclassement en France.

La mobilité ascendante correspond à un changement de position sociale vers une catégorie ou vers un statut supérieurs. Quant au déclassement, il peut avoir plusieurs significations : 1°) le déclassement intergénérationnel désigne une mobilité sociale intergénérationnelle descendante, 2°) le déclassement intragénérationnel désigne une mobilité professionnelle descendante, et 3°) le déclassement scolaire désigne le fait d’occuper un emploi en-dessous de son niveau de qualification. C’est la première définition que nous retiendrons ici. Tout d’abord, notons que la mobilité verticale est plus facile à repérer entre les catégories de salariés car celles sont assez clairement hiérarchisées. Ainsi, les cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS) occupent une position sociale supérieure à celle des professions intermédiaires, dont la position sociale est elle-même supérieure à celle des employés et des ouvriers que l’on peut placer au même niveau (inférieur) de la hiérarchie. Les agriculteurs exploitants et les artisans, commerçants et chefs d’entreprises (ACCE) sont plus difficiles à placer dans l’échelle hiérarchique des GSP. On parle donc de mobilité ascendante pour les fils de professions intermédiaires devenus cadres, ainsi que pour les fils d’employés et d’ouvriers qui deviennent cadres ou professions intermédiaires. En revanche, on considère que les fils de cadres qui occupent une profession intermédiaire ou qui deviennent employés ou ouvriers connaissent un déclassement. De même pour les fils issus du GSP professions intermédiaires devenus employés ou ouvriers. On distingue donc cinq situations de mobilité ascendante, et cinq situations de déclassement. Grâce à la table de mobilité brute (voir document du 2.1.1), on dénombre 1 490 000 (294 + 107 + 183 + 269 + 637 = 1 490) personnes en mobilité ascendante et 693 000 (221 + 73 +76 + 99 + 224 = 693) déclassées, en France, en 2014-2015. Cela représente respectivement 22 % et 10,2 % de l’effectif total, ou encore 34,5 % et 16 % des individus mobiles. Ainsi, les chances de connaître une promotion sociale (c’est-à-dire une mobilité sociale ascendante) sont environ 2 fois plus élevées que celles de connaître un déclassement. Le déclassement est donc un phénomène bien réel en France, mais dont l’importance reste inférieure à la mobilité ascendante.

La mobilité ascendante correspond à un changement de position sociale vers une catégorie ou vers un statut supérieurs.

Quant au déclassement, il peut avoir plusieurs significations : 1°) le déclassement intergénérationnel désigne une mobilité sociale intergénérationnelle descendante, 2°) le déclassement intragénérationnel désigne une mobilité professionnelle descendante, et 3°) le déclassement scolaire désigne le fait d’occuper un emploi en-dessous de son niveau de qualification. C’est la première définition que nous retiendrons ici.

Tout d’abord, notons que la mobilité verticale est plus facile à repérer entre les catégories de salariés car celles sont assez clairement hiérarchisées. Ainsi, les cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS) occupent une position sociale supérieure à celle des professions intermédiaires, dont la position sociale est elle-même supérieure à celle des employés et des ouvriers que l’on peut placer au même niveau (inférieur) de la hiérarchie. Les agriculteurs exploitants et les artisans, commerçants et chefs d’entreprises (ACCE) sont plus difficiles à placer dans l’échelle hiérarchique des GSP.

On parle donc de mobilité ascendante pour les fils de professions intermédiaires devenus cadres, ainsi que pour les fils d’employés et d’ouvriers qui deviennent cadres ou professions intermédiaires. En revanche, on considère que les fils de cadres qui occupent une profession intermédiaire ou qui deviennent employés ou ouvriers connaissent un déclassement. De même pour les fils issus du GSP professions intermédiaires devenus employés ou ouvriers. On distingue donc cinq situations de mobilité ascendante, et cinq situations de déclassement.

Grâce à la table de mobilité brute (voir document du 2.1.1), on dénombre 1 490 000 (294 + 107 + 183 + 269 + 637 = 1 490) personnes en mobilité ascendante et 693 000 (221 + 73 +76 + 99 + 224 = 693) déclassées, en France, en 2014-2015. Cela représente respectivement 22 % et 10,2 % de l’effectif total, ou encore 34,5 % et 16 % des individus mobiles. Ainsi, les chances de connaître une promotion sociale (c’est-à-dire une mobilité sociale ascendante) sont environ 2 fois plus élevées que celles de connaître un déclassement. Le déclassement est donc un phénomène bien réel en France, mais dont l’importance reste inférieure à la mobilité ascendante.

4.3. Quelles sont les caractéristiques de la mobilité des femmes par rapport à celle des hommes ?

L’augmentation du taux d’activité féminin s’accompagne d’une augmentation de la mobilité féminine, et en particulier de la mobilité ascendante. L’accès croissant à l’emploi pousse les filles vers des statuts sociaux plus favorables que ceux de leurs mères. Ainsi, en France, en 2015, 70 % des femmes de 35 à 59 ans ont été mobiles par rapport à leur mère, et 40 % des femmes ont connu une mobilité ascendante contre 17 % en 1977, soit 2,4 fois plus.On constate en outre qu’en France, au 21ème siècle, les femmes comparées à leurs mères sont plus mobiles que les hommes comparés à leurs pères. Globalement, le taux de mobilité des hommes par rapport à leur père a stagné entre 1977 et 2015, alors que celui des femmes par rapport à leur mère a augmenté (passant de 60 % à 70 %). Le taux de mobilité ascendante des femmes par rapport à leur mère a également plus augmenté que celui des hommes par rapport à leur père (ce dernier est passé de 23 % à 28 % entre 1977 et 2015, alors que celui des femmes a plus que doublé).Soulignons par ailleurs que la mobilité des filles par rapport à leur père est différente de celle des fils, comme le montre l’étude de la table de destinée des femmes selon l’origine sociale de leur père en 2015 (voir tableau ci-après) :Les filles deviennent moins agricultrices, artisanes-commerçantes, cadres ou ouvrières que les fils. Ainsi, la structure sociale des filles est différente de celles des fils, avec une sur-représentation des employées.Les femmes occupent moins souvent que les hommes des emplois qualifiés, même si l’écart se réduit : en 2013, la probabilité qu’un homme en emploi occupe une profession « supérieure » plutôt qu’un autre emploi est 1,5 fois celle d’une femme, contre 1,7 fois en 2003, et 2,8 fois en 1982.Les filles de cadres ont moins de chances de devenir elles-mêmes cadres que les fils de cadres. 35 % des filles de cadres sont devenues cadres, alors que c’est le cas de 47 % des fils de cadres de la même génération. Cela veut dire que, dans ce GSP, la reproduction sociale est plus faible chez les femmes, et que le fait d’avoir un père cadre prédispose plus les hommes à le devenir également que les femmes. De plus, globalement, la part de femmes cadres est plus faible (14,1 %) que celle de hommes cadres de la même génération (19,3 %).Ces caractéristiques de la mobilité féminine (présence élevée chez les employés, mais moindre aux postes de cadres ou qualifiés) créent des conditions structurelles favorables à la mobilité ascendante des hommes.Tableau : Destinées sociales des femmes selon l’origine sociale de leur père en 2015 Source : INSEE Première, n°1739, février 2019.Nous avons montré les principales caractéristiques de la mobilité sociale en France et déjà expliqué qu’une partie de cette mobilité résulte de la mobilité structurelle. Il nous faut maintenant comprendre quels sont les facteurs qui favorisent la mobilité sociale ou au contraire la reproduction sociale.

L’augmentation du taux d’activité féminin s’accompagne d’une augmentation de la mobilité féminine, et en particulier de la mobilité ascendante. L’accès croissant à l’emploi pousse les filles vers des statuts sociaux plus favorables que ceux de leurs mères. Ainsi, en France, en 2015, 70 % des femmes de 35 à 59 ans ont été mobiles par rapport à leur mère, et 40 % des femmes ont connu une mobilité ascendante contre 17 % en 1977, soit 2,4 fois plus.

On constate en outre qu’en France, au 21ème siècle, les femmes comparées à leurs mères sont plus mobiles que les hommes comparés à leurs pères. Globalement, le taux de mobilité des hommes par rapport à leur père a stagné entre 1977 et 2015, alors que celui des femmes par rapport à leur mère a augmenté (passant de 60 % à 70 %). Le taux de mobilité ascendante des femmes par rapport à leur mère a également plus augmenté que celui des hommes par rapport à leur père (ce dernier est passé de 23 % à 28 % entre 1977 et 2015, alors que celui des femmes a plus que doublé).

Soulignons par ailleurs que la mobilité des filles par rapport à leur père est différente de celle des fils, comme le montre l’étude de la table de destinée des femmes selon l’origine sociale de leur père en 2015 (voir tableau ci-après) :

  • Les filles deviennent moins agricultrices, artisanes-commerçantes, cadres ou ouvrières que les fils. Ainsi, la structure sociale des filles est différente de celles des fils, avec une sur-représentation des employées.
  • Les femmes occupent moins souvent que les hommes des emplois qualifiés, même si l’écart se réduit : en 2013, la probabilité qu’un homme en emploi occupe une profession « supérieure » plutôt qu’un autre emploi est 1,5 fois celle d’une femme, contre 1,7 fois en 2003, et 2,8 fois en 1982.
  • Les filles de cadres ont moins de chances de devenir elles-mêmes cadres que les fils de cadres. 35 % des filles de cadres sont devenues cadres, alors que c’est le cas de 47 % des fils de cadres de la même génération. Cela veut dire que, dans ce GSP, la reproduction sociale est plus faible chez les femmes, et que le fait d’avoir un père cadre prédispose plus les hommes à le devenir également que les femmes. De plus, globalement, la part de femmes cadres est plus faible (14,1 %) que celle de hommes cadres de la même génération (19,3 %).
  • Ces caractéristiques de la mobilité féminine (présence élevée chez les employés, mais moindre aux postes de cadres ou qualifiés) créent des conditions structurelles favorables à la mobilité ascendante des hommes.

Tableau : Destinées sociales des femmes selon l’origine sociale de leur père en 2015

Table de mobilité des femmes

Source : INSEE Première, n°1739, février 2019.

Nous avons montré les principales caractéristiques de la mobilité sociale en France et déjà expliqué qu’une partie de cette mobilité résulte de la mobilité structurelle. Il nous faut maintenant comprendre quels sont les facteurs qui favorisent la mobilité sociale ou au contraire la reproduction sociale.